L’Algérie peut compter, du moins à court terme, sur son aisance financière pour se prémunir contre tout impact négatif résultant de la crise financière qui secoue actuellement des pays de l’Europe du Sud.
Pour plusieurs experts interrogés par l’APS, la crise financière des pays de l’Europe du Sud ne devrait pas avoir d’impact immédiat sur l’économie nationale, l’Algérie étant épanouie financièrement. En revanche, les répercussions négatives semblent évidentes à moyen terme.
Une analyse qui repose essentiellement sur des prévisions privilégiant une hausse de la facture des importations de l’Algérie et une diminution de ses exportations d’hydrocarbures, donc de ses recettes. Pour les économistes, la crise européenne pourrait nuire à l’économie algérienne également par d’autres facteurs. Elle devrait contribuer à freiner l’immigration vers l’Europe et entraver les négociations sur la révision du calendrier du démantèlement tarifaire entre l’Algérie et l’UE.
« A cause des politiques d’austérité adoptées par les pays touchés par la crise, il pourrait y avoir une réduction de la consommation d’énergie dans ces pays, ce qui aurait une conséquence directe sur nos exportations de gaz et, évidemment, sur nos recettes », a fait remarquer l’expert international Arslane Chikhaoui, qui écarte, tout de même, l’éventualité de constater des effets immédiats de cette situation.
La circulation des personnes entre les deux rives de la Méditerranée serait, selon le même économiste, aussi affectée par ces politiques (d’austérité) qui « vont certainement avoir une incidence non seulement sur la consommation interne mais aussi sur l’emploi, ce qui va pousser les pays européens à adopter des mesures pour limiter l’accroissement du chômage amplifié par le phénomène d’immigration », a-t-il expliqué.
M. Chikhaoui s’attend également à ce que les pays européens « développent de plus en plus leurs relations commerciales avec les pays de la rive sud notamment avec ceux qui disposent de réserves financières importantes, comme l’Algérie, dans l’objectif de booster leur machine industrielle ».
Il importe de rappeler à ce propos que les pays de l’UE sont les principaux partenaires commerciaux de l’Algérie, avec 51% des importations et 49,3% des exportations en 2010. Après les USA, l’Italie est le 2ème client de l’Algérie, suivie par l’Espagne, la France et les Pays-Bas. Côté fournisseurs, la France occupait, en 2010, la 1ère place, suivie de la Chine, l’Italie, l’Espagne et l’Allemagne. Pour Mustapha Mékidèche, économiste et vice-président du CNES, la crise de l’UE, qui risque, selon lui, de toucher l’ensemble de la zone, « aura un impact important sur l’Algérie ».
« Nous sommes engagés dans un processus de mise en place d’un marché de libre-échange avec l’UE et les choses se dégradent au moment où l’Algérie souhaite réviser son calendrier de démantèlement tarifaire: cela tombe très mal pour nous car les marges de manoeuvre de l’UE se réduisent notablement », a-t-il souligné. L’économiste prévoit, lui aussi, un chamboulement dans les exportations algériennes d’hydrocarbures.
M. Mékidèche redoute, par ailleurs, un accroissement sensible de la facture des importations algériennes. « Nos factures d’importation notamment agroalimentaires, et on commence déjà à le ressentir, vont augmenter sensiblement par les effets spéculatifs que la crise induit sur les économies réelles européennes », a-t-il prédit.
Et pour terminer par une note d’optimisme, l’expert a exhorté les autorités algériennes à profiter de l’occasion pour « changer le paradigme des échanges en l’infléchissant vers des partenariats industriels locaux orientés vers la production et l’export », les facteurs de succès étant, ditil, « réunis à présent ».
De son côté, le Dr Bachir Messaitfa est « tranquille » quant au devenir de l’économie algérienne du moins pour les cinq prochaines années. « L’Algérie, qui n’est pas liée aux Bourses et banques internationales et aux Fonds souverains et qui dispose de réserves financières importantes, peut vivre cinq ans sans ressentir les effets de la crise sur le plan financier.
Au-delà, ces effets seront tout de même évidents », a-t-il prédit. Selon cet universitaire, l’épargne publique est supérieure aujourd’hui à 300 milliards (mds) de dollars: 200 mds USD de réserves de change, 60 mds USD dans le FRR et 40 mds USD cumulés dans le Fonds du Sud et des Hauts-Plateaux. « Avec des importations annuelles autour de 50 milliards d’euros, l’Algérie pourra résister pendant cinq ou six ans », a-t-il soutenu.
Houari Barti