Crise financière : Qu’en est-il des réserves de change de l’Algérie placées à l’étranger ?

Crise financière : Qu’en est-il des réserves de change de l’Algérie placées à l’étranger ?

Les réserves internationales d’un pays sont, généralement, l’ensemble des disponibilités composant le portefeuille des actifs que sa Banque centrale détient (devises, or, droits de tirages spéciaux (DTS). La monnaie est un rapport social traduisant le rapport confiance État/citoyens, un signe permettant les échanges ne créant pas de richesses. Au contraire, la thésaurisation et la spéculation dans les valeurs refuges comme l’or, certaines devises ou certaines matières premières sont nocives à toute économie.

Avant la crise de 2008, 20 % des réserves des change de l’Algérie étaient placées dans des banques internationales privées dites cotées AAA alors qu’il y a eu récemment avec la crise grecque une dépréciation des obligations de bon nombre de pays européens et que certaines banques dites AAA ont été décotées ou ont fait faillite. Le ratio a été ramené selon le gouverneur de la banque d’Algérie en 2010 à 2%.

Avec la crise mondiale qui risque de prendre de l’ampleur entre 2015/2020, faute d’une nouvelle régulation mondiale, quel est le devenir des réserves de change de l’Algérie qui sont liées directement à la sécurité du pays ? Tel est l’objet de cette contribution.

1- Selon les statistiques du FMI de 2009, l’Algérie disposait, courant 2009, de 173,6 tonnes d’or avec une valeur en termes de lingots de 6,07 milliards de dollars, soit 4,3% des réserves de change de l’époque. Depuis le montant a-t-il augmenté en termes de ratio global stable ramené au total des réserves de change estimées à 175 milliards de dollars au 31 juillet 2011, selon les sources officielles et vraisemblablement selon les statistiques internationales, devant arriver entre 190/200 milliards de dollars fin 2011 et posant par conséquent le problème de la transparence de la gestion des réserves de change ?

Si l’on avait acheté de l’or en 2008/2009, les réserves de change de l’Algérie en termes de parité de pouvoir d’achat seraient en décembre 2011 de plus de 320 milliards de dollars US. Et le pouvoir d’achat de l’Algérie aurait été plus élevé si l’on avait acheté des actions dévalorisées fin 2008 dont le cour pour certains segments industriels et de services a remonté à plus de 300% entre 2009/2011.

L’Algérie arrive à la 22ème place mondiale pour les réserves d’or, est ainsi le premier pays en Afrique, devant la Libye (24ème) et l’Afrique du Sud (27ème). L’Algérie se classe à la 3ème place dans le monde arabe derrière l’Arabie Saoudite (16ème avec 322,9 tonnes) et le Liban (18ème avec 281,6 tonnes). Cependant, avoir des réserves de change en devises ou en or est une condition nécessaire, mais non suffisante au développement. Il faut sécuriser l’investissement et surtout éviter un dérapage plus important de la valeur du dinar par rapport aux devises où existe actuellement une corrélation d’environ 70% entre la valeur actuelle du dinar et ce stock de devises via la rente des hydrocarbures, sinon le dinar flotterait à plus de 300 dinars un euro.

La Chine a des réserves de change estimée à 3045 milliards de dollars, en mars 2011 par les organismes internationaux, dont une grande fraction sous forme de bons de trésor américains. Ses réserves sont le fuit du travail des chinois. La destination des exportations chinoises étant en premier lieu l’Europe, et en second lieu les USA, ces réserves de change chinoises permettent, libellées tant en bons de trésor US qu’en certaines obligations européennes, d’atténuer la chute aussi bien de la valeur du dollar et qu’accessoirement la chute de l’Euro du faite de l’existence d’un vase communicant entre la dynamique de l’économie mondiale (USA et Europe pour 880 millions d’habitants totalisant près de 50% du PIB mondial mais également 45% de la dette publique mondiale rapportée au PIB mondial) et la dynamique de l’économie chinoise. Ceci contrairement à l’Algérie, qui vit en plein syndrome hollandais. Elle exporte uniquement des hydrocarbures à l’état brut et semi brut(98%) et importe la majorité de ses besoins (70/75%).

