Le cordon brûle entre l’Algérie et le Mali. Les deux pays traversent une crise diplomatique qui s’aggrave de mois en mois et un nouvel épisode vient encore secouer ce dossier sensible. Le 16 septembre dernier, Bamako a déposé une requête contre Alger auprès de la Cour internationale de Justice (CIJ).
L’Algérie a immédiatement dénoncé une démarche « éhontée » et a annoncé son intention de notifier à la CIJ son refus de cette requête « en temps opportun », selon un communiqué publié vendredi 19 septembre par le ministère des Affaires étrangères, de la Communauté nationale à l’étranger et des Affaires africaines.
Pour Alger, cette plainte « procède manifestement d’une tentative d’instrumentalisation de l’auguste organe judiciaire des Nations Unies dans une recherche désespérée de bouc émissaire, censé exonérer la junte de ses responsabilités dans la tragédie qu’elle inflige au Mali frère ».
Dans son communiqué, le ministère des Affaires étrangères a dénoncé une « manœuvre grossière, trop peu crédible pour tromper qui que ce soit. Alger affirme qu’elle ne se rendra pas complice de cette démarche ». Le ministère rappelle que « l’Algérie nourrit une haute considération pour le droit international et un profond respect pour la CIJ, qu’elle refuse de voir instrumentalisés dans une diversion « aussi évidente que dérisoire ».
Requête du Mali contre l’Algérie, « une action folklorique »
Analysant la situation, Adel Mahsas, diplômé de l’École nationale d’Administration (ENA) et Docteur en sciences politiques et relations internationales, estime que la manœuvre de Bamako n’a aucune assise juridique. Selon lui, « la junte militaire malienne est illégitime. Elle s’est emparée du pouvoir par la force et impose sa domination au peuple ». Il ajoute que cette action « dénuée de tout fondement ne saurait masquer l’absence totale de légitimité et de légalité de cette autorité anticonstitutionnelle, dépourvue de représentativité populaire et de reconnaissance internationale ».
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Il convient de rappeler que cette affaire intervient dans le sillage d’un incident lié à l’abatage d’un drone malien par l’Algérie. Dans la nuit du 31 mars au 1ᵉʳ avril 2025, à 00h08 précises, un drone armé malien a pénétré de 1,6 km dans l’espace aérien algérien en mode offensif.
Les forces de défense aérienne de l’Armée Nationale Populaire (ANP) l’ont aussitôt détruit. Bamako a réagi avec fermeté et reçu le soutien de ses alliés du Niger et du Burkina Faso. L’Alliance des États du Sahel (AES) a dénoncé une « agression préméditée » et a rappelé ses ambassadeurs en poste à Alger.
Pour Adel Mahsas, la réaction algérienne s’inscrit dans le strict cadre du droit international. « L’abattage du drone n’a rien eu d’arbitraire. L’Algérie a agi conformément au principe de légitime défense », souligne-t-il. Il rappelle que la Convention de Chicago de 1944 sur l’aviation civile stipule dans son article premier que chaque État dispose d’une souveraineté pleine et exclusive sur son espace aérien.
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Ce texte autorise donc tout pays à interdire un survol non autorisé, qu’il concerne des avions civils ou militaires. « Plus encore, la convention prévoit une gradation des mesures : avertissement, interception, puis destruction si l’aéronef représente une menace directe, notamment s’il est militaire ou de renseignement. C’est précisément le cas du drone malien », explique le spécialiste.
Il précise également qu’en vertu des usages internationaux, tout État doit informer ses voisins lorsqu’il mène des opérations militaires impliquant des aéronefs armés. La junte malienne a ignoré cette obligation, ce qui constitue « une menace et une agression caractérisées ». L’Algérie dispose de preuves irréfutables, notamment les images radar confirmant l’incursion en mode offensif.
Provocations en série : à qui profitent-elles ?
Face à cette escalade, une question centrale s’impose : quels objectifs réels se cachent derrière ces provocations répétées ? S’agit-il d’un plan visant à entraîner l’Algérie dans un bourbier régional et à fragiliser sa frontière sud ? Ou bien d’un agenda international où certaines puissances utilisent la junte malienne comme levier contre la stabilité de l’Algérie ?
Pour Docteur Mahsas, il pourrait s’agir d’une tentative désespérée de détourner l’attention du peuple malien des échecs internes de ses dirigeants : pauvreté persistante, pillage des richesses et accaparement des ressources.
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Il conclut en soulignant que, quelles que soient les motivations, « l’histoire prouve que la souveraineté nationale de l’Algérie reste une ligne rouge infranchissable ». Tout en affirmant sa fermeté, Alger continue de tendre la main aux peuples de la région, fidèle à son rôle de puissance régionale constructive, attachée au bon voisinage et à l’intérêt commun, dans le cadre de son ancrage naturel à son espace géostratégique.