Deux éléments révèlent la connaissance par les deux capitales du plan de renversement du président ATT : la présence aux USA du chef des putschistes, le capitaine Amadou Sanogo, dans le cadre de la coopération militaire entre Washington et Bamako ; et le silence des deux diplomaties réputées à cheval sur le respect du choix des peuples. Or, ATT a été démocratiquement élu président du Mali.
Des sources américaines ont rapporté, samedi, qu’un des chefs du putsch militaire, opéré contre le président malien, Amadou Toumani Touré, le capitaine Amadou Sanogo, faisait partie de l’équipe d’officiers qui ont fait un stage, récemment, aux États-Unis, dans le cadre de la coopération militaire entre Bamako et Washington dans le cadre de la lutte antiterroriste.
Jusqu’à quel point ce «passage américain» a-t-il été déterminant dans l’éviction d’ATT ? On ne le sait pas encore… Cette information fait suite à celle, connue de tous les observateurs, des chefs de la rébellion touarègue qui avaient été reçus en catimini, à l’Élysée, par des proches de Nicolas Sarkozy. Les deux informations se rejoignent par un bout : les deux capitales souhaitaient le départ d’ATT.
Les causes diffèrent et les objectifs aussi. Si Paris avait espéré une prise de Bamako par la rébellion touarègue, très présente en France, Washington cherche, aussi, une prise de Bamako par des militaires anti-rébellion. Ni Paris, ni Washington n’ont exigé le retour de Touré, un président, pourtant, élu démocratiquement, mais qui se trouve, aujourd’hui, en fin de parcours. Sarkozy fait semblant de dénoncer le putsch, mais sans exiger le retour du président malien. Il est certain que Paris ne pleurera pas Amadou Toumani Touré.
Pour Bamako, «sur la question touarègue, sur la guerre en Libye, sur des questions bilatérales, le président malien a beaucoup irrité l’ancien colonisateur, ces derniers temps ». Alors que les États-Unis et un communiqué du Conseil de sécurité de l’ONU appellent très, clairement, au rétablissement du président Amadou Toumani Touré dans ses prérogatives, la France se contente d’exiger des élections au plus vite et de suspendre sa coopération avec le Mali, comme le veut une coutume qui ne dépasse pas le cadre diplomatique et de convenances.
Récemment, la France s’est montrée humiliée «par le refus d’ATT de la laisser intervenir, directement, sur son sol dans le cadre de la lutte contre Aqmi», et est allée jusqu’à «accuser son entourage de profiter du business des rançons payées en échange des otages occidentaux ». Deux jours uniquement avant le coup d’État contre ATT, l’opinion malienne et des officiels du régime ATT dénonçaient, ouvertement, la bienveillance de la France à l’égard des rebelles du Mnla, malgré leurs crimes.
Alors qu’ATT insistait sur le respect de l’intégrité territoriale du Mali, l’ancien colonisateur était en tout cas -comme en 2002 en Côte d’Ivoire- favorable à un cessez-le-feu et des négociations avec les rebelles touareg sans aucun préalable en termes de désarmement.
«C’est peu dire que l’éviction d’ATT a été suivie de près à Paris, qui voit partir sans regret un partenaire jugé insuffisant face aux grands défis du Sahel instabilité, développement, immigration et terrorisme», disent des ministres de Touré à Bamako. Dans le même temps,Washington, plus réaliste, préfère jouer les temps morts et placer, intelligemment, ses hommes à Koulouba et dans les sphères dirigeantes de l’Armée malienne.
F.O