La Banque d’Algérie revient sur sa décision de limiter le différé de paiement à 60 jours maximum, dans le cadre du crédit documentaire. L’obligation est assouplie en faveur des PME de production et des importateurs de produits essentiels qui pourront payer au-delà de 60 jours.
Chérif Bennaceur – Alger (Le Soir) – Le 9 décembre 2010, le directeur général des changes de la Banque d’Algérie avait instruit, à titre individuel, les P-dg des banques et établissements financiers de prendre toutes les dispositions pour réduire la dette extérieure à court terme. Il s’agissait de ramener l’encours, à la fin décembre 2010, de cette dette qui croit «à un rythme non souhaitable»
au volume de la fin décembre 2009. En ce sens, les banques ont été soumises à l’obligation de limiter les différés de paiement, dans le cadre du crédit documentaire, à 60 jours maximum. Sachant que la banque de l’importateur est tenue systématiquement de payer la banque du fournisseur. En d’autres termes, les différés de paiement qui constituent une part importante de la dette extérieure à court terme ne devaient plus dépasser les 60 jours maximum. Cette mesure est entrée en vigueur dès le début janvier 2011.
L’autorité bancaire change de cap
Or, le 13 février 2011, soit 3 mois plus tard, le même directeur des changes avait adressé des correspondances individuelles aux P-dg des banques qui révèlent le changement de cap de la Banque centrale. A contrario du ton ferme de la correspondance du 9 décembre 2010, celle du 13 février est formulée de manière plus ambiguë, plus souple. Ainsi, il y est précisé que «le dispositif mis en place par l’article 69 de la loi de finances complémentaire pour 2009 ne fait aucune discrimination entre les différents types de crédit documentaire en tant que mode de règlement des opérations de commerce international». Seulement, «il appartient à l’opérateur économique, en concertation avec sa banque domiciliataire, de choisir le type de crédit documentaire le plus approprié et le plus adapté à ses capacités financières et à la nature de l’opération », écrit ce responsable de la Banque centrale. Signe d’inflexion, le même correspondant écrit que «la lettre de la Direction générale des changes du 9 décembre 2010 n’avait d’autres objectifs que de sensibiliser les banques à l’accroissement rapide de la dette extérieure à court terme et les inviter à tout mettre en œuvre à l’effet de contenir cette expansion non souhaitable». Et pour expliquer cette inflexion, le directeur des changes indique que «la solidité de la position financière extérieure de l’Algérie et l’excès de liquidités sur le marché monétaire doivent amener les banques à proposer à leur clientèle, notamment les PME, l’ingénierie financière (maturité, coût, crédit relais,…) nécessaire en fonction du risque client pour satisfaire leur demande, tout en veillant au respect des orientations économiques des pouvoirs publics».
La souplesse est concédée aux PME
Il n’est plus question de ramener le volume d’endettement à zéro mais d’œuvrer à le contenir. Ce qui signifie que la Banque d’Algérie revoit ses propres dispositions rigides, en termes de délais de paiement fixes. En d’autres termes, les banques pourront tant accorder des financements que d’autoriser les différés de paiement pour leurs clientèles, sans limitation de durée. Ainsi, la Banque centrale concède un assouplissement en faveur des PME de production, notamment celles à trésorerie faible, dans l’incapacité de respecter l’obligation. Mais aussi en faveur des importateurs de produits essentiels, notamment pharmaceutiques et de nécessité, et autres intrants et biens urgents.
A contrario, les grandes entreprises, les sociétés à trésorerie importante, celles qui importent d’autres biens, ne sont pas concernées par cette modification. Et c’est ce qui a été convenu lors d’une réunion technique des banques et établissements financiers, au lendemain de cette correspondance. Au-delà de sa pertinence, dans la mesure où l’inapplicabilité de la première mesure était évidente, cette volte-face de la Banque d’Algérie révèle, clairement, l’absence de bonne maturation des décisions prises. En trois mois à peine, une banque centrale et, partant, les pouvoirs publics adoptent des dispositions coercitives censées être définitives puis remettent en cause leurs propres décisions. Signe révélateur de l’absence de visibilité et de lisibilité de la conduite bancaire, financière et économique du pays.
C. B.