La dénonciation est souvent le premier pas à faire pour informer d’une éventuelle corruption. Les dénonciateurs deviennent souvent des témoins quand l’affaire est portée devant la justice.
Aux Etats-Unis comme en Italie, il a une grande expérience dans ce domaine suite aux guerres menées contre les syndicats du crime qui sont souvent de connivence avec le pouvoir politique, notamment dans le financement des campagnes électorales, les hommes d’affaires et même avec les services secrets ou les forces de sécurité. Les juges dans ces pays sont puissants et jouissent d’indépendance, tout comme la presse. Une puissance économique comme la Chine ne badine pas avec la corruption sur son territoire et les corrompus tout comme les corrupteurs sont sévèrement punis. L’économie de ce pays est jalousement protégée même si certaines sociétés chinoises sont connues sur la place internationale pour s’adonner aux pots-de-vin mais cela se passe hors des frontières de leur pays. Les Américains ont mis en place des programmes spéciaux de protection des témoins, cela va du changement d’adresse au changement d’identité pour les prémunir des représailles. En Algérie, les scandales financiers à répétition ternissent son image et salissent son honneur et celui de ses valeureux martyrs. La lutte contre la corruption se limite aux lampistes et épargnent les véritables commanditaires dans les grandes affaires. Les scandales ayant éclaboussé Sonatrach, Naftal, autoroute- Est-Ouest qui touchent le sommet de l’Etat passent sous un silence officiel. On se doute bien que ce ne sont pas les seules affaires tant l’impunité est courante. Les juges algériens toujours sous tutelle n’ont pas les mains libres, les organes de contrôle comme l’IGF ou la Cour des comptes sans oublier la Commission de contrôle parlementaire n’ont pas les coudées franches. Ce qui revient à dire que la lutte contre la corruption reste vaine notamment avec l’absence de dispositions claires dans la loi censée rendre son application effective. Le grand écueil est bien entendu la protection des témoins. Selon, Me Benisad, président de la Ligue algérienne de défense des droits de l’homme (LADDH), nous dit que «la loi sur la lutte contre la corruption est incomplète et présente des lacunes. Elle ne protège pas les dénonciateurs ou les témoins, cela reste à un niveau de présomption car il est difficile de prouver la corruption, il faut pour cela des preuves matérielles». Le dénonciateur peut en revanche se retrouver dans une mauvaise posture. Il peut faire l’objet d’abus de pouvoir s’il signale des anomalies dans le cadre de son travail, faire l’objet d’intimidation, de mutation ou subir des représailles. Dans certains cas, il peut payer son «audace» de sa vie. Notre interlocuteur ajoute que «le dénonciateur ou le témoin peut se retrouver sur le banc des accusés pour diffamation». Et de conclure : «Seul le flagrant délit peut confirmer un acte de corruption et être reconnu comme tel par la justice. » Le flagrant délit n’est pas toujours aisé. Cela requiert une mobilisation des équipes de sécurité, un travail d’investigation, d’écoute et de filature qui exige des moyens adéquats, pas toujours disponibles. On a vu ces dernières années des responsables locaux embarqués dans le cadre de la lutte contre la corruption mais pas de grands noms. Des associations de lutte contre la corruption et des ONG n’ont eu de cesse de faire état de ce phénomène qui gangrène l’administration, la classe politique, la société et le secteur économique. Les journalistes n’ont plus ne sont pas protégés, ils peuvent être poursuivis également pour diffamation et traînés dans les tribunaux, les exemples ne manquent pas à cet effet. Ainsi, il aura fallu attendre qu’une enquête soit révélée en Italie sur des pots-de-vin faramineux ayant été perçus par Chakib Khelil et consorts pour se rendre compte de l’ampleur du désastre qui ébranle les fondements de l’Etat algérien. L’actuel ministre de la Justice interpellé par les magistrats a déclaré lors d’une sortie médiatique qu’une disposition sur protection des témoins est à l’étude et qu’elle sera intégrée dans la loi sur la corruption. Cette disposition, si elle venait à être concrétisée délierait certainement beaucoup de langues car, de toute évidence, l’affaire Sonatrach n’est qu’un échantillon de ce chaos financier dans lequel se débat l’Algérie depuis que les prix du pétrole ont connu leur envolée et depuis que le gigantesque programme du président de la République a été lancé. Ce programme n’ayant été soumis à aucune expertise ou n’ayant fait l’objet d’un quelconque bilan durant les trois mandats consécutifs a englouti des sommes colossales dont une bonne partie a été détournée (corruption oblige). Il demeure toujours, 14 ans plus tard, au stade de chantiers ouverts, accusant d’énormes retards.
Fatma Haouari