Corruption à Sonatrach: Le scandale était déjà connu de tous en 2010

Corruption à Sonatrach: Le scandale était déjà connu de tous en 2010
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La société canadienne SNC Lavalin, mise en cause depuis quelques jours dans une affaire de corruption en Algérie, a perdu un contrat de 508 millions de dollars en 2010 pour l’aménagement de la nouvelle ville de Hassi Messaoud.

La raison de cette annulation n’a jamais été clairement expliquée, ni par l’entreprise ni par les autorités algériennes. Mais par un câble diplomatique du 21 février 2010, révélé par WikiLeaks, l’ambassadeur des États-Unis alors en poste à Alger, David Pearce, rapporte que la déconfiture de SNC-Lavalin «pourrait avoir été liée à l’enquête sur la corruption que menaient à l’époque les services de renseignements (DRS) au sein de Sonatrach».

Dans le câble diplomatique, l’ambassadeur Pearce décrit sa rencontre avec Akli Brihi, directeur du géant pétrolier BP en Algérie. Les deux hommes ont discuté du scandale qui ébranlait Sonatrach.

Brihi lui a confié que Sonatrach avait été «décapitée» par une enquête criminelle lancée par les services secrets algériens. Il a indiqué que l’objet de l’enquête était «le recours généralisé aux contrats de gré à gré sans appel d’offres».

LG Algérie

Selon Brihi, cette enquête ne concernait pas les grandes sociétés pétrolières, mais plutôt les entreprises de services. «La firme soumet une offre gonflée, puis elle rétribue les initiés de Sonatrach», a-t-il expliqué à l’ambassadeur, en citant en exemple un contrat de 1 milliard de dollars obtenu par la société italienne Saipem.

«L’entente conclue avec la société canadienne Lavalin pour construire une ville nouvelle près du centre de production de Sonatrach de Hassi Messaoud, a été entachée par un arrangement de même nature et a été gelée, a entendu dire Brihi», affirme l’ex-ambassadeur US à Alger dans ce câble.

SNC-Lavalin soutient ne pas avoir «perdu» le contrat; les autorités algériennes ont simplement annulé l’appel d’offres parce que de nouvelles règles dans l’attribution des contrats venaient d’être adoptées.

«Le gouvernement, pour ses propres raisons qui n’ont rien à voir avec SNC-Lavalin, a annulé le processus d’appel d’offres», dit la porte-parole de la firme, Leslie Quinton. «À notre connaissance, nous n’étions pas sous enquête dans le dossier de Sonatrach, et nous considérons que SNC-Lavalin jouit d’une bonne réputation en Algérie depuis son arrivée il y a plusieurs décennies» a-t-elle déclaré.

RIADH BENAÏSSA, UN NOM À RETENIR

En 2010, les hautes autorités savaient déjà qu’une corruption à grande échelle sévissait au sein de la compagnie Sonatrach. Mais il a fallu pourtant attendre l’année 2013, soit trois ans plus tard, et les révélations de la presse italienne et canadienne pour en savoir davantage sur les tenants et¨les aboutissants de cette affaire.

Quelques mois plus tôt, l’entreprise québécoise avait signé avec Sonatrach un contrat de 1,2 milliard de dollars pour la conception et la construction d’un gigantesque complexe gazier dans le désert du Sahara. C’est Riadh Benaïssa, ancien patron de SNC-Lavalin en Afrique du Nord, qui en avait fait l’annonce officielle.

Benaïssa, qui a quitté la firme en février, est détenu depuis deux semaines en Suisse, où les autorités le soupçonnent de corruption et de blanchiment d’argent.

Depuis, SNC-Lavalin a obtenu des contrats valant des milliards de dollars en Algérie, en partie grâce aux efforts de Benaïssa: centrales thermiques, projets hydrauliques et ferroviaires, usine de dessalement de l’eau de mer, barrage, infrastructures et bâtiments. Mais qui est vraiment ce Benaissa ? Est-il toujours détenu en Suisse ou a-t-il été libéré ? Seule la justice algérienne, qui s’est autosaisie de l’affaire pourra, le cas échéant, répondre à ces interrogations.