couverture vaccinale en algérie, «il y a des populations non vaccinées ou sous-vaccinées», selon rachid kheddache

couverture vaccinale en algérie, «il y a des populations non vaccinées ou sous-vaccinées», selon rachid kheddache

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a lancé aujourd’hui une alerte contre la propagation de la poliomyélite dans de nombreux pays portant le plus grand risque d’exporter le virus, tels que le Cameroun, le Pakistan et la Syrie, et a prévenu que la maladie va resurgir si une réponse internationale coordonnée n’est pas mise en place d’urgence.

En Algérie, le risque de propagation est contenu et la vaccination s’opère dans de bonnes conditions. S’agissant de la vaccination en tant que telle, un nouveau calendrier vaccinal est en préparation.

Son élaboration relève d’un comité d’experts, en collaboration avec le département de l’OMS en charge de cette problématique. Rachid Kheddache, responsable du programme de vaccination à l’Institut national de santé publique (INSP), spécialiste en épidémiologie, nous éclaire sur le sujet.

Le Temps d’Algérie : M. Kheddache, pouvez-vous nous rappeler quels sont actuellement les vaccins qui sont obligatoires en Algérie?

Rachid Kheddache : Les vaccinations pratiquées jusqu’à aujourd’hui en Algérie sont au nombre de huit, à savoir le BCG (contre la tuberculose infantile), le DTC (contre la diphtérie, le tétanos et la coqueluche), anti-poliomyélitique oral (ou VPO), contre la rougeole, la vaccination anti-hépatite B intégrée durant l’année 2000 et celle anti-Hemophilus influenzae B intégrée en 2008.

L’OMS a lancé aujourd’hui une alerte contre la propagation de la poliomyélite dans de nombreux pays portant le plus grand risque d’exporter le virus. Bien qu’elle ne concerne pas l’Algérie, peut-on dire que la maladie est définitivement éradiquée chez nous ?

En effet, le vaccin anti-poliomyélitique injectable est recommandé par l’OMS dans le cadre de l’éradication mondiale de la polio en plus du vaccin polio oral (VPO) déjà en place. Ce vaccin prépare le passage de l’oral à l’injectable. Officiellement, nous n’enregistrons aucun cas de poliomyélite depuis 1996. Néanmoins, nous butons sur un problème de déclaration de la maladie. Pour avoir le certificat d’éradication de la poliomyélite, il faut satisfaire aux déclarations annuelles des indicateurs de performance de la maladie. Il reste 3 indicateurs de la maladie que l’Algérie n’arrive pas à fournir correctement à l’OMS.

Concernant le nouveau calendrier vaccinal, quels sont les nouveaux vaccins qui doivent être introduits ? Estimez-vous qu’il englobe suffisamment de maladies infectieuses ?

Le nouveau calendrier vaccinal complète l’ancien calendrier. Nous avons apporté à notre population les vaccins qui lui manquaient à savoir le vaccin anti-pneumococcique, le plus important pour sa contribution à réduire la mortalité infantile sachant que les infections à pneumocoques sont responsables de la majorité des décès des enfants de moins de 5 ans, le vaccin ROR utilisé contre la rubéole, les oreillons et la rougeole qui permet le développement d’anticorps protecteurs contre la rubéole. Ainsi, la femme enceinte ne court pas le risque de contracter cette maladie responsable de malformations congénitales, d’avortements, d’accouchements prématurés ou de décès d’enfants in-utéro. Ce vaccin permet également le développement d’anticorps contre les oreillons, une maladie responsable d’absentéismes scolaires importants. Il est à relever que si l’on utilise le ROR, la dose du vaccin antirougeoleux administrée à l’âge de 9 mois sera décalée et administrée avec le ROR à l’âge de 1 an.

Selon vous, pourquoi le ministère a-t-il tant tardé à élaborer ce nouveau calendrier ?

Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce retard. Il a d’abord fallu créer un comité d’experts de la vaccination puis instaurer des réunions de consensus où les personnels compétents ont été consultés par le biais d’un workshop sur la vaccination. Je souligne que ce projet a nécessité une attention particulière sur différents aspects technique, matériel, financier et autres. La plus grande problématique était qu’on ne disposait pas de données sur ces maladies transmissibles. Il a donc été difficile de convaincre en l’absence de données sur les maladies à prévention vaccinale comme la rubéole, les pneumonies, en particulier.

Sur quels critères sont émises ces recommandations ?

