Selon Gérard Feldzer, consultant en aéronautique, l’inexpérience de l’équipage pourrait expliquer le fait que l’avion se soit retrouvé piégé dans un orage, avant d’entamer une chute de 10.000 mètres en trois minutes, comme le révèlent les premières images radars.
Pris au piège de l’orage qu’il souhaitait éviter. C’est ce que révèlent les premières images radars enregistrées par le contrôle aérien burkinabè concernant le crash du vol AH5017 d’Air Algérie, qui a fait il y a quelques jours 118 morts dont 54 Français. «Lorsqu’un avion se retrouve coincé dans un cumulonimbus comme ça a du être le cas ici, c’est extrêmement dangereux pour l’appareil», explique au Figaro Gérard Feldzer, consultant en aéronautique et transport.
«L’avion peut être secoué, se retrouver sur le dos. Il peut même être projeté vers le sol en raison des fortes turbulences. Le pilote a dû se battre pour faire face au cumulonimbus, mais il s’est retrouvé piégé. Et il suffit à un avion de rester ne serait-ce que 30 secondes dans un cumulonimbus dangereux pour que le pire arrive».
Selon le chef d’état-major général burkinabé Gilbert Diendéré, coordonnateur de la cellule de crise au Burkina Faso, «le pilote a peut-être pensé qu’il l’avait complètement évité et a voulu revenir sur la droite afin de reprendre son itinéraire initial. Et c’est en faisant cette manœuvre, à ce niveau, que l’accident est arrivé», rapporte RFI.
Pour Gérard Feldzer, le pilote s’est semble-t-il rendu compte trop tard de l’orage qui se présentait devant lui. «Un avion a un rayon de virage entre 10 et 15 km. Quand il veut éviter un orage, si il est trop près, il n’a pas le temps de faire demi-tour. Il se retrouve pris au piège dans des mouvements ascendants et descendants. Or, ce sont des choses qui ne s’appprennent pas sur des simulateurs de pilotage, mais sur le terrain, à force de pratique. Pour qu’un pilote soit capable de faire face à ce type de turbulences, fréquentes dans ces régions, il lui faut une certaine expérience».
«Je trouve ça incroyable qu’en 2014, avec tous les outils dont les pilotes disposent, un avion ne parvienne pas à éviter un orage»
Gérard Feldzer, consultant en aéronautique et transports
Or, comme le rappelle le Parisien , l’équipage espagnol n’avait qu’un mois d’expérience sur cette route aérienne réputée difficile à cette saison. «Je trouve ça incroyable qu’en 2014, avec tous les outils dont les pilotes disposent, un avion ne parvienne pas à éviter un orage. Le crash du AH5017, comme le crash du MH17 et le crash de Transasia sont trois accidents qui auraient pu être éviter avec les outils dont on dispoe. Cela me met hors de moi.»
Pour Gérard Feldzer, «il y a un réel problème avec la formation virtuelle des pilotes. Les simulateurs n’incluent pas à l’heure actuelle les problèmes météorologiques». Par ailleurs, selon Gérard Feldzer, la compagnie aérienne espagnole Swiftair, qui assurait le vol AH5017 d’Air Algérie, «manque de moyens, y compris dans la formation de ces pilotes. Elle fait, dans ce domaine, le minimum réglementaire», explique-t-il . «Elle possède une faible connaissance de cette zone, puisque l’essentiel de ces vols se font en Méditerrannée. L’inexpérience ici est clairement un facteur contributif.»
«Le dernier contact a eu lieu à 1h47. Le témoin nous a donné une heure approximative de 1h50, c’est-à-dire qu’il a chuté de 10 000 mètres d’altitude à zéro, en trois minutes à peu près, ce qui est vraiment très vertigineux, compte tenu de la masse de l’appareil», a expliqué le général Gilbert Diendéré à RFI. «L’avion a peut être entamé une descente pour échapper au cumulonimbus, d’autant plus que ce type d’appareil ne va pas très haut. Le pilote ne pouvait donc pas passer au-dessus du nuage. L’avion a du partir en décrochage avant de tomber comme une enclume», précise Gérard Feldzer, «tout comme pour le crash du vol Rio-Paris, où la mauvaise météo avait également été un facteur contributif».
Malgré tout, aucune piste ne doit être écartée selon l’ancien commandant de bord Jean Serrat pour qui le crash ne peut pas être dû «uniquement à un nuage». «Il y a forcément un autre facteur, explique-t-il. Quand bien même l’avion a été pris dans une mauvaise météo, il a sûrement dû perdre un élément pour faire une chute pareille, avec une vitesse verticale de 180 km/h, soit 3 km/mn.» L’ex-pilote reste toutefois prudent: «A l’heure actuelle, on ne peut pas vraiment savoir ce qui s’est passé. Il faut attendre les conclusions des boîtes noires. La piste de l’attentat ne peut pas ainsi ne pas être prise en compte.»