Corruption en Algérie : Lourdes peines requises contre des responsables espagnols

Corruption en Algérie : Lourdes peines requises contre des responsables espagnols
Tribunal espagnol

Le parquet espagnol a requis de lourdes peines contre des politiciens du Parti populaire (droite), dont l’un est député et l’autre ancien ambassadeur, ainsi que contre des hommes d’affaires et des dirigeants exécutifs, impliqués dans le versement de pots-de-vin à des responsables algériens dans les projets du tramway de la ville de Ouargla et de la station de dessalement de Souk Tlata (wilaya de Tlemcen).

Il s’agit d’un nouveau développement judiciaire concernant l’une des plus grandes affaires de corruption internationale liées à l’Algérie à l’époque de » La Issaba« , rouverte alors que l’affaire était sur le point d’être prescrite.

Des projets colossaux et des pots-de-vin multiples

Selon le média arabophone « Echourouk », l’affaire remonte à des projets conclus en Algérie entre 2009 et 2013. Les plus marquants, ce sont ceux de la réalisation du tramway de Ouargla (230 millions d’euros) et la station de dessalement de Souk Tlata à Tlemcen (250 millions d’euros). Des commissions et pots-de-vin ont été versés à des responsables algériens sous diverses formes : achat de biens immobiliers en France et en Espagne (Paris, Porto, Banús à Malaga), règlement de dettes fiscales et prise en charge des frais d’études des enfants de responsables algériens en Espagne.

Le réseau a aussi utilisé des circuits financiers à Dubaï, en Suisse, en Irlande et aux Pays-Bas pour dissimuler les flux d’argent, via des sociétés comme Shams Al Sabah General Trading LLC, Erfaa Commercial Broker LLC, MC Europe FZE, ainsi que Emerald Business Consulting (Irlande) et Castelino BV (Pays-Bas), en plus de filiales au Royaume-Uni et dans les îles Vierges.

La même source indique, selon le quotidien espagnol « Público », les réquisitoires concernent l’ex-député du Parti populaire Pedro Gómez de la Serna et l’ancien ambassadeur en Inde Gustavo de Arístegui. Le parquet a requis contre eux 18 ans de prison ferme, 720 000 euros d’amende, ainsi que la confiscation de 2,64 millions d’euros liés à deux sociétés (Scardovi et Karistia) créées pour percevoir les commissions illicites.

Les sanctions les plus sévères sont demandées contre deux directeurs du groupe basque Elecnor, Germán Junquera Palomares et Ramón López Lax, qui risquent 21 ans de prison ferme pour corruption dans les affaires, pots-de-vin actifs, faux et appartenance à une organisation criminelle.

Des peines similaires sont requises contre José Luis et David Luis Tome Beriain, frère et fils de l’intermédiaire décédé Cristóbal Tome Beriain, accusé d’avoir ouvert les portes de l’influence dans les hautes sphères en Algérie.

La liste des accusés inclut aussi des hommes d’affaires comme Adolfo Suárez Lopetegui et son fils, responsables de la société AS Auditoría & Consulting Navarra, utilisée comme canal de transfert des commissions, ainsi que des intermédiaires étrangers de Suisse et des Pays-Bas poursuivis pour blanchiment d’argent.

Toujours selon « Echourouk », citant « Público », les 23 personnes mises en cause sont poursuivies pour corruption dans les affaires, versement de pots-de-vin, falsification de documents et appartenance à une organisation criminelle, avec la possibilité d’être également jugées pour adhésion à une association illégale.

Elles sont également poursuivies pour blanchiment d’argent et recyclage de commissions illicites à travers des sociétés écrans et institutions financières étrangères, ainsi que pour des activités frauduleuses liées à des transferts bancaires suspects.

Des entreprises aussi dans le collimateur

Dans ce même sillage, cinq sociétés sont poursuivies pour corruption dans les affaires et pots-de-vin actifs, considérées pénalement responsables en raison de l’absence de systèmes de contrôle et de prévention. Il s’agit de Elecnor et sa filiale Internacional de Desarrollo Energético, Rover Alcisa, Assignia Infraestructuras et AS Auditoría & Consulting Navarra.

Le parquet a requis de lourdes amendes contre elles : 36,7 millions d’euros pour Elecnor, 9,12 millions d’euros pour Rover Alcisa et Assignia, et 4,56 millions d’euros pour la société navarraise.

Une affaire déclenchée en 2015

L’affaire a éclaté en novembre 2015 à la suite d’une dénonciation déposée par l’intermédiaire José Faya López auprès du parquet espagnol anticorruption. Cela a contraint De Arístegui à démissionner de son poste diplomatique, tandis que De la Serna quittait le Parti populaire début 2016.

Depuis, les enquêtes se sont avérées complexes, avec des perquisitions dans les bureaux d’Elecnor et les domiciles des accusés, l’examen de centaines d’e-mails et factures, ainsi que des commissions rogatoires internationales en Algérie, aux Émirats arabes unis, en France, en Suisse, aux Pays-Bas, au Royaume-Uni, au Luxembourg, en Chine, à Hong Kong, au Maroc et en Irlande.

Après une décennie, les personnes mises en cause se retrouvent aujourd’hui devant la justice espagnole avec un dossier accablant qui révèle comment l’Algérie, à l’époque de la bande, était devenue une destination privilégiée pour les pots-de-vin et les affaires douteuses.