Contrôle et certification des céréales importées par l’Algérie, Les non-dits d’un marché

Contrôle et certification des céréales importées par l’Algérie, Les non-dits d’un marché

Alors que l’Algérie est face à une nouvelle situation la contraignant à revoir à la hausse les prévisions d’importations céréalières pour l’année en cours, après une récolte en chute de près de 40% par rapport à l’année d’avant, la France, son principal fournisseur, est confrontée à un défi qui ne semble pas facile à surmonter : celui d’une campagne céréalière médiocre compromettant ses capacités à honorer ses engagements d’approvisionnement à l’international, notamment ses clients traditionnels comme l’Algérie.

Dans la foulée des solutions envisagées, Paris a cru trouver le procédé idéal lui permettant d’éviter les conséquences gênantes de sa désastreuse récolte céréalière de l’année en cours en optant pour l’importation du blé auprès de l’Angleterre et la Lituanie pour les mélanger au blé local et en faire, au bout de compte, un blé d’origine mixte mais d’une qualité améliorée et acceptable à l’exportation. Mais l’OAIC, principal importateur de blé français, a vite réagi à cette solution en refusant toute acquisition de blé mélangé ou d’origine mixte. Dans son argumentaire, l’OAIC renvoie ses fournisseurs aux clauses contenues dans les cahiers des charges préalablement établis et signés entre les deux parties. Toutefois, pour l’Algérie, il ne suffit pas seulement d’avertir les exportateurs sur sa position en la matière mais une question demeure posée : Les autorités en charge du dossier des approvisionnements en céréales ont-ils les capacités à identifier et rejeter les grains inappropriés (c’est-à-dire les fameuses céréales d’origine mixte) ? Rien n’est moins sûr et, au moins, deux éléments justifient cette hypothèse.

D’un côté, il est important de préciser que les céréales importées par l’Algérie, quel que soit le pays de leur provenance, sont contrôlées par un organisme français. En l’occurrence, Control Union Inspections France basé au Havre (France), le CUIF est une filiale française du groupe international Controlunion, leader dans le domaine de contrôle et de certification des produits agricoles à leur admission sur le marché international. Le marché de certification des céréales importées par l’Algérie est attribué par l’OAIC pour une durée de deux ans renouvelables après soumission publique. Ainsi, après avoir décroché le marché algérien en 2012, un nouvel appel d’offres international a été lancé par l’OAIC en avril 2014 et depuis juillet dernier, le marché a été réattribué de nouveau à l’organisme français.

Des interrogations ont été d’ailleurs soulevées en 2013 après une sortie médiatique peu conventionnelle du PDG du groupe français spécialisé dans l’exportation des céréales françaises, France Export Céréales. Il y a une année, ce dernier confiait à des médias parisiens que, malgré certaines insuffisances en matière de qualité des céréales françaises (un taux d’humidité élevé fut un problème qui a été soulevé à l’époque), la France demeurera le principal fournisseur de l’Algérie et aucun autre pays concurrent ne peut rivaliser avec l’Hexagone sur le marché algérien. Le parallèle a été vite fait alors entre les affirmations du premier responsable de France Export Céréales et le rôle que jouerait éventuellement le CUIF dans la certification des céréales qui prendraient pour destination les ports algériens. Cette fois-ci, cet organisme de contrôle n’ira-t-il pas jusqu’à certifier et déclarer conformes aux dispositions des cahiers des charges les céréales importées par l’Algérie ?

Le second élément qui écarterait toute éventualité de voir l’Algérie se détourner du marché français est relatif aux prix et les disponibilités sur le marché mondial. Avec des volumes d’importation qui dépasseront du loin les 5 millions de tonnes habituels, une simple déclaration d’intention de l’Algérie à changer de fournisseur provoquera une flambée record sur les marchés mondiaux des céréales et l’Algérie ne sera assurément pas prête ni à se mettre au centre d’un engrenage spéculatif international, ni à payer ses importations à des prix qui dépasseraient les frontières de la raison.

Mourad Allal (L’Éco n°96, du 16 au 30 septembre 2014)