Il existe un guide des vaccinations pour les personnels de santé et un carnet de vaccination pour le personnel de santé et les parents. Ces deux documents doivent être actualisés en permanence. S’agissant des recommandations vaccinales, elles sont émises par des notes ministérielles ou de la Direction de la prévention. Mais il faut souligner qu’avant tout, ce sont les recommandations de l’OMS qui sont souvent appliquées.

Que pensez-vous de la stratégie du gouvernement en matière vaccinale ?

En matière vaccinale, le gouvernement donne la priorité de financement à la vaccination des enfants. Jusque-là, l’achat de vaccins n’a jamais constitué un obstacle, du moins pour deux vaccins sur les quatre nouveaux qui sont indispensables, dont le vaccin polio injectable qui est recommandé dans les meilleurs délais par l’OMS et le vaccin ROR. S’agissant du vaccin anti-pneumococcique, nous sommes en retard. Beaucoup de pays d’Afrique l’ont déjà introduit grâce à une aide extérieure et tous les pays développés l’ont adopté en vue d’une réduction de la morbidité et la mortalité infantile.

Qu’en est-il de la vaccination des adultes ? Les rappels sont-ils effectués, les femmes enceintes particulièrement ?

Les patients n’effectuent pas suffisamment leurs rappels. Nous pouvons mesurer cette insuffisance par le taux de couverture vaccinale par la 3e dose d’un vaccin appelé le DTC qui comprend 3 doses à 3 mois, 4 mois et 5 mois. Le rappel est donc fait pour un intervalle se situant entre 80 et 90% des cas. Cela signifie que 80 à 90% seulement des enfants font ce rappel. S’agissant de la vaccination des adultes, elle est presque inexistante, excepté peut-être pour la grippe. Néanmoins, il faut souligner que les personnels exposés, les travailleurs dans des structures de santé, laboratoires, les militaires des nouveaux contingents, effectuent leurs vaccinations. En vérité, il n’existe pas de programme spécifique de vaccination pour les adultes comme c’est le cas pour les enfants. Pour les femmes enceintes, il existe une vaccination antitétanique pour protéger l’enfant contre le tétanos néonatal à la naissance. Cette vaccination est systématiquement proposée dans les structures de santé.

Sous d’autres cieux, une défiance vis-à-vis de la vaccination et ses vertus thérapeutiques est constatée…

Si on se base sur les données de vaccination, on s’aperçoit que les parents vaccinent leurs enfants. Je pense que la vaccination est considérée comme bienfaitrice pour l’enfant. Cependant, si on s’appuie sur les données concernant la population adulte, on observe beaucoup de réticences. Notre corporation dans son ensemble encourage la vaccination, mais dans le cas précis du nouveau calendrier vaccinal où de nouveaux vaccins vont être introduits, il faut commencer ce projet par la formation des personnels de santé, en particulier les personnels de vaccination en actualisant leurs connaissances avant de lancer des messages à la population sur les nouveaux vaccins. Ce sont les personnels de santé qui doivent informer la population.

Comment qualifieriez-vous la couverture vaccinale ?

Elle reste insuffisante. Il existe aujourd’hui encore des zones mal vaccinées et des populations non vaccinées ou sous-vaccinées. Le taux de couverture nationale demeure tout juste acceptable en raison justement de certaines wilayas où les populations sont mal vaccinées. Il y a donc des disparités régionales.

Il a été fait état de la probable introduction du vaccin contre le papillomavirus, malgré ses effets. Le ministère va-t-il appliquer le principe de précaution ?

Je pense que ce vaccin n’est pas d’actualité en Algérie. C’est sûr qu’il serait intéressant sauf que nous ne disposons pas de données affirmant que cette affection est très fréquente.

Jusqu’à aujourd’hui, ce vaccin n’est adopté que par un nombre très réduit de pays dans le monde. A mon sens, il faut attendre des études plus élaborées sur ce vaccin et organiser d’abord un dépistage systématique avant de procéder à la mise en place d’une base de données sur cette question.

Avez-vous des remarques à faire sur ce nouveau calendrier de vaccination ?

Pour moi qui suis intégré au programme national de vaccination, il s’agit d’une opportunité à ne pas manquer. Je souhaite que tous les nouveaux vaccins soient adoptés et financés. Il reste à préparer leur intégration. Au préalable, nous devons passer par l’actualisation des connaissances des personnels de vaccination et une communication sociale adéquate.

Sabrina Benaoudia