L’Europe bascule progressivement dans la contestation sociale. Sur les traces des Etats en faillite (Grèce) ou en difficultés (Portugal, Espagne Italie), la France de François Hollande connaît sa première manifestation.
Hier, les Français ont arpenté les rues de Paris pour protester contre les plans d’austérité imposés par l’UE et la paupérisation brutale de la population. La colère gronde contre le « diktat de la commission européenne ». Vers un « printemps européen » ? Le scénario peut paraître présomptueux. Mais, les ingrédients de la crise européenne qui va en se généralisant sourdent la menace tangible d’une explosion. Pour le journaliste, maître de conférence à l’Institut d’études politiques de Paris et doctorant en Histoire à l’Université Paris, Christophe Bourseiller, le ton est donné. « On assiste depuis 2008, fera-t-il remarquer, à de brutales flambées sociales dans plusieurs régions du globe (Grèce, Guadeloupe, Tunisie, Egypte, Grande-Bretagne, Espagne, Italie, Portugal…).
Pour l’heure, ces fulgurances n’ont pas débouché sur des processus révolutionnaires, mais sur des crises politiques aboutissant à des changements de gouvernement. La tendance en Grèce aujourd’hui semble être plutôt à une certaine résignation. Mais, la situation en Europe demeure très instable ». La Grèce est appelée à serrer davantage la ceinture. Elle est impatiente de recevoir la troïka pour bénéficier de la manne sous la forme d’un nouveau versement de 31,5 milliards d’euros gelé depuis juin. Un nouveau plan d’austérité est exigé pour garantir le feu vert au déblocage de l’argent frais. La coupe, suscitant le syndrome du coup d’Etat couvant l’automne dernier, est pleine : des mesures mobilisant quelque 7 milliards d’euros de coupes dans les retraites, certains salaires de fonctionnaires (juges, universitaires, policiers ou pompiers) et les aides sociales, et près de 3,5 milliards d’euros d’économies via la réduction du secteur public, avec la suppression d’organismes et le départ à la retraite anticipée de quelque 15.000 fonctionnaires.
La purge doit s’accompagner de nouvelles ponctions fiscales, censées dégager 3 milliards d’euros sur deux ans, alors que le pays s’enfonce dans sa cinquième année de récession, avec près du quart des actifs au chômage. Sous le ciel européen, l’effet de contagion génère des manifestations au Portugal et en Espagne qui ont vécu une semaine fort agitée. En France, à l’appel du front de gauche de Jean Luc Mélenchon, une soixantaine d’organisations ont manifesté à Paris pour dénoncer l’« austérité permanente » en Europe et s’opposer à la ratification du traité budgétaire européen par le parlement. Mais, il s’agira surtout de « capter l’atmosphère d’indignation » des Français et de « capitaliser » le mécontentement des déçus de la politique économique. « Ce jour est le jour où le peuple français entre en mouvement contre la politique d’austérité », tonne Jean Luc Mélenchon. « Une erreur de fond », a commenté, quelques heures avant le départ du cortège, Jérôme Cahuzac, ministre délégué du Budget.
Le rendez-vous parlementaire, que le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, ne veut pas manquer, porte les stigmates de l’état de grâce en lambeaux et de la cohésion interne ébranlée. « Le mouvement social ne va pas se taire pendant cinq ans », a lancé Aurélie Trouvé, co-présidente d’Attac France, lors d’une conférence de presse.
Larbi Chaabouni