Corruption en Algérie «Les instruments de lutte sont inexistants»

Corruption en Algérie «Les instruments de lutte sont inexistants»

«Ce fléau très complexe est ancré dans la société»

L’absence de banques de données rend presque caduque la lutte contre la corruption.



De gros scandales de corruption ont éclaboussé les institutions de l’Etat. Ce fléau n’a jamais été aussi grave et son étendue ne cesse de se propager. «Il ne faut pas perdre de l’esprit les groupes d’intérêts qui tiennent à perpétuer leurs affaires fructueuses en opposant une résistance farouche contre toute initiative de lutte contre le phénomène de la corruption», a estimé Dimitri Vlassis, chef de la section de la lutte contre la corruption et les crimes économiques à l’Office des Nations unies (Onudc) et secrétaire des Etats parties à la convention des Nations unies contre la corruption. «Ce fléau très complexe ancré dans la société dépend et du système social et du système politique», indique-t-il en marge de la journée d’information sur la mise en oeuvre de la convention des Nations unies contre la corruption tenue avant-hier, à Alger. «La lutte contre la corruption est une action qui n’est pas figée donc, dynamique et continue. Des mesures fortes à même de changer la mentalité et le comportement sociétals sur ce phénomène sont indispensables.» Cependant, les instruments de lutte n’ont pas encore vu le jour en Algérie et restent au stade de décision. L’ordonnance relative à la création de l’Observatoire national de lutte contre la corruption, a été promulguée en 2006. Il a fallu attendre la fin de 2010, pour voir une autre ordonnance complétant celle de 2006 à travers laquelle les pouvoirs publics prévoyaient de mettre en place un «office central de répression de la corruption chargé des recherches et de la constatation des infractions de corruption». Aucune échéance n’a été déterminée pour la mise sur pied du nouvel organisme.

La corruption petite ou grande, sape la démocratie et l’Etat de droit et fausse le jeu des marchés. Elle est un crime contre le développement, la santé, l’éducation, l’environnement et crée un terrain propice à la criminalité organisée, selon la convention des Nations unies paraphée par 154 pays dont l’Algérie en 2003. La législation anticorruption – notamment la loi du 20 février 2006 et les textes d’application du 22 novembre 2006 -, n’ont pas eu de suite. Néanmoins, on lui a substitué actuellement «une commission nationale ad hoc».

L’efficacité de la lutte contre la corruption dépend de l’implication effective de la société civile organisée et autonome. Or, «la société civile est quasi inexistante en Algérie», s’accordent à dire tous les intervenants parmi les sociologues et universitaires présents à cette journée d’étude.

Le trafic d’influence, l’abus de fonctions et l’enrichissement illicite sont répertoriés comme infractions pénales. Concernant cette dernière infraction, aucun chiffre n’a été fourni sur le nombre d’affaires traitées durant l’année 2011.

Le directeur des affaires pénales et des grâces au ministère de la Justice, Mokhtar Lakhdari, s’est contenté de dire qu’«il y a quelques cas d’enrichissement illicite traités pour la justice en 2011». L’absence de banques de données rend presque caduque la lutte contre la corruption. «A chaque affaire judiciaire liée à la corruption, la justice est confrontée à l’absence de données permettant de remonter aux sources des biens des personnes inculpées», a justifié le même responsable. «Le parquet ne s’autosaisit que sur preuve tangible, autrement dit que si le mis en cause est inculpé dans une affaire», a-t-il soutenu. Or, devant l’absence de banques de données il est pratiquement impossible de prouver des crimes de corruption sauf en cas de flagrant délit.

En Algérie, classée par Transparency International à la 105e position sur 170 en 2010, «les collectivités territoriales, les bureaux de poste et les banques sont les plus touchés par la corruption», a précisé ce responsable. «En 2010, la justice a traité 948 affaires de corruption et 1354 personnes ont été jugées», a-t-il déclaré. Dans ce contexte, il a ajouté que les statistiques pénales «révèlent l’étendue et l’ampleur du phénomène de corruption en Algérie et aident à en définir les causes».