En l’espace de quelques semaines, la position de la France a complètement changé
Au motif qu’elle intervient à la demande express du gouvernement malien, la France a déployé vendredi ses troupes au Mali sur décision du président Hollande.
Cela nous rappelle, étrangement, l’affaire du traité de non-agression, conclu la veille de la Seconde Guerre mondiale entre l’Allemagne nazie et l’ex-Union soviétique. Juste au moment où le représentant de l’Armée rouge paraphait le document, un million de soldats allemands avaient, déjà, franchi la frontière polonaise.
En envoyant ses troupes au Mali, vendredi, alors que les négociations politiques étaient en cours et qu’on était sur le point d’aboutir à un accord mettant fin à la crise, les troupes françaises ont quelque part sabordé le processus de médiation. Certes, la situation s’est beaucoup dégradée ces derniers jours, surtout depuis que les «djihadistes» ont lancé une grande offensive pour occuper le centre du Mali et principalement la localité de Koné, qui leur aurait ouvert les portes de Mopti, la seconde ville du Mali et son aéroport international. Pour les spécialistes au fait du dossier malien, la présence de troupes françaises dans ce pays obéit à une autre logique, à d’autres considérations.
Le président François Hollande a beau expliquer que les troupes françaises se trouvent au Mali pour prêter main forte à l’armée en place et que c’est pour combattre le terrorisme et Aqmi, qu’il avait pris cette décision, il n’en demeure pas moins que ses explications ne tiennent pas totalement la route. En l’espace de quelques semaines, la position de la France a complètement changé. Alors qu’elle avait pris l’engagement de ne pas intervenir directement dans le conflit et qu’elle s’en remettait à l’ONU, et aux résolutions de celle-ci, la France a fait volte-face, en déployant directement sur le terrain ses soldats. Certains y voient là, une manoeuvre dont il reste à en déterminer les tenants et les aboutissants. Cela, d’autant plus que, parallèlement, des tentatives sont faites et des initiatives prises pour encourager les Maliens à trouver une solution consensuelle entre eux, comme le préconise Alger qui a ouvert ses portes aux parties en conflit, à l’exclusion des groupes terroristes d’Aqmi et du Mujao, pour se mettre autour d’une table afin de négocier une sortie de crise équitable et honorable pour tous. D’ailleurs, c’est sous ces auspices que les factions rivales Ansar Eddine et le Mnla ont signé un accord de paix, à Alger; un accord cependant, rapidement dénoncé par Ansar Eddine. Ayant pour principe de ne pas s’immiscer dans les affaires d’autrui, l’Algérie a toujours milité pour une solution politique négociée afin de mettre un terme à la crise malienne. Mieux, elle n’a ménagé aucun effort pour tenter de soulager le peuple malien et mettre fins aux souffrances qu’il endure depuis le début du conflit. Outre sa diplomatie très active, l’Algérie s’est beaucoup investie sur le plan humanitaire, en acheminant par avion vers ce pays voisin, des milliers de tonnes de vivres et de médicaments. Dernier geste en date, la réunion de Ghadamès, avait réuni, hier, les Premiers ministres et chef de gouvernement algérien, tunisien et libyen. Malgré l’évolution que connaît la situation sur le terrain, l’Algérie continue de croire en une solution politique de la crise et ne ménage pas ses efforts pour y aboutir. Car elle est mieux placée pour savoir qu’une guerre, quelle que soit son issue, a des conséquences désastreuses pour ceux qui la font et laisse de profondes séquelles qui mettront un long temps à se cicatriser. Tout compte fait, l’intervention militaire française ne peut être, en l’état actuel des faits, une intervention humanitaire. Ayant perdu pied en Afrique et désireuse de reconquérir son influence comme au temps du général de Gaulle, la France a trouvé le prétexte idéal pour justifier sa présence au Mali. Reste à savoir, maintenant, quand est-ce qu’elle en sortira?