Contribution: Chekib Khelil : l’ultime joker du pouvoir ?

Contribution: Chekib Khelil : l’ultime joker du pouvoir ?

Difficile de passer à côté. Au moment où tout le monde s’interroge sur qui dirige réellement le pays et comment faire face à cette crise faramineuse qui guette l’Algérie, un homme surgit au milieu de cette cohorte de flou politique.

Un homme qui est devenu en si peu de temps l’une des personnes les plus médiatisées d’Algérie et qui suscite toutes les interrogations quant à son retour au pays après plus de 3 ans d’exile et 40 ans de vie outre Atlantique.

Le retour « triomphal » de l’ex-ministre de l’Énergie et des Mines a pris de court plus d’un. Personne n’attendait ce virage à 180° dans l’agenda de la nomenclature d’Alger.

Mais que revient faire Chekib Khelil en Algérie après l’affaire Sonatrach ? Pourquoi un tel engouement autour de sa personne ? Pourquoi cette mise en avant « imposée » et qui semble précipitée ?

La question est inévitable : comment se fait-il que Chakib Khelil, la tête haute, rentre au pays alors que certains milieux politiques et médiatiques ont longtemps douté de son intégrité ? Il semble aujourd’hui « lavé » de tout soupçon concernant les actes qui lui ont été reprochés.

Depuis son retour d’exil, Chakib Khelil a fait sa première apparition publique dans une zaouïa, un lieu qui n’a pas été choisi au hasard.

L’homme connaît l’attachement des Algériens à la religion. Il doit effacer l’image du « collaborateur » trop américanisé qu’il avait laissée lors de son passage à la tête du ministère de l’Énergie.

Chakib Khelil multiplie les sorties médiatiques sur les sujets d’actualité. Après le marché du pétrole, l’ancien ministre s’est exprimé sur les relations algéro-françaises mais pas seulement. Chakib Khelil a également estimé que les positions constantes de l’Algérie sur le plan diplomatique « embêtent l’ami avant l’ennemi », faisant allusion au Sahara occidental.

Il se positionne politiquement à plusieurs niveaux, mais sous quelle étiquette ?

Il faut bien arriver à la conclusion que l’extraordinaire pillage de Sonatrach par le clan Bouteflika n’est pas une simple opération de délinquance économique. L’ex ministre a vraisemblablement payé le prix de sa loyauté au clan Bouteflika.

Depuis le retour de Chakib Khelil, différentes personnalités du pouvoir multiplient les sorties pour le réhabiliter et le réintégrer dans la sphère politico-médiatique. Deux éléments de langage reviennent dans le discours : l’ancien ministre de l’Énergie est innocent et compétent.

Il y a peu, le président du RND Ahmed Ouyahia a clamé l’innocence de Chakib Khelil au sujet des accusations de corruption qui pèsent sur lui. A son crédit, il souligne également que l’ancien ministre de l’énergie a des compétences « reconnues mondialement ».

Chakib Khelil poursuit son périple à travers les zaouïas du pays. Après Djelfa et Mascrara, l’ancien ministre de l’Énergie était, ce jeudi 21 avril, à Tissemssilt pour visiter les deux plus grandes zaouias de la wilaya.

« M. Chakib Khelil a reçu des invitations de plusieurs zaouïas au niveau de toutes les wilayas (…) Je peux confirmer qu’il ira dans les 48 wilayas », affirme le président de l’Organisation nationale des zaouïas (ONZA), AbdelKader Yacine.

Un air de campagne électorale semble souffler sur l’Algérie de Khelil, au moment où plus rien ne va politiquement, Khelil surgit de nulle part tel un « sauveur » qui semble être déterminé à faire parler de lui rapidement.

Les fluctuations économiques semblent jouer en sa faveur : le pétrole vient de gagner quelques dollars, il apparaît ainsi comme « le sauveur » face à la crise Algérienne. Rien de mieux pour tenter de regagner l’affection du peuple auquel on martèle sans cesse de se serrer la ceinture.

« Je suis prêt à servir mon pays si on me le demande »

Cette phrase n’est pas sans rappeler l’histoire : elle fut utilisée par Bouteflika en 1999, qui à l’époque, est apparu comme l’homme de la situation pour tous les algériens. 17 ans plus tard, il règne toujours et son bilan reste critiquable par plus d’un.

Lorsque l’on lui pose la question sur son arrivée au pays et son rôle, il rétorque : « Je suis très heureux d’être en Algérie. C’est mon pays. L’accueil est très chaleureux. Je pense au futur avec optimisme et je suis prêt à aider dans n’importe quel secteur notamment celui dans lequel j’ai travaillé (hydrocarbures) », affirme l’ancien ministre de l’Énergie et des Mines.

Chakib Khelil en quête d’une nouvelle virginité ?

L’objectif du clan présidentiel paraît clair. Il faut racheter une virginité à Chakib Khelil, noirci par les enquêtes de corruption menées dans le passé au sein de la Sonatrach.

Aujourd’hui officiellement, le clan présidentiel affirme que ces enquêtes menées dans le cadre de la gestion de Sonatrach ont été fabriquées de toute pièce. Cela dit, la réalité est là. Quand la justice italienne fut saisie des dossiers, elle a fait état de commissions occultes de 200 millions d’euros destinées aux proches de l’ancien ministre du pétrole.

Le tout semble s’opérer avec l’appui des Américains dont l’influence à Alger reste déterminante.

C’est dire l’influence de l’ancien ministre auprès de la présidence au péril même des réseaux d’affaires français, qui eux font partie des cercles hostiles à une réintégration politique de Chakib Khelil. Pour cause, l’ancien ministre de l’énergie a toujours voulu que son ami Bouteflika se rapproche des Etats-Unis au détriment de la France. C’est lui-même qui a convaincu le groupe pétrolier « Halliburton » de miser sur l’Algérie.

Il en va de même pour l’augmentation des exportations du pétrole et gaz algérien vers le marché américain.

Mais le « plus que ministre » pourrait-il être le successeur de Boutefkika ? Khelil apparaît comme le joker parfait du clan présidentiel. Mais en si l’on se réfère à la nouvelle Constitution, cela semble impossible. Khelil est marié à une étrangère. En 2019 il ne pourra pas, de surcroît, justifier d’un certificat de résidence pérennante des 10 dernières années qui ont prédécédé les élections présidentielles. Il vient de passer trois ans aux États-Unis.

Pour conclure, ce retour soudain et précipité de l’homme qui a leurré l’Algérie tout entière avec l’affaire Sonatrach semble être la dernière « option » ou plan d’action d’un pouvoir en perdition. Une campagne électorale précipitée qui prend au dépourvu tous les algériens est-elle en marche ? Tout semble être préparé et organisé, mais une fois de plus le plus grand absent de cette mascarade politique reste le peuple qui joue son rôle de perpétuelle spectateur lorsque cela concerne son pays.

Hamid Hamza