Crise de la pomme de terre,Les Algériens n’ont pas la «frite»

Crise de la pomme de terre,Les Algériens n’ont pas la «frite»

La pomme de terre à 100 dinars le kilogramme a davantage compliqué la façon des mères algériennes de faire bouillir la marmite

Les partis qui se sont engagés dans la course au Palais Zighout-Youcef doivent se douter que les citoyens sont beaucoup plus préoccupés par les prix de la pomme de terre que par la probable abstention massive qui se profile.

Les heureux élus de la prochaine Assemblée nationale n’auront pas de souci à se faire. Il est évident qu’avec un salaire qui tourne en moyenne autour des 300 000 dinars, les anciens et les nouveaux députés ne seront pas près de leurs sous pour s’acheter un kilogramme de pomme de terre.

Par contre, pour la ménagère et pour tous ceux dont le salaire oscille autour du Smig (18.000 dinars aujourd’hui), ce tubercule, qui autrefois s’était imposé comme un élément indispensable et incontournable de la table algérienne, cuisiné à toutes les sauces mais surtout très prisé, frit, autant par les enfants que les adultes, est devenu au fil des années un produit de luxe au même titre d’ailleurs que les légumes secs (lentilles, haricots…) ou bien les pâtes (spaghettis, riz…).

Quelque chose ne tourne pas rond. Les Algériens se privent de frites et puis, ils ne l’ont pas tout simplement, au sens propre et au figuré. Sans jeu de mots malsain. Le coeur n’y est plus. Cela se répercute sur le moral. C’est la méforme. Comme pour un sportif poursuivi par des blessures qui l’ont mis, pour longtemps, sur le banc de touche. Leur énergie est quotidiennement dépensée dans des préoccupations terre à terre. «Que dois-je faire à manger midi et le soir?» Une formule qui est désormais sur toutes les lèvres et qui rythme le quotidien des Algériens au point de devenir un casse-tête. Une sorte de harcèlement. La pomme de terre à 100 dinars le kilogramme a davantage compliqué la façon, des mères algériennes, de faire bouillir la marmite et de porter à ébullition l’huile de la poêle ou de la friteuse pour celles qui auront pu en faire l’acquisition. Une huile, dont l’augmentation des prix à la limite du prohibitif, qui, il faut le rappeler, a été à l’origine des émeutes du mois de janvier 2011. Des pommes de terre à 100 dinars le kilo et un bidon d’huile de 5 litres à 600 dinars minimum: les frites peuvent flamber. Les gargotiers et ils sont nombreux, se frottent déjà les mains.

La hausse du prix du sandwich omelette-frites est garantie. Les Algériens, qui ont déjà perdu une tradition culinaire équilibrée, pourront se rabattre sur la «garantita» dont la confection est plus que douteuse. Comme sont douteux certains lieux de consommation rapide. Des lieux de plus en plus fréquentés malgré tout.

Il n’y a en effet qu’à consulter les statistiques qui montrent, de façon régulière, que le phénomène de l’intoxication alimentaire est en hausse parce que les conditions d’hygiène laissent à désirer alors que les produits proposés à la consommation ont souvent dépassé leur date de péremption tandis que les règles de la conservation sont de moins en moins observées. 100 dinars par jour pour manger tous les midis n’est pas à la portée des moyens et des petits salaires qui sont majoritaires au sein des quelque 9 millions de travailleurs que compte l’Algérie. Cela se répercute dangereusement sur la manière de s’alimenter. La crise de la pomme de terre en Algérie est devenue récurrente comme l’est celle de la poudre de lait, de la sardine ou de celle qui frappe les fruits et légumes et certains produits de consommation de base (huile sucre, céréales…). On a évoqué le mildiou (maladie qui ravage la pomme de terre lors d’été orageux et humides) pour expliquer celle de 2007… En 2008, la flambée de son prix a été imputée aux spéculateurs puis aux intempéries pour celle de 2012… Pourtant, dès juillet 2008, un nouveau système de régulation des produits agricoles de large consommation (Syrpalac) avait été décidé par le gouvernement à travers la constitution de stocks. Il avait pour objectif d’écouler la surproduction, protéger les revenus des agriculteurs et le pouvoir d’achat des consommateurs en approvisionnant suffisamment les marchés à des moments stratégiques pour éviter la spéculation. Force est de constater que cette initiative n’a pas porté ses fruits. Les langues se délient pour dénoncer une «mafia» de la pomme de terre qui fait tout pour maintenir ce produit de large consommation à 100 dinars, voire plus, a indiqué le président de l’Ugcaa, l’Union générale des commerçants et artisans algériens, Salah Souilah, lors d’une rencontre avec des mandataires (fruits et légumes, Ndlr) qui s’est tenue le 27 mars 2012 à Alger. En attendant, les Algériens devront patienter pour avoir la frite.