Tous les segments de la société algérienne veulent immédiatement leurs parts de rente, et cela entraine une complicité entre le sommet affaibli par les scandales financiers à répétions et la base (versement de salaires sans contreparties productives ), ce qui ne peut que conduire au suicide collectif du pays à terme. Aussi évitons toute comparaison hasardeuse.

2- La leçon pour l’Algérie est qu’il est étonnant que la majorité des observateurs algériens s’appesantissent sur les réserves algériennes placées en bons de trésor américains- qui sont d’environs75 milliards de dollars- et oublient que plus de 75 milliards de dollars sont placées dans des banques centrales européennes, certes garantis par les États.

Je suis inquiet pour certains pays d’Europe en faillite. Je le suis moins concernant nos placements en Allemagne, la France et aux États-Unis d’Amérique, première puissance économique mondiale. La question qui se pose est : dans quel pays européens l’Algérie a placé ses obligations ? La Grèce, l’Irlande, l’Italie, l’Espagne, France, Allemagne, Angleterre, France, Allemagne ? Quelle est la structuration des réserves de change entre les principales monnaies internationales ? En dollars, euros, livres sterling, yens,.. ?

Les données de 45% en dollars, 45% en euros, 5% en livres sterling et 5% en yens sont-elles justes et quelle est la part de l’or dans les réserves de change ?

Avant la crise de 2008, 20 % des réserves des change de l’Algérie étaient placées dans des banques internationales privées, dites cotées AAA alors qu’il y a eu récemment avec la crise grecque dépréciation des obligations de bon nombre de pays européens et que certaines banques dites AAA ont été décotées ou ont fait faillite. Le ratio été ramené selon le gouverneur de la banque d’Algérie en 2010 à 2% Que s’est-il passé entre temps pour les 18 %, puisque la majorité des pays du Golfe ont subi une dépréciation ? L’Algérie serait-elle une exception ? A-t-elle tiré les leçons pur l’avenir ?

Avec des rendements faibles, voire négatifs tenant compte du taux d’inflation mondial pour le rendement global, la question qui se pose est la suivante : pourquoi pomper encore les hydrocarbures, du fait de la faiblesse de la capacité d’absorption interne, pour ensuite placer cet argent à l’extérieur avec tous les risques dus à la crise de l’endettement des États de l’Occident ?

Face à cette situation de turbulences de l’économie mondiale qui touche tous les pays, le gouvernement algérien faute de prospective, assiste en spectateur aux effets de la crise qui est structurelle. Le problème central est le passage d’une économie de rente à une économie hors hydrocarbures sachant que, à moins d’un miracle, l’Algérie sera importateur net de pétrole dans 16 ans et 25 ans pour le gaz avec une population qui approchera 45/50 millions d’habitants.

Pour tout développement fiable, il s’agira de synchroniser la sphère réelle et financière, la dynamique économique et la dynamique sociale au sein d’une économie ouverte en s’adaptant à la mondialisation qui nécessite de réhabiliter l’entreprise et son fondement le savoir, ce qui implique de profonds réaménagements dans les structures du pouvoir algérien.

On n’improvise pas les réformes qui doivent être supportées par des forces sociales innovatrices avec de fortes résistances des tenants de la rente, les gagnants de demain n’étant pas forcément ceux d’aujourd’hui. Il faut être réaliste, éviter de vendre des illusions. Malgré des dépenses monétaires sans précédent depuis l’indépendance politique, les résultats économiques et sociaux sont mitigés.

Il s’agira, pour l’avenir des générations futures, d’utiliser d’une manière optimale ces réserves de change, produit des hydrocarbures et non d’une bonne gouvernance, ce qui suppose qu’au lieu d’élaborer des lois face pour régler les problème de l’Algérie(vison juridique bureaucratique du passé, culture des années 1970), mais de s’attaquer au fonctionnement du système défaillant, lui même.

Pr Abderrahmane MEBTOUL, économiste