La Corée du Nord a annoncé dimanche avoir réussi à placer en orbite un satellite au moyen d’un tir de fusée, largement condamné comme un test de missile balistique servant à la mise au point d’un système d’armes capables de frapper le territoire américain.
Ce tir, qui viole plusieurs résolutions des Nations unies, sonne comme un nouveau défi pour la communauté internationale qui peine déjà à sanctionner Pyongyang après son quatrième essai nucléaire du 6 janvier.
Il n’y avait aucune confirmation dans l’immédiat que le dernier étage de la fusée, porteuse d’un satellite, était parvenu à atteindre son orbite. Mais un responsable américain de la défense a déclaré qu’un véhicule de lancement « semble avoir gagné l’espace ».
Auparavant, l’agence sud-coréenne Yonhap avait rapporté, sans que cela puisse être confirmé, que le deuxième étage de l’engin avait subi des défaillances.
Une présentatrice de la télévision officielle nord-coréenne a expliqué que ce tir, ordonné personnellement par le dirigeant Kim Jong-Un, avait permis « de placer avec succès notre satellite d’observation de la Terre Kwangmyong 4 (…) en orbite ».
La Corée du Nord ne fait qu’exercer son droit légitime à une utilisation « pacifique et indépendante » de l’espace, a-t-elle souligné. Ce tir marque aussi « une avancée dans le renforcement de notre capacité de défense ».
Les condamnations ne se sont pas faites attendre.
Washington a dénoncé une action « déstabilisatrice et provocatrice », Tokyo un tir « absolument intolérable ». A New York, le conseil de sécurité de l’ONU devait se réunir en urgence tandis que la présidente sud-coréenne Park Geun-Huye réclamait que celui-ci adopte des « mesures punitives fortes ».
La Corée du Nord soutient que son programme spatial a des visées purement scientifiques mais la plupart des autres pays considèrent qu’il s’agit d’une couverture pour des essais de missiles balistiques visant à développer des armements capables de frapper le territoire américain.
La fusée, qui transportait un satellite d’observation de la terre, a été tirée vers 09H00 (00H30 GMT), a expliqué le ministère sud-coréen de la Défense qui surveillait la base de lancement.
Son trajet pré-orbital devait la conduire au dessus de la mer Jaune, puis plus au Sud, au dessus de la mer des Philippines. La Corée du Sud comme le Japon avaient menacé de l’abattre.
L’ONU fait interdiction à Pyongyang de développer tout programme nucléaire ou balistique.
Les spécialistes estiment que les fusées nord-coréennes ont des applications à la fois civiles et militaires.
Moment choisi avec soin
Les Etats-Unis et leurs alliés japonais et sud-coréen avaient averti la Corée du Nord qu’elle payerait un prix très lourd pour tout lancement de fusée mais, d’après les analystes, elle a soigneusement choisi son moment pour minimiser les répercussions.
La planète n’est toujours pas parvenue à durcir les sanctions contre le régime le plus isolé au monde, un mois après son dernier essai nucléaire.
Ce tir de fusée ne devrait pas charger considérablement la barque des nouvelles punitions encourues par Pyongyang.
« La Corée du Nord a vraisemblablement fait le calcul qu’avec un lancement aussi rapproché de son essai nucléaire, les sanctions consécutives à cet essai ne seraient renforcées qu’à la marge », a commenté Alison Evans, analyste chez IHS Jane’s.
La Chine, le principal allié de la Corée du Nord, a exprimé ses regrets après le tir de fusée.
Pékin résiste aux pressions des Etats-Unis, qui sont à la pointe des efforts diplomatiques pour alourdir les sanctions.
L’entêtement nucléaire nord-coréen contrarie vraisemblablement la Chine. Mais l’idée qu’un effondrement du régime nord-coréen permette l’avènement, à sa frontière, d’une Corée réunifiée alignée sur les Etats-Unis lui est plus intolérable encore.
Le dernier tir de fusée par la Corée du Nord date de décembre 2012, lorsqu’elle avait placé un satellite sur orbite au moyen d’une fusée Unha-3.
Les agences de renseignement occidentales doutent que ce satellite ait jamais fonctionné correctement, ce qui ajoute aux arguments de ceux qui pensent que l’objectif scientifique de cette opération n’était qu’un habillage.
En dépit de la rhétorique belliqueuse de la Corée du Nord, les spécialistes estiment qu’elle est encore loin de pouvoir développer un programme crédible de missiles balistiques intercontinentaux (ICBM).
D’après eux, mettre une fusée en orbite est relativement plus simple que maîtriser la technologie nécessaire à la rentrée dans l’atmosphère, après la phase de vol balistique, d’un missile équipé d’une charge nucléaire.
« A la différence d’un satellite, une tête nucléaire montée sur un ICBM doit pouvoir redescendre en plus de monter », dit John Schilling, ingénieur en aérospatiale, qui suit de près le programme de missiles nord-coréens.
« La Corée du Nord n’a jamais démontré qu’elle était capable de construire un véhicule pouvant rentrer dans l’atmosphère et survivre ».
« Quand et s’ils en deviennent capables, ce qui est une menace hypothétique deviendra bien réelle », a-t-il ajouté.