Les scandales de corruption continuent d’alimenter la discussion de la rue qui constate effarée que tant de milliards soient détourné avec autant de facilité, au mépris de la loi. Des universitaires interrogés par l’APS dimanche considèrent que la transparence dans les transactions commerciales, économiques et financières et l’indépendance de la justice et des organes de contrôle pourraient être des leviers efficaces pour enrayer le phénomène de la corruption.
Ces universitaires insistent aussi sur l’urgence qu’il y a à « moraliser la vie publique » par la sensibilisation de la société sur la nécessité de protéger les finances publiques, de valoriser le gain honnête et de s’éloigner de la corruption sous toutes ses formes. Ainsi, Mme Fatiha Ben Abbou, enseignante à la faculté de droit de Ben Aknoun a commencé par rappeler les nombreux mécanismes susceptibles de faire face au phénomène de la corruption en Algérie qui, selon elle “a pris des proportions alarmantes”.
Il s’agit de l’autonomie de la Justice, de façon à pouvoir agir en temps réel sur les cas de suspicion et de dilapidation de derniers publics. Elle propose aussi, dans le même but l’application de sanctions sévères contre toute personne dont l’implication dans des affaires de corruption est avérée quelle que soit sa fonction et son poids dans la société.
Pour cette universitaire, le parlement a un rôle à jouer à travers notamment la mise en place de commissions d’enquêtes, comme cela se fait dans les états démocratiques. Tout en demandant une protection pour ces parlementaires enquêteurs, Mme Ben Abbou suggère de donner un caractère contraignant à leur rapport.

L’expert économique Mahdjoub Bedda appréhende la problématique sous un autre angle. Pour lui, les moyens “modernes de paiement” au moyen de cartes de paiement en vigueur dans plusieurs pays dans le monde contribuent à réduire le paiement “en espèces” concourant ainsi à mettre fin au phénomène de la corruption. En donnant de larges prérogatives aux organes de contrôle que sont la cour des comptes, le parlement, la cellule de traitement du renseignement financier, les services de douanes, des impôts et de sécurité, a-t-il suggéré “il sera possible de maîtriser et d’enrayer le phénomène de la corruption”.
“La réforme des systèmes financiers et bancaires algériens et l’intensification du contrôle de la circulation de l’argent à l’intérieur et à l’extérieur du pays sont les autres leviers susceptible de freiner la propagation de la corruption et du blanchiment d’argent”, ajoute cet économiste.
L’avocat Khaled Borghol a, de son côté, insisté sur la révision des amendements introduits sur le code pénal de 2006 qui “n’ont pas atteint les buts escomptés en matière de lutte contre la corruption”, a-t-il dit, voulant pour preuve “la propagation de la corruption à plusieurs niveaux”. Pour l’avocat, la situation actuelle requiert “l’activation du rôle de la cour des comptes dont les missions sont paralysées depuis 15 ans en tant qu’instance constitutionnelle jouant un rôle important dans la lutte contre la corruption” ainsi que les inspections générales des ministères.
Quant au chercheur en sociologie politique Mohamed Taibi, il a affirmé que la présence de personnes honnêtes à la tête des institutions de l’Etat et l’application stricte de la loi incitera la société à s’éloigner de la corruption. “La question de la lutte implacable contre la corruption dans l’Etat moderne est désormais essentielle”, précisant que l”‘on ne peut taire ce fléau au regard des effets qu’il engendre à l’intérieur et à l’extérieur de la société et qui portent atteinte à l’image de l’Etat dans son ensemble”. Pour ce chercheur, l’accent doit être mis sur la nécessité d’inculquer au citoyen les valeurs du gain honnête, de la droiture et de placer l’intérêt général au dessus de toute considération.