Le bilan du Commandement de la Gendarmerie nationale (CGN) démontre que les femmes, les mineurs et les étudiants sont de plus en plus impliqués dans la criminalité. La dénonciation se veut un appel aux consciences et à la vigilance et non un acte de délation pour faire face aux auteurs des crimes ainsi qu’aux chefs de gang qui enlèvent, séquestrent et tuent des innocents. La drogue, le trafic d’armes, l’escroquerie et l’émigration par mer (harragas) deviennent des fléaux inquiétants. Le crime transfrontalier, mutant par sa spécificité, regorge de palliatifs, de relais et de complicités de chefs de gang, souvent assimilés directement au terrorisme.
La lutte engagée par les compagnies et les brigades de la Gendarmerie nationale sur plusieurs fronts porte chaque jour ses fruits, des résultats probants au vu du nombre d’hommes et de la logistique déployée, notamment pour faire face aux auteurs de crimes et au démantèlement des réseaux du crime organisé tant dans les zones extra-muros qui relèvent de leurs compétences que dans les zones éloignées comme les frontières.
Les chiffres du troisième trimestre de l’année 2009, soigneusement présentés dans un document de 22 pages et dont Liberté détient une copie, démontrent on ne peut mieux que la criminalité est en hausse.
Même si certains délits sont sensiblement maîtrisés, on relève, toutefois, que d’autres s’inscrivent dans une logique d’escalade. C’est que la période, les grandes vacances et, du coup, la rentrée sociale, est “favorable”, voire propice aux récidivistes qui ne reculent devant rien pour accomplir froidement leurs forfaits. En effet, pas moins de 14 596 personnes, dont 567 femmes, ont été appréhendées dans 10 864 enquêtes menées par les gendarmes, note le Commandement de la Gendarmerie nationale (CGN). Et si 83,74% des affaires ont été définitivement résolues – ce qui constitue un grand exploit des hommes en vert – il n’en demeure pas moins que 16,26%, soit 1 767 enquêtes sont toujours en cours, notamment celles liées au crime organisé, lit-on dans le chapitre de la criminalité globale.
D’ailleurs, le crime organisé vient en tête du hit-parade avec 2 797 affaires, dont 758 sont en cours de traitement, surtout que le crime transfrontalier se développe à la frontière algéro-marocaine avec le trafic de drogue, mais aussi aux frontières du Grand-Sud avec l’immigration clandestine.
Vient en seconde position la criminalité contre les personnes, comme les rixes, les menaces, les coups et blessures volontaires (CBV), avec 2 153 affaires enregistrées, dont seulement 178 ne sont pas encore résolues en connaissance de la nature des faits, de l’obligation d’un complément d’enquête et l’extension de compétence.
Les mineurs, victimes et bourreaux
Cela va sans dire, note encore le CGN dans son document, que tous les mandats de justice (1 749) sont exécutés à 100%. Les infractions aux lois spéciales, comme l’atteinte à l’environnement, ont atteint lors de cette période 909 cas, dont 98,77% des situations ont été élucidées. Les 9 cas restants font l’objet d’investigations approfondies.
Ce qui dénote la rigueur avec laquelle la Gendarmerie nationale constate, traite et élucide les affaires quelle que soit leur nature, sachant que 37,46% des affaires de la criminalité sont survenus au mois de septembre avec 5 468 personnes arrêtées, contre 31,93% (4 661 arrestations) en août et 30,60% en juillet 2009 (4 467 arrestations). Le profil des personnes des présumés auteurs dénote également la tendance à voir les fonctionnaires de plus en plus impliqués dans les délits et crimes avec 253 individus supposés être derrière 2 153 cas d’atteinte contre les personnes, 202 autres individus impliqués dans le crime organisé 83 autres personnes induites dans des crimes contre les biens.
Au total, ce sont 986 fonctionnaires arrêtés. Vient l’autre catégorie censée être à l’abri : les étudiants avec 502 personnes interpellées dans, notamment, 158 universitaires et lycéens présumés être auteurs de délits et crimes contre les personnes et 85 autres engloutis dans la spirale du crime organisé. Les personnes exerçant des activités libérales (4 026), les employés (2 445) et les sans-profession (6 637) constituent également un lot inestimable d’individus dans cette population délinquante telle que décrite dans le document.
53 enlèvements, 75 viols, 61 homicides et 45 cas d’escroquerie
À raison de 4 ou 5 kidnappings et séquestrations par semaine, la Gendarmerie nationale a traité 53 affaires liées au rapt de personnes, dont des mineurs rançonnés, en trois mois. Alarmant ! Avec 21 cas au mois de juillet, 15 et 17 autres en août et septembre dernier, la situation devient inquiétante à telle point que ledit bilan se veut un appel aux consciences et à la citoyenneté quant à la nécessité d’identifier et de dénoncer ces criminels pour les châtier et les présenter devant la justice.
Pédophilie, trafic d’organes et autres rançonnements, en plus du terrorisme, l’enlèvement et la séquestration d’un enfant relèvent d’un crime gravissime qui interpelle toute la société. Mais il y a aussi les viols avec 75 cas recensés en trois mois, dont une affaire récemment élucidée par les gendarmes au centre du pays. Les homicides volontaires constituent également une donne inquiétante, surtout après l’assassinat d’un père de famille au mois de Ramadhan dernier sur la rocade- Sud par un automobiliste à l’aide d’une arme à feu. Un meurtre qui a suscité l’indignation de tous et qui a fait l’objet d’un appel à témoin lancé par le Groupement de la Gendarmerie nationale (GGN) d’Alger.
