Frontalement opposée aux va-ten- guerre français, l’Algérie a dû «batailler» dur pour empêcher que le scénario-catastrophe souhaité par Paris ne se cristallise. Un premier pas, et non des moindres, vient même d’être réalisé avec la venue d’une délégation du groupe d’Ançar Dine, désormais favorable à une solution politique interne.
Une fois isolés, les terroristes du Mujao et Aqmi (dont les membres ne sont même pas maliens) seront isolés et affaiblis. Il deviendra dès lors très aisé d’en venir à bout. Va-t-en enfin vers un épilogue heureux à la crise qui secoue le nord du Mali depuis le mois d’avril passé, à cause de l’entreprise guerrière menée en Libye par la France ?
Il est permis de l’espérer, en tous cas, au lendemain de l’annonce officieuse de la présence à Alger d’une délégation du groupe armé Ançar Dine dirigé par Iyad Ag Ghali. Cette information, que l’Algérie s’est refusée à confirmer ni à infirmer, dans le but manifeste de ne pas faire capoter des négociations d’une délicatesse extrême, entre dans le cadre de la solution interne et politique défendue depuis le début par notre pays.
Elle confirme au passage ce que notre ministre délégué aux Affaires maghrébine, qui jouit d’une parfaite maîtrise de ce dossier, Abdelkader Messahel, a toujours soutenu, à savoir que le groupe armé Ançar Dine, composé de touareg locaux, n’est pas une entité terroristes, et peut donc être inclus dans le vaste panel des « parties» conviées autour de la table des négociations.
Très judicieux, comme déjà expliqué dans ces colonnes il y a de cela plusieurs semaines, le choix d’Alger a pour but d’empêcher de « légitimer » le « jihad » s’il y avait eu attaque contre le Mali de la part de forces étrangères (comme souhaité et défendu par la France, désirant sans doute «afghaniser» ce pays, mais aussi toute la vaste bande sahélo-saharienne), tout en oeuvrant à isoler les groupes terroristes et dangereux que sont le Mujao (Mouvement pour l’Unicité et le Jihad en Afrique de l’Ouest), ainsi que l’AQMI (Al-Qaïda au Maghreb Islamique).
COMMENT ISOLER LE MUJAO ET L’AQMI…
Ces derniers, composés d’à peine quelques centaines de personnes, seront forcément affaiblis s’ils perdent le soutien des tribus autochtones, toutes acquises à Ançar Dine ainsi que le MNLA (Mouvement National pour la Libération de l’Azawad). Concernant ce dernier groupe armé, au reste, c’est grâce à Alger, également, qu’il a accepté de revenir sur ses velléités indépendantistes et renoncé à sa proclamation concernant la naissance de l’État de l’Azawad.
Toujours est-il que Washington qui, de tout temps, a reconnu le poids tout aussi stratégique qu’incontournable de notre pays dans la bande sahélo-saharienne, n’en finit plus de se rendre à l’évidence depuis que la France a accumulé les revers, et s’est mise à multiplier les revirements, dans ce qui était jadis sa «chasse gardée» traditionnelle, pour avoir été par le passé ses anciennes colonies.
La France, en reconnaissant qu’une intervention militaire au nord du Mali n’allait finalement pas être de tout repos, et risquait même d’aggraver une situation qui l’est déjà bien assez sans cela, a implicitement donné raison à Alger.
Paris, qui craint des attentats intra-muros, a également réveillé de vieux démons, en provoquant une mobilisation tous azimuts dans le nord-Mali où, dit-on, des centaines de «jihadistes» affluent des quatre coins du monde pour repousser les quelques 3 000 soldats mobilisés par la Cédéao sur demande instante de la France.
Il était clair depuis le début, et la France a fait montre d’une criminelle cécité politique et stratégique en l’ignorant, que toute velléité d’intervention militaire étrangère dans cette partie du monde allait provoquer une réaction violente et démesurée, comme cela avait déjà été constaté en Irak et en Afghanistan.
QUAND LA FRANCE JOUE ET… PERD
Les Américains, qui en sont les malheureux auteurs, ne pouvaient donc pas ignorer les cris d’alerte lancés par Alger, d’autant que notre expérience en matière de lutte contre le terrorisme, et de prévention de ce fléau, a maintes fois été saluée par Washington. En revanche, les USA avaient toutes les raisons de se méfier de la France.
C’est en effet elle qui a généré la situation chaotique qui prévaut actuellement dans la partie septentrionale du Mali. Paris se trouve derrière la guerre enclenchée contre la Libye, et même l’assassinat de Kadhafi. Les conséquences qui en ont résulté, contre lesquelles Alger avait également tiré la sonnette d’alarme, sont tout simplement incommensurables.
Outre les quantités phénoménales d’armements lourds et sophistiqués sorties des arsenaux de l’ancien Guide et tombés entre les mains des terroristes et des contrebandiers, amis des insurgés libyens, dont beaucoup sont d’ancien hauts responsables du GICL, la branche locale d’Al- Qaïda d’Oussama Ben Laden, il faut signaler aussi les milliers de touareg rentrés au bercail en catastrophe.
Or, ces derniers, partisans de l’indépendance de l’Azawad à cause du refus de Bamako d’appliquer les accords de paix d’Alger (là encore, sur instigation de la France), sont lourdement armés et bien entraînés pour les combats en zones sahariennes et steppiques. Leur mouvement, le MNLA, a vite fait de défaire l’armée malienne régulière, allant carrément jusqu’à l’humilier, provoquant au passage un pronunciamiento en sus d’une gravissime crise politique à Bamako.
Par la suite, les terroristes du MUJAO et d’AQMI ainsi que les islamistes d’Ançar Dine ont pris le contrôle des deuxtiers du territoire malien. Par ailleurs, c’est un véritable pavé dans la mare qu’a récemment jeté le terroriste Oumar Ould Hamada, alias «le barbu rouge», dans un entretien téléphonique accordé au journal français L’Express.
En effet, des révélations d’une gravité extrême y sont contenues. Confirmant les thèses émises par notre journal dans ses deux éditions précédentes, concernant le fait que Paris a bel et bien craint des attentats sur son territoire, ce qui l’aurait poussée à faire marche arrière dans sa décision d’entrer en guerre par procuration dans la partie septentrionale du Mali.
À ce propos, donc, le barbu rouge ne va pas par plusieurs chemins pour abattre son jeu. Et ce qu’il dit donne tout simplement froid dans le dos : «Il semble oublier (le président français François Hollande. NDLR) que beaucoup d’intérêts français, tels que les gisements d’uranium et les hydrocarbures, sont situés dans des zones que nous contrôlons. Nous avons le pouvoir de déstabiliser le quai d’Orsay et de nous débarrasser de François Hollande ou des personnes qui lui sont les plus proches : nous y travaillons chaque jour.
Nous disposons d’éléments partout dans le monde, mobilisés dans cette traque». Très sûr de lui, sans que l’on puisse savoir s’il bluffe ou s’il dit vrai, Ould Hamada va jusqu’à qualifier de «tralala» la récente réunion de coordination qui avait eu lieu à l’échelle planétaire, sous l’égide de l’ONU, dans le but d’envisager une imminente intervention armée au nord-Mali : «On dit, le chien aboie, la caravane passe!
Cela ne change rien à notre engagement. Nous n’avons pas peur de mourir. Ces pourparlers m’indiffèrent. Je suis occupé à d’autres affaires, sur le terrain. Nous sommes en mouvement permanent, à guider nos renforts déployés partout afin de sécuriser les frontières algérienne, mauritanienne, burkinabée et nigérienne». Rien que cela !
DES VRAIES SOURCES DE FINANCEMENT DU TERRORISME
Mais la révélation la plus fracassante est arrivée plus tard. Interpellé sur le fait que les activités criminelles de ces groupes sont financés, notamment, par le trafic de drogue, l’orateur dément formellement avant de s’exclamer pour dire «C’est vous qui financez le djihad! Dixsept pays européens paient des rançons pour qu’on laisse leurs ressortissants en paix.
La France nous donne 40 millions par an. Nous sommes très riches! Un proverbe dit Coupez-lui les lèvres et faites les lui manger. Les rançons données par la France seront utilisées contre elle».
Sans avoir besoin d’aller plus loin dans les détails, force est de relever que cette situation chaotique, menaçant la stabilité et la sécurité de plusieurs autres pays, à commencer par le Niger, la Mauritanie et même l’Algérie, force est de relever que c’est la France qui se trouve à l’origine de tout ce chao, et qu’il n’est donc pas normal de la suivre ni de la prendre au sérieux, dans sa volonté d’aller vers une guerre par procuration, cela même si les chances de trouver une solution interne et concertée n’a eu de cesse de s’amenuiser à mesure que Paris persistait et allait plus loin dans les actes et les actions provocateurs.
La présence d’une délégation d’Ançar Dine à Alger est la preuve formelle que la France est définitivement disqualifiée.
Kamel Zaïdi