Les députés de la 5e législature (2002-2007) avaient voté en janvier 2006 une mauvaise loi anticorruption, et le comble, cette loi est très peu appliquée. Leurs successeurs (2007-2012) n’ont rien voté du tout, et ont laissé exploser les scandales de corruption. Les «nouveaux» députés — mal élus et peu représentatifs —, installés le 26 mai dernier, s’inscriront à coup sûr dans la même inertie.
Face à la multiplication des affaires de corruption et aux pressions de la communauté internationale, l’Algérie avait adopté en 2006 une loi spécifique destinée à la lutte contre ce phénomène. L’élaboration et l’application de cette loi posent des problèmes qui sont évoqués dans un article ci-contre. De manière générale, la question de l’effectivité des lois se pose avec acuité. Il ne suffit pas, en effet, d’élaborer une loi et de la faire voter, encore faut-il en assurer une application équitable et effective conformément à la philosophie qui sous-tend la notion d’Etat de droit. Le dispositif légal contre la corruption doit être compris comme l’ensemble des textes ayant pour vocation spécifique de prévenir et de réprimer la corruption, mais doit aussi intégrer la réglementation destinée à assurer la transparence, voire les textes qui consacrent la démocratie et garantissent les droits fondamentaux des citoyens. C’est souvent à la suite d’alternances politiques – ce n’est toujours pas le cas en Algérie — que des lois spéciales de lutte contre la corruption ont été édictées et parfois abusivement utilisées à des fins de règlements de comptes politiques, ce qui est souvent le cas en Algérie. S’il suffisait de lois répressives pour venir à bout de la corruption, celles-ci n’existeraient plus. Il est impératif d’assurer l’effectivité des lois et leur application par des institutions judiciaires fiables. La volonté politique du pouvoir exécutif et la culture d’intégrité de la magistrature sont indispensables à cet effet : nous en sommes encore très loin en Algérie. Sans une véritable volonté politique, les lois anti-corruption restent lettre morte. Il est par ailleurs illusoire d’espérer d’une justice, elle-même gangrenée par la corruption, qu’elle puisse sévir avec efficacité contre ce phénomène. Pour peu qu’il y ait une volonté politique, il existe un large consensus sur la priorité à accorder à la prévention. En effet, une politique exclusivement répressive est insuffisante. En outre, le recours systématique à la répression traduirait en partie l’échec de la prévention.
Les lois doivent être respectées et appliquées
Les poursuites judiciaires sont néanmoins incontournables et participent également à la prévention par leur effet dissuasif. Les réformes législatives doivent donc tout autant s’attacher à la prévention qu’à la répression des actes de corruption. Le dispositif légal pour combattre la corruption ne peut pas être considéré uniquement sous l’angle pénal mais doit inclure toutes les thématiques suivantes : l’accès à l’information ; les conflits d’intérêts ; les marchés publics ; la liberté d’expression ; la liberté de la presse ; la protection de ceux qui dénoncent la corruption et de ceux qui portent plainte ; les conditions permettant à la société civile de se mobiliser ; les élections démocratiques ; le contrôle de la légalité des décisions et des actes de l’administration ; la séparation des pouvoirs, notamment l’indépendance des juges, etc. Pour lutter contre la corruption, un pays doit disposer de lois qui s’inscrivent dans le respect des droits humains. Ces lois doivent régulièrement être adaptées aux besoins de la lutte contre la corruption et s’inspirer des expériences internationales. Il ne suffit pas que ces lois existent, elles doivent être respectées et appliquées. Si dans un pays donné, la lutte contre la corruption est l’affaire de tous, elle ne peut enregistrer de succès durable que si elle s’inscrit dans une coopération internationale entre l’ensemble des acteurs qui en ont fait leur combat, comme elle doit aussi prendre connaissance et s’inspirer des mécanismes internationaux mis en place à travers de multiples initiatives de par le monde, à l’image de la Convention des Nations unies contre la corruption.
Djilali Hadjadj