En effet, le même document fait ressortir 61 homicides, dont 23 cas ont été perpétrés en d’août, contre 17 cas en septembre et 21 autres cas en juillet. Et si le troisième trimestre a connu un accroissement (insignifiant) en associations de malfaiteurs avec 196 organisations totalement démantelées, on notera, en revanche, une sensible diminution du phénomène d’escroquerie avec 45 affaires élucidées, dont 12 en septembre contre 16 et 17 cas en août et juillet précédents. Les rixes, les batailles rangées et le manque de civisme ont également fait l’objet d’enquêtes de la part des gendarmes qui relèvent 105 cas d’outrage, 154 cas de menaces, 169 autres cas d’atteinte à la pudeur, 180 cas de destructions de biens et 404 autres cas de vols, en plus de violation de domiciles (128 affaires élucidées).
Le crime organisé, une entorse transfrontalière mutante
Près de 49 tonnes de résine de cannabis saisies en 9 mois, dont 6,6 tonnes durant ces trois derniers mois, le CGN indique
que pas moins de 870 personnes ont été appréhendées en un seul trimestre, alors que 272 individus, impliqués dans 222 affaires de trafic d’armes et de munitions, ont été appréhendés.
En ce sens, on notera d’emblée que 15 affaires ont été traitées et liées à la culture de stupéfiants dans les wilayas d’Alger (13 plantations) et de Béjaïa (2 plantations) pendant que les wilayas frontalières de Béchar et de Tlemcen détiennent le record des saisies avec respectivement 5,6 tonnes et 58 kg de kif traité. Sur le même chapitre, les gendarmes ont réussi à récupérer 67 armes, dont 34 fusils de chasse, 9 armes de guerre, 9 autres armes de poing et 15 autres armes artisanales.
Aussi, lit-on dans le document du CGN, il a été procédé, durant la même période, à la saisie de 3 550 cartouches, de près de 220 kg de poudre d’explosif, de 4 tonnes de “sachem” et de 127 capsules. C’est que le crime transfrontalier constitue une véritable entorse mutante au vu des organisations qui se relaient pour acheminer le kif traité et les armes vers l’Algérie à partir du royaume chérifien. Le dernier discours du patron de la Gendarmerie nationale, le général-major Ahmed Bousteila, se voulait pour les commandements régionaux (CR-GN) un appel pour renforcer le contrôle des bandes frontalières terrestres tant à l’est qu’à l’ouest pour faire face à une sérieuse menace des réseaux organisés sur notre pays.
Ajoutez à cela le trafic de véhicules avec 44 enquêtes menées par les gendarmes qui ont réussi à mettre la main sur 75 personnes, souvent liées à plusieurs réseaux tant au niveau national qu’international, et ce, parallèlement à 202 affaires liées au faux et usage de faux qui ont abouti à l’arrestation de 235 individus. Les auteurs de la criminalité organisée, qui profite par ailleurs aux barons de drogue et au trafic humain, tendent à trouver des palliatifs dès que la lutte sans merci engagée par les services de sécurité a gagné en expérience et en résultats.
308 harragas et passeurs interceptés en trois mois
Devenu pays “transitaire”, et dans certains cas “consommateur” et “fournisseur”, l’Algérie risque de devenir la plaque tournante des gangs régionaux menaçant, du coup, la stabilité et l’économie nationale. En témoignent justement les 962 affaires liées à la contrebande tant à la frontière algéro-marocaine qu’algéro-tunisienne où 470 fraudeurs ont été appréhendés. D’ailleurs, le CGN spécifie les autres atteintes à l’économie nationale pour mettre le doigt sur la plaie : 23 cas enregistrés avec, en sus, 29 aigrefins arrêtés. Et si l’immigration clandestine vient s’ajouter à ces faits avérés, avec l’arrestation de 1 447 étrangers sans papiers et sans autorisation de séjour, il est à relever, fort malheureusement, que le phénomène de l’émigration par mer, lire harragas, continue d’agiter l’actualité. En effet, le CGN note, sur les 72 affaires constatées, que pas moins de 308 personnes ont été appréhendées. Et ce ne sont pas seulement les aventuriers qui sont incriminés dans ce chapitre.
Les passeurs, premiers fournisseurs de logistique et pirates de mer par excellence, sont les premiers incriminés dans ce dossier sensible qui développent la philosophie de la tentation et qui causent des désastres en haute mer. D’où la criminalisation de ce gravissime délit par la loi algérienne, car après tout la Gendarmerie nationale agit sous l’autorité administrative. Les trafics de véhicules (44 enquêtes) et de la monnaie (30) sont également signalés dans ce bilan exhaustif du CGN qui fait référence à l’arrestation de 122 personnes et la récupération de 32 moyens de locomotion, dont 28 véhicules de tourisme, et près de 200 faux billets de banque en dinar algérien, dinar tunisien et autres devises comme l’euro. Signalons, enfin, 5 376 individus écroués et 1 877 autres placés sous contrôle judiciaire.