La visite-surprise de l’ex-président américain Bill Clinton en Corée du Nord, souhaitée par les autorités de Pyongyang, a été l’aboutissement de quatre mois de tractations pour obtenir la libération des deux journalistes américaines emprisonnées dans ce pays.
De hauts responsables américains, sous couvert d’anonymat, ont décrit mardi soir l’intense ballet diplomatique qui a permis d’obtenir la libération de Laura Ling and Euna Lee, arrêtées en mars et condamnées en juin à 12 ans de travaux forcés pour avoir franchi la frontière nord-coréenne sans autorisation.
La Corée du Nord, en quête de légitimité et de plus en plus isolée sur la scène internationale après son essai nucléaire et ses tirs de missiles, avait spécifiquement demandé à Bill Clinton de faire le déplacement.
L’ex-vice-président Al Gore, l’un des fondateurs de la chaîne de télévision Current TV pour laquelle travaillaient les deux journalistes, a joué également un rôle de relais entre les familles des jeunes femmes et le gouvernement américain.
Bill Clinton a aussi attendu d’avoir l’assurance que son déplacement avait une chance de réussir avant d’accepter la mission, selon ces responsables.
Globe-trotter humanitaire
Pendant son court séjour à Pyongyang, Bill Clinton a eu un entretien d’une heure et quart avec le dirigeant nord-coréen Kim Jong-il, qu’il avait dû affronter pendant ses huit ans à la Maison-Blanche, mais n’avait jamais rencontré.
L’ancien président a dîné ensuite pendant deux heures avec lui, selon les responsables américains, qui ont refusé de préciser si Bill Clinton avait rapporté des informations sur l’un des régimes les plus secrets du monde.
L’administration américaine est particulièrement intéressée par l’état de santé du numéro un nord-coréen, qui aurait été victime d’une attaque l’an dernier et préparerait sa succession, avec, en tête des prétendants, son troisième fils Kim Jong-un.
C’est à la mi-juillet que les deux journalistes ont confié à leurs familles, lors d’une conversation téléphonique, que Pyongyang était prêt à les gracier si l’ex-président Bill Clinton se rendait sur place pour demander leur libération.
Le dernier week-end de juillet, de hauts responsables de l’administration Obama ont demandé à Bill Clinton s’il était prêt à le faire.
L’ancien président, aujourd’hui globe-trotter humanitaire , a donné son accord si toutefois sa mission avait une « chance raisonnable » de succès, a précisé l’un des responsables.
Tractations intenses
Pendant ce temps, l’administration Obama menait en coulisse d’intenses tractations, via l’ambassade de Suède à Pyongyang, Washington et la Corée du Nord n’entretenant pas de relations diplomatiques.
« Pendant ces discussions, il a été bien précisé que la visite de l’ancien président Clinton n’était en aucun cas liée au dossier nucléaire » nord-coréen, a précisé un haut responsable.
« Les Nord-Coréens nous ont directement confirmé qu’ils acceptaient que sa visite soit privée et centrée exclusivement sur l’objectif humanitaire de libérer les deux Américaines », a-t-il ajouté.
Bill Clinton a eu une dernière réunion d’information avec des responsables de l’administration samedi, à sa résidence de Washington.
L’ex-président, dont l’épouse Hillary est la chef de la diplomatie américaine, n’a pas parlé de sa mission avec le président Obama avant son départ pour Pyongyang, a précisé le porte-parole de la Maison-Blanche Robert Gibbs.
Certains, dont l’ancien ambassadeur américain à l’ONU John Bolton, ont estimé que l’administration Obama récompensait la Corée du Nord pour sa mauvaise conduite en envoyant Bill Clinton négocier la libération des deux journalistes.