Corruption : des scandales, un scandale

Corruption : des scandales, un scandale

Qu’est-ce qui a pris ces douaniers de “taxer” un diplomate (et) américain de trois mille euros ? Ils auraient réalisé la même entourloupe aux dépens d’un Algérien, même diplomate, “l’incident” n’aurait probablement pas eu de suite.

La victime aurait été invitée à déposer plainte, comme le prévoit la loi, et elle aurait attendu quelques mois ou quelques années pour se voir signifier que “les recherches ont été infructueuses”. Affaire classée. Une autre. Et si la victime crie trop fort, elle pourrait se retrouver au ban, accusée de diffamation.

Ces agents indélicats sont pourtant bien placés pour savoir que tout peut arriver à l’aéroport d’Alger. De véritables “révolutions” ont pris leur source là-bas. Souvenons-nous, par exemple, de la fin de l’obligation des autorisations paternelles pour les enfants voyageant avec l’un des parents ! À quelque chose malheur est bon, donc. Peut-être qu’avec ce honteux coup de pub qui, semble-t-il, a fait réagir les plus hautes autorités, l’inclination à détrousser les voyageurs, les importateurs et les exportateurs de beaucoup de douaniers va s’estomper.

Ce n’est pas la première fois que de scandaleux cas de déprédation et de forfaitures impliquant des fonctionnaires sont portés sur la place publique. La chronique judiciaire regorge de ces affaires, toutes institutions confondues.

On comprend le traitement paradoxal par nos autorités de ces travers qui altèrent le fonctionnement de nos institutions. Quand le directeur général des Douanes ne trouve que “cent dix cas de corruption en 2015” à déplorer parmi ses personnels, il croit faire d’une pierre deux coups : faire montre de transparence sur un sujet aussi sensible que la corruption de nos fonctionnaires, d’une part, et relativiser l’ampleur du fléau, d’autre part. Mais aux yeux de l’opinion ordinaire, les statistiques officielles ne font pas illusion.

Sans être l’apanage d’un corps ou d’une institution ou d’une catégorie socioprofessionnelle, la corruption, le larcin et le pillage constituent des “constantes” sociales, largement honorées, celles-là. Et ce ne sont ni les statistiques superficielles, ni le discours incantatoire sur la moralisation de la fonction publique et encore moins les procès scénarisés qui peuvent changer quelque chose.

Nous nous sommes méthodiquement enchâssés dans un système où l’argent n’a pas d’odeur morale. Il a été pendant longtemps d’utilité… politique.

Les Algériens ont appris à être heureux dedans, comme le dernier classement de l’ONU traitant du “bonheur” des peuples. Tout le monde se scandalise de la situation, mais la plupart s’en accommode.

Mais les envolées justicialistes, bigotes et patriotardes, qui fusent tout le temps et de toute part, servent justement à couvrir le son gênant du pillage généralisé. Il n’y a pas de scandales de prévarication, il y a un scandale : le système de prévarication.