Dans cette contribution, le professeur Abderrahmane Mebtoul souligne que la rencontre experts gouvernement sous l’égide du CNES a eu un impact très mitigé, n’ayant apporté aucune nouveauté ni dans le diagnostic ni dans le propositions.
1.-Comment ne pas rappeler que devant le premier ministre , les membres du gouvernement , des conseillers de la présidence de la république le 04 novembre 2014, revenant d’une conférence internationale avec des informations précises sur les mutations énergétiques mondiales , en octobre 2014 , j’avais proposé un comité de crise afin d’éviter les impacts négatifs de la crise de 1986, qu’aucun algérien aimant notre pays ne souhaite. J’avais émis plusieurs scénarios, un baril à 70 dollars, un baril à 60 dollars, un baril à 50 dollars et un baril à 40 dollars et son impact sur le fonds de régulation des recettes et le niveau des réserves de change. J’avais alors mis en garde le gouvernement depuis plusieurs années, que sans rationalisation des choix budgétaires, au rythme de l’actuelle dépense publique avec des surcoûts exorbitants , cause essentielle de l’implosion des importations et pas seulement imputer cela aux salariés/fonctionnaires, continuer à dépenser sans compter, sans une réorientation de la politique économique basée sur l’entreprise publique et privée, sans distinction, la liberté d’entreprendre, et son fondement l’économie de la connaissance , l’Algérie irait droit au mur avec le risque de l’épuisement du fonds de régulation des recettes horizon 2017 et des réserves de change horizon 2018/2019 avec un retour au FMI. J’avais préconisé au gouvernement déjà en 2013, la mise en place d’une une chambre de compensation interprofessionnelle et intra régionale, pour un espace équilibré et solidaire, passant par la régionalisation économique -à ne pas confondre avec le régionalisme, afin d’étudier le niveau alarmant des subventions qui doivent être ciblées. Suite à la direction de l’étude que j’ai réalisée pour l’Institut Français des Relations Internationales (8ème Think Tank mondial) en décembre 2013 sur la sphère informelle au Maghreb ,j’avais préconisé des solutions opérationnelles pour l’intégrer au sein de la sphère réelle, sans contraintes bureