Crise au Moyen-Orient: Le Qatar met les islamistes en porte-Ă -faux

Crise au Moyen-Orient: Le Qatar met les islamistes en porte-Ă -faux

Le MSP et le FJD se sont dĂ©clarĂ©s ouvertement favorables au Qatar et ont, sans barguigner, dĂ©noncĂ© la dĂ©marche saoudienne. L’Etat algĂ©rien, lui, a observĂ© une position neutre. Divorce des deux camps?

La crise qui Ă©branle le Moyen-Orient depuis la mise Ă  l’Ă©cart du Qatar par une coalition conduite par l’Arabie saoudite et la mise de ce pays sous embargo diplomatique et Ă©conomique, les rĂ©actions, entre soutien et dĂ©nonciation, s’enchaĂ®nent. L’Etat algĂ©rien, fidèle Ă  sa doctrine diplomatique de neutralitĂ©, a certes exprimĂ© ses prĂ©occupations» quant aux tournures que la crise peut prendre, mais surtout appelĂ© au dialogue entre les partis belligĂ©rantes afin d’aboutir Ă  une solution pacifique.

Toutefois, la position officielle de l’AlgĂ©rie, exprimĂ©e par le biais d’un communiquĂ© du ministère des Affaires Ă©trangères, est loin de cadrer avec la positions des partis islamistes algĂ©riens qui, eux, se sont empressĂ©es de rĂ©agir avec vigueur pour dĂ©noncer la position saoudienne qui serait, selon eux, fort prĂ©judiciable, non pas seulement pour le Qatar qui en est la première cible, mais pour tout le monde arabo-musulman.

En effet, le parti de Abdellah Djaballah s’en est violemment pris Ă  l’Arabie saoudite et Ă  la colation qu’elle dirige dans sa guerre contre le Qatar. «Le FJD appelle tous les ulĂ©ma, les hommes de religion, les journalistes, les responsables des partis politiques et des organisations de la sociĂ©tĂ© civile Ă  dĂ©noncer massivement l’embargo imposĂ© par l’Arabie saoudite au Qatar. Cette dĂ©marche est prĂ©judiciable pour toute la oumma musulmane et elle n’est profitable qu’Ă  l’Etat sioniste, aux Etats-Unis et Ă  leurs alliĂ©s au sein du Monde arabe et Ă  l’extĂ©rieur», a dĂ©clarĂ© le prĂ©sident de ce parti en prĂ©cisant que l’isolement brutal dont le Qatar fait l’objet est «une violation de la conscience de tous les Arabes et de tous les musulmans». Le FJD a Ă©galement condamnĂ© la position saoudienne quant Ă  l’inclusion des noms de cheikh Yusuf Al Qaradaoui, du Hamas palestinien et du mouvement des Frères musulmans sur la liste des terroristes.

Du cĂ´tĂ© du MSP aussi le discours est sans nuances. Connu pour ĂŞtre proche de la confrĂ©rie des Frères musulmans que le Qatar soutient mmordicus, ce parti a certes tournĂ© la langue plusieurs fois avant de parler tant la question est sensible, mais il a ouvertement pris parti pour le Qatar. «La crise au Moyen-Orient touche aux intĂ©rĂŞts de tous les pays de la rĂ©gion et les fragilise devant les convoitises des puissances Ă©trangères», Ă©crit ce parti dans un communiquĂ© qu’il a rendu public en insinuant que le Qatar fait l’objet d’un plan de dĂ©stabilisation concertĂ©e en raison du soutien Ă  la cause palestinienne. Le prĂ©sident du MSP confirme cette analyse Ă  travers une tribune qu’il a publiĂ©e sur son mur Facebook. Selon lui, la crise qui secoue actuellement le Moyen-Orient est un prĂ©lude Ă  une guerre meurtrière contre Ghaza. «Une guerre se prĂ©pare Ă  Ghaza et sera menĂ©e par l’alliance israĂ©lo-Ă©gyptieno-amĂ©ricaine dans le but d’Ă©liminer la RĂ©sistance palestinienne dirigĂ©e par le Hamas. Cette guerre sera aĂ©rienne afin d’Ă©viter la confrontation. Elle sera une boucherie sans prĂ©cĂ©dent dans l’Histoire.

C’est pourquoi il faut qu’elle se dĂ©roule sans la couverture mĂ©diatique de la chaĂ®ne qatarie al Jazerra pour laisser les portes grandes ouvertes devant la machine de dĂ©sinformation qui oeuvrera Ă  dĂ©tourner l’attention de l’opinion publique internationale, tout particulièrement, les cercles de solidaritĂ© avec Ghaza», a-t-il expliquĂ©. En prĂ©cisant que «ce sont ces Ă©lĂ©ments qui ont poussĂ© l’Alliance conduite par l’Arabie saoudite Ă  rompre ses relations avec le Qatar et Ă  mettre ce pays sous embargo».

Ainsi, selon le prĂ©sident du MSP, ce qui est visĂ© Ă  travers cette mise Ă  l’Ă©cart du Qatar, c’est son affaiblissement diplomatique, son isolement par rapport aux organisations politiques qu’il soutient et qui le soutiennent dans l’ensemble du monde musulman mais, essentiellement, la mise en difficultĂ© de son extraordinaire pouvoir mĂ©diatique qu’il exerce Ă  travers la chaĂ®ne Al Jazerra qui figure parmi les mĂ©dias les plus influents dans le monde.

Justes ou non, bons ou mauvais, pragmatiques ou aventuriers, les choix faits par ces deux principaux partis islamistes algĂ©riens sur une question hautement stratĂ©gique en raison des enjeux sĂ©curitaires, diplomatiques et Ă©conomiques qu’elle recèle, ne sont pas ceux de l’Etat algĂ©rien. Ces deux partis se sont dĂ©clarĂ©s ouvertement favorables au Qatar et ont sans barguigner, dĂ©noncĂ© la dĂ©marche saoudienne. L’Etat algĂ©rien, lui, a observĂ©, comme Ă  l’accoutumĂ©e dans ce type de dossiers, une position neutre. Cette profonde divergence sur une question aussi importante consacre le divorce entre les islamistes algĂ©riens et le pouvoir, voire l’Etat puisqu’il s’agit d’une «constante». Les appels au dialogue entre les parties en conflit qu’ils ont glissĂ© subrepticement dans leurs discours peut tromper sur l’hostilitĂ© supposĂ©e envers l’Arabie saoudite, mais nullement sur leur stratĂ©gique sympathie pour le Qatar.