La Tunisie est en outre paralysée par l’incapacité de l’Assemblée nationale constituante (ANC) d’aboutir, après 16 mois de travaux, à un consensus sur la future Constitution ouvrant la voie à de nouvelles élections.
Le ministre tunisien de l’Intérieur Ali Larayedh poursuivait hier ses pourparlers pour former un nouveau gouvernement susceptible de sortir le pays de sa crise politique, et devait s’exprimer sur le meurtre de l’opposant Chokri Belaïd, de nombreuses sources annonçant l’arrestation du tueur. M. Larayedh a reçu dans la matinée les dirigeants du parti républicain (opposition laïque) après avoir vu lundi soir Beji Caïd Essebsi, ex-Premier ministre post-révolutionnaire et chef du mouvement d’opposition Nidaa Tounes, ont constaté les journalistes de l’AFP.
Il s’est exprimé en milieu de journée sur l’enquête concernant l’assassinat début février de l’opposant anti-islamiste Chokri Belaïd (voir encadré), qui a précipité la Tunisie dans une profonde crise politique. Selon ces sources, les suspects appartiennent à la mouvance islamiste radicale salafiste. L’un d’entre eux serait actif au sein de la Ligue de protection de la révolution (LPR) une milice brutale pro-islamiste, au Kram, un quartier populaire voisin de Carthage. Le complice présumé, qui conduisait la moto sur laquelle le tireur a pris la fuite, a été présenté hier matin au juge d’instruction Bechir Akremi, a appris l’AFP auprès d’une source judiciaire.
Réagissant à ces informations, la veuve de l’opposant, Besma Khalfaoui, a souligné qu’elle voulait connaître avant tout le nom du commanditaire. «C’est beau de savoir qui a exécuté, mais pour moi c’est très important de savoir qui a commandé, comme cela a été fait, car c’est un crime très organisé», a-t-elle dit à l’antenne de la radio française Europe 1. Le frère de l’opposant, Abdelmajid Belaïd, a une fois de plus pointé du doigt le parti islamiste au pouvoir. «C’est Ennahda qui a donné le feu vert pour tuer mon frère», a-t-il affirmé. Besma Khalfaoui s’est montrée plus prudente, soulignant «la responsabilité politique» du mouvement islamiste. L’assassinat de l’opposant anti-islamiste a entraîné une grave crise politique en Tunisie, qui a culminé avec la démission du Premier ministre Hamadi Jebali face à l’opposition de son propre parti Ennahda, de former un gouvernement de technocrates. Ali Larayedh, également issu de ce mouvement, a été nommé pour lui succéder et a jusqu’au 8 mars pour former une équipe.
Il ne s’est pas exprimé depuis sa promesse vendredi de former un «gouvernement pour tous les Tunisiens et Tunisiennes». D’ores et déjà, des partis de l’opposition laïque ont refusé de se joindre à son cabinet. «Vu la gravité de la situation, il faut transmettre un message rassurant au peuple tunisien. La désignation d’Ali Larayedh n’a pas rassuré», a déclaré hier Maya Jribi, secrétaire générale du Parti républicain. Ennahda a été accusé de favoriser les violences politiques en protégeant la Ligue de protection de la révolution, que l’opposition considère comme responsable de nombreuses actions violentes. Des militants de la LPR sont ainsi soupçonnés du lynchage à mort d’un représentant d’un parti d’opposition à Tataouine (sud) à l’automne 2012, ainsi que d’une attaque visant le siège du syndicat UGTT en décembre. Ennahda est aussi régulièrement taxé de laxisme voire de complaisance à l’égard de la mouvance salafiste jihadiste, qui, selon les autorités, est responsable de nombre de coups d’éclats, certains sanglants, comme l’attaque en septembre de l’ambassade des Etats-Unis, ayant fait quatre morts parmi les assaillants. La Tunisie est en outre paralysée par l’incapacité de l’Assemblée nationale constituante (ANC) d’aboutir, après 16 mois de travaux, à un consensus sur la future Constitution ouvrant la voie à de nouvelles élections.