Crimes coloniaux de la France en Algérie, Hollande condamne, mais…

Crimes coloniaux de la France en Algérie, Hollande condamne, mais…

Plus qu’une reconnaissance, les propos de François Hollande sonnaient comme un aveu, une condamnation des crimes de guerre commis en Algérie.

Le président français, François Hollande, qui a effectué une visite d’État en Algérie les 19 et 20 décembre, n’a pas présenté les excuses officielles de la France sur son passé colonial. Il n’a pas fait, non plus, acte de repentance, tel qu’exigé par une partie des Algériens, particulièrement ceux ayant participé à la guerre de Libération nationale ou leurs descendants, ainsi que les formations politiques d’obédience islamiste. Il a condamné, néanmoins, avec plus de force et de véhémence que ses prédécesseurs les effets génocidaires et nihilistes des droits de l’Homme, de l’occupation. “Pendant 132 ans, l’Algérie a été soumise profondément à un système injuste et brutal. Ce système a un nom : la colonisation”, a déclaré l’hôte de l’Algérie, en préambule de son discours devant les deux Chambres du Parlement, réunies au palais des nations. “Je reconnais les souffrances que la colonisation a infligées au peuple algérien”, a-t-il poursuivi. Il a affirmé vouloir reconnaître les crimes commis par la France durant les années de son hégémonie sur le pays, par “devoir de vérité sur la violence, sur les massacres, sur la torture (…) Rien ne se construit dans la dissimulation, dans l’oubli. La vérité n’abîme pas, elle répare. Elle ne divise pas, elle rassemble”. Plus qu’une reconnaissance, les propos de François Hollande sonnaient comme un aveu, une condamnation des crimes de guerre commis en Algérie. Hier matin, sur les ondes de la radio Europe 1, il est revenu sur le sujet en réaffirmant qu’“un système s’était installé dont les personnes n’étaient pas nécessairement les plus coupables. C’était un système d’exploitation et souvent d’oppression. Il était important de dire qu’il ne respectait pas nos valeurs (…) il y avait une condamnation à porter, mais je n’étais pas le premier à l’avoir fait”. Il faisait ainsi allusion à Nicolas Sarkozy, qui avait, de la tribune de l’université Mohamed-Mentouri de Constantine en décembre 2007, déclaré : “Je ne suis pas venu nier le passé, mais vous dire que le futur est important (…) Le système colonial était injuste par nature.” Évidemment, François Hollande est allé beaucoup plus loin dans la condamnation que son prédécesseur. Il était déjà dans cette logique avant même son accession à l’Élysée, en mai dernier. Le 17 octobre 2011, fraîchement investi de la candidature du PS à la présidentielle française, il s’est déplacé à Clichy-la-Garenne pour “témoigner de sa solidarité avec les familles endeuillées par ces évènements”, de son avis, “trop longtemps occultés des récits historiques”.

Une année plus tard, il réédite le geste, en rendant public à partir de l’Élysée, un communiqué dans lequel il rappelait que “le 17 Octobre 1961, des Algériens qui manifestaient pour le droit à l’indépendance ont été tués lors d’une sanglante répression. La République reconnaît avec lucidité ces faits. Cinquante et un ans après cette tragédie, je rends hommage à la mémoire des victimes”.

Nicolas Sarkozy et davantage François Hollande ont brisé un tabou dans les relations algéro-françaises, longtemps envenimées par les divergences de vue et d’appréciation et par beaucoup de susceptibilité sur la colonisation, particulièrement la guerre d’Algérie. La qualité des deux hommes réside certainement dans le fait qu’ils soient issus d’une génération qui n’est pas soumise aux lourdeurs d’un passé, qu’elle n’a pas connu, ni vécu.

Ce qui n’était pas le cas des anciens locataires du palais de l’Élysée. Si aussi bien Sarkozy que Hollande ont inscrit, dans leur agenda, une visite d’État en Algérie, quelques mois à peine après leur élection (respectivement décembre 2007 et décembre 2012), Jacques Chirac a attendu l’entame de la deuxième année de son second mandat pour entreprendre une démarche similaire. En mars 2003, il est le premier chef d’État français à s’exprimer sur le sol algérien sur la guerre d’Algérie, depuis l’avènement de la cinquième République. Ni Charles de Gaules, ni Georges Pompidou, ni Valéry Giscard d’Estaing ou François Mitterrand n’ont consenti ce pas, car étroitement impliqués dans la guerre d’Algérie. D’ailleurs, même Jacques Chirac ne s’est pas montré franc et direct sur la question.

En Algérie, où il a été accueilli en grande fanfare, il n’a guère été prolifique sur le passé colonial. Il s’est limité à déclarer, lors de son discours devant les parlementaires algériens, que “la guerre d’Algérie est une page douloureuse de notre histoire commune, que nous ne devons ni ne pouvons occulter”.  Il lui a fallu, par ailleurs, faire face à une grosse polémique en intra-muros et un refroidissement ressenti dans les relations diplomatiques entre les deux pays pour qu’il demande au Conseil constitutionnel de trouver un mécanisme juridique permettant l’abrogation de l’article 4 de la loi du 23 février 2005, qui demande aux programmes scolaires de souligner “le rôle positif de la présence française outre-mer”. En somme, François Hollande n’a certes pas été jusqu’au bout des convictions universellement reconnues dans la reconnaissance des dénis de droits et des crimes de guerre et qu’il n’a surtout pas accompagné ses professions de foi par des actes concrets. Il a, néanmoins, franchi un pas vers la désacralisation de cette partie de l’histoire des deux pays.

L’on sait, à présent, qu’on arrivera, inéluctablement, à une époque où les hommes d’État français n’auront plus de complexes à se repentir sur ce qu’ont commis leurs aïeux sur le sol algérien et même à présenter des excuses. À ce moment-là, les Algériens ne se préoccuperont peut-être plus de ces excuses, dont le temps aura enlevé de la valeur sentimentale.

S H