La gravité de la crise entre Le Caire et Ankara est marquée par l’expulsion de l’ambassadeur de Turquie en Egypte
Il s’agit de la mesure diplomatique la plus drastique prise par l’Egypte face aux critiques qui se sont élevées à l’étranger contre la répression menée par les autorités installées par l’armée.
La crise entre l’Egypte et la Turquie, née avec la destitution du président islamiste Mohamed Morsi et la répression de ses partisans, s’est aggravée hier, Le Caire expulsant l’ambassadeur de Turquie en réduisant sa représentation diplomatique et Ankara appliquant la «réciprocité». Il s’agit de la mesure diplomatique la plus drastique prise par l’Egypte face aux critiques qui se sont élevées à l’étranger contre la répression menée par les autorités installées par l’armée. Celle-ci a fait plus d’un millier de morts, en majorité des manifestants pro-Morsi, et conduit à plusieurs milliers d’arrestations.
Le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan, proche de la confrérie des Frères musulmans à laquelle appartient M.Morsi, avait qualifié sa destitution le 3 juillet par l’armée de «coup d’Etat». Depuis la dispersion le 14 août dans un bain de sang de manifestants pro-Morsi, il a multiplié les condamnations, évoquant un «très grave massacre» de manifestants «pacifiques». Jeudi, il avait affirmé n’avoir «aucun respect pour ceux qui ont amené M.Morsi devant la justice», faisant référence au procès ouvert le 4 novembre du seul président d’Egypte élu démocratiquement pour «incitation au meurtre» de manifestants. Qualifiant ces propos «d’ingérence inacceptable dans les affaires internes de l’Egypte» et de «provocation», la diplomatie égyptienne a convoqué hier l’ambassadeur de Turquie, Huseyin Avni Botsali, lui signifiant qu’il était désormais «persona non grata». Dans le même temps, le ministère égyptien des Affaires étrangères a annoncé réduire son niveau de représentation en Turquie, expliquant que son ambassadeur, Abderahman Salah El-Din, rappelé le 15 août d’Ankara, ne retournerait pas à son poste et que désormais seul un chargé d’affaires assurerait la représentation diplomatique égyptienne. Le ministère a en outre accusé la Turquie de «soutenir (…) des organisations cherchant à créer l’instabilité», faisant visiblement référence aux Frères musulmans, et reproché à Ankara de chercher «à dresser la communauté internationale contre les intérêts de l’Egypte». Peu après, la Turquie déclarait M.Salah El-Din «persona non grata» et réduisait ses relations diplomatiques avec l’Egypte au niveau des chargés d’affaires. Depuis la Turquie, le président Abdullah Gül a semblé vouloir apaiser les esprits, estimant que la situation était «temporaire et conjoncturelle» et disant espérer que «les relation reprendront leur cours». L’ambassadeur de Turquie au Caire a quant à lui affirmé à un média turc qu’il «(continuerait) à prier pour le bien de l’Egypte» car «il est de la plus grande importance pour la région et pour le monde que l’Egypte reste sur la voie de la démocratie». La tension est vive entre les deux pays depuis que l’armée a destitué M.Morsi – grand allié des islamo-conservateurs de l’AKP au pouvoir en Turquie – quelques jours après que des millions d’Egyptiens ont manifesté pour réclamer son départ, l’accusant de vouloir islamiser la société et d’accaparer le pouvoir au profit des Frères musulmans.
Au lendemain de la mort, officiellement, de plus de 600 personnes lors de la dispersion de rassemblements pro-Morsi au Caire le 14 août, Ankara et Le Caire annonçaient le rappel de leurs ambassadeurs pour consultations. Le diplomate turc est revenu au Caire début septembre mais son homologue n’est jamais retourné à Ankara. Les deux capitales avaient également annulé des manoeuvres navales communes en octobre.
D’autre part, des sources judiciaires égyptiennes ont annoncé samedi la prolongation de la détention préventive d’un étudiant turc accusé d’avoir participé à des «manifestations violentes» au Caire. D’autres pays ont aussi fait les frais de leurs critiques des nouvelles autorités chapeautées de facto par l’armée. Les relations entre Washington et Le Caire ont également connu un passage à vide après le coup de force des militaires.