Côte d’Ivoire-Cameroun, le refus du jeu

Côte d’Ivoire-Cameroun, le refus du jeu
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Favoris de cette Coupe d’Afrique des Nations, la Côte d’Ivoire et le Cameroun ont grandement déçu en Angola. Eliminés dès les quarts de finale, par l’Algérie et l’Egypte, les Eléphants et les Lions Indomptables ont surtout brillé par un football très pauvre, essentiellement basé sur l’impact physique et la rigueur au milieu de terrain.

Sans inspiration offensive et avec des arrière-gardes complètement à la ramasse, les sélections entraînées par Vahid Halilhodzic et Paul le Guen ont connu un camouflet à 6 mois du Mondial. En Afrique du Sud, il faudra revenir avec bien plus d’humilité…

Des oppositions de styles, voilà ce que nous réserve le football africain avec sa CAN 2010. Continent fou de ballon rond, l’Afrique offre une multitude de styles différents, loin des stéréotypes d’Europe occidentale et d’Amérique du Sud. L’Egypte brille par un jeu collectif assez soigné, qui lui a permis de remporter les deux derniers titres continentaux, tandis que l’Algérie a fait vibrer son peuple en se qualifiant pour le Mondial au courage et à l’envie. Les deux nations septentrionales viennent justement de sortir la Côte d’Ivoire et le Cameroun, pourtant favoris dans cette compétition. Sauf que ne pas jouer au ballon provoque l’irrémédiable…

Physiques mais sans défense…

Les Eléphants peuvent notamment émettre de grands regrets. La sélection africaine la plus estimée en Europe, grâce à la superbe génération emmenée par Drogba, ne jubilera toujours pas lors d’une Coupe d’Afrique des Nations. Après une finale perdue aux tirs au but en 2006 et un parcours stoppé en demi-finales il y a deux ans, c’est en quarts que les Ivoiriens ont quitté la compétition angolaise. Vahid Halilhodzic a apporté sa rigueur collective, suffisante pour se qualifier au Mondial mais critiquable lors de ce rendez-vous biennal. A trop vouloir maîtriser leurs adversaires grâce à un entrejeu fourni, les coéquipiers de Yaya Touré en ont oublié de produire du jeu, rendant finalement les armes à cause d’une défense défaillante. Contre l’Algérie, la paire Kolo Touré-Souleymane Bamba fut abandonnée et complètement dépassée.

Mais les bourdes camerounaises n’ont rien à envier aux errements défensifs ivoiriens. Car les Lions Indomptables ont brillé par de nombreuses erreurs individuelles. Lors du premier tour tout comme lors du quart de finale contre l’Egypte. Rigobert Song avait multiplié les boulettes, comme pour bien confirmer que sa place était sur le banc, tandis que Nicolas Nkoulou ne fut pas à la hauteur de sa première grande échéance. Contre les Pharaons, c’est le vétéran Geremi qui a offert un but à l’adversaire, avant une erreur de main d’un Kameni bien fébrile sur le 3e but égyptien (qui n’aurait toutefois pas dû être accordé).

Le Guen, quelle misère !

Outre ses erreurs défensives, c’est dans la production offensive que le Cameroun et la Côte d’Ivoire furent très décevants. Les Eléphants, dans le groupe à trois équipes (après la disqualification du Togo), auront débuté par une très faible prestation contre le Burkina Faso (0-0), avant de se reprendre contre l’autre favori de la poule, le Ghana (3-1). Mais la formation de Vahid n’a pas tenu son rang de grande favorite de la compétition, se montrant incapable de dicter sa loi sur le pré. Des contre-attaques assassines, quelques exploits individuels et des longs ballons vers Drogba auront suffi à leur bonheur. Quelle déception ! A croire que la Côte d’Ivoire préfère se mettre dans la peau d’un Olympique Lyonnais alors qu’on l’attend comme le FC Barcelone d’Afrique…

A trop vouloir « jouer à l’européenne », ces deux sélections se sont égarées. Et ce n’est pas plus mal pour le spectacle du dernier carré. Et comme Halilhodzic, Le Guen est coupable. Le technicien français est même le principal responsable d’un jeu camerounais qui frise le ridicule. L’ancien entraîneur du PSG a fait plus fort que Raymond Domenech, titularisant dans son 4-4-3 (formation également adoptée par Vahid) trois milieux défensifs de formation. Alex Song, placé devant la défense, fut accompagné par Makoun et Mbia puis Enoh (le joueur de l’Ajax). Trois récupérateurs qui se sont retrouvés à faire le jeu, le Lyonnais confirmant qu’il était tout particulièrement à côté de la plaque depuis quelques saisons.

Supporters et journalistes camerounais ont donc tous les arguments pour mettre sur la sellette Paul Le Guen. Comment le Cameroun, si grande nation d’Afrique, peut-elle offrir un tel football ? « On a fait un match plus intense, plus dynamique, avec une meilleure qualité de jeu. C’est un match qui nous tendait les bras mais on n’a pas su en profiter », a-t-il tempéré après le match contre l’Egypte, au micro d’Orange Sport, avant de refuser de répondre aux journalistes camerounais, avec qui il entretient désormais une relation très conflictuelle. Comme lors de son passage à Paris ! Même Raymond Domenech n’a jamais zappé une conférence de presse d’après-match…

En Afrique du Sud avec de l’humilité ?

Les joueurs sont évidemment tout aussi responsables. En plus d’accuser un manque d’envie évident (peut-être trop pressés de revenir dans leur confortable quotidien ?), Camerounais comme Ivoiriens se sont vus trop beaux dans les médias. Samuel Eto’o, peu influent lors de cette CAN, était satisfait de la performance collective après l’élimination. « Le Cameroun est une grande nation de football », rappelait-il sur RFI, avant de lâcher inutilement: « Je crois personnellement qu’en 90 minutes, j’ai écouté l’entraîneur, le Cameroun a fait son match aujourd’hui et l’Egypte également. » Le travail a été fait, mal fait, mais tant pis…

Côté ivoirien, le choc contre l’Algérie fut peu redouté. « L’Algérie est avec nous sur le continent, l’équipe du moment. Elle est certainement l’équipe de l’année. Mais nous, aucune équipe ne nous fait peur », avait lâché Guy Demel, le latéral droit ivoirien avant le quart de finale. Une défaite plus tard, les Eléphants pouvaient reconnaître leur déficience mentale. « Je pense que l’Algérie a mérité sa victoire. Ses joueurs en voulaient plus que nous. Alors que nous, nous avons arrêté de jouer après avoir ouvert le score », résumait bien Salomon Kalou, avant de livrer la meilleure analyse possible: « Nos qualités s’expriment pourtant quand on joue. Le fait de balancer des longs ballons a, au contraire, servi l’intérêt des Algériens. Ils nous ont dominés dans ce secteur. Quand on était décidés à jouer, on était bons. Tactiquement, c’était un mauvais choix de notre part d’avoir reculé ».

Paul Le Guen avait osé annoncer que cette CAN faisait office de préparation à la Coupe du Monde. C’est complètement raté. Avec ce football proposé, le Cameroun et la Côte d’Ivoire risquent de faire de la figuration dans 6 mois en Afrique du Sud. Si leur motivation sera décuplée pour le rendez-vous international, Eléphants et Lions Indomptables devront jouer au football, sans penser que leur impact athlétique sera suffisant. Car sans maîtrise technique, la puissance physique n’est vraiment rien.