La corruption, les risques de scissions, l’inflation et autres dysfonctionnements socio-politico-économiques que le pays connaît, l’ancien gouverneur de la Banque d’Algérie, Abderrahmane Hadj- Nacer, y voit une problématique de pouvoirs, stipendiant la prégnance d’une logique centripète.
«Je ne crois pas à cette fadaise», déclarait hier l’économiste Abderrahmane Hadj-Nacer qui était l’invité du Forum du quotidien Liberté, à propos des menaces d’éclatement du pays. Selon l’auteur de La Martingale algérienne, un essai paru récemment aux Editions Barzakh, les populations réputées entretenir des tendances sécessionistes, notamment les Kabyles sont, a contrario des idées reçues ou volontairement entretenues, «le cœur du pays». Idem, relève-t-il, pour les populations du Sud du pays, celles qui vivent au sud de El Goléa, où les revendications d’une meilleure justice sociale s’intensifient actuellement. Et cela même si Abderrahmane Hadj-Nacer constate un «déséquilibre de pouvoirs», une situation où l’équilibre social, la préservation des intérêts des populations méridionales ne semblent pas constituer des priorités pour les centres de décisions et autres acteurs du jeu politique. Voire, les gens du Sud se montrent critiques vis-à-vis de ceux du Nord, semble opiner l’hôte de Liberté, et leur adressent l’invite suivante : «Arrêtez de vous comporter comme des colons». Or, l’ancien gouverneur de la Banque d’Algérie observe que le problème se pose davantage en termes de logique de pouvoirs, de déséquilibres de pouvoirs, voire d’une prégnance d’une logique centripète, privilégiant davantage l’externe que l’interne. Laissant entendre que le débat qui a marqué le Congrès historique de la Soummam (1956) à propos de la primauté de l’intérieur sur l’extérieur se poursuit dans un contexte différent, Abderrahmane Hadj-Nacer déplore la tendance d’aucuns à privilégier l’externe, l’aval de l’autre que celui local. Et cette logique centripète, il la voit également présente concernant la corruption, les affaires de malversations. Certes, la corruption existe partout, précise l’économiste.
Ce dernier constate cependant qu’a contrario de la règle générale, l’acceptation d’aucuns à être corrompus en contrepartie de la satisfaction d’intérêts socioéconomiques, le contexte algérien est tout autre. Ainsi, les corrompus, les gens corruptibles pensent davantage à intégrer l’oligarchie financière internationale qui participe à la situation de déséquilibre mondial, à obtenir «la reconnaissance internationale», qu’à se soucier des intérêts internes, développer des projets de développement utile, à rendre compte à la population. Il en est également de la hausse de l’inflation, Abderrahmane Hadj-Nacer relevant que les revalorisations salariales, concédées dans le contexte de prix figés et d’une production nationale inexistante, encouragent de facto, la hausse des prix dans plusieurs niches d’activité (produits frais, automobile, immobilier…) mais aussi constituent «des subventions accordées au reste du monde».
Et donc, c’est une logique centripète qui domine dans un contexte où la planification, la capacité d’anticiper et de prévenir les crises et y résister, le développement d’une ingénierie nationale, l’existence de contre-pouvoirs font défaut, suite à cette logique de suprématie de l’extérieur. Or, la nécessité de rétablir l’équilibre des pouvoirs s’impose, observe l’ancien gouverneur de la Banque d’Algérie. Il s’agit, certes de «faire confiance à la population» mais aussi de mettre en place un système de légitimation populaire à même de faire contrepoids à l’emprise de l’oligarchie financière de plus en plus active, laïciser et libérer la société de toute forme d’encadrement idéologique et d’«abêtissement de l’individu», et promouvoir le développement réel des classes moyennes.
Dans ce contexte, l’opportunité d’un débat public sur les hydrocarbures se pose selon Abderrahmane Hadj-Nacer qui plaide également, pour la création d’un fonds souverain, fi de toute logique d’accumulation financière de court terme. Comme il estime, tacitement, que le prêt accordé au Fonds monétaire international aurait pu être lié à une contrepartie, le risque que l’Algérie recourre encore à l’emprunt n’étant pas à écarter, mais pourrait être cependant atténué par une participation à la prise de décision au sein de cette organisation internationale.
C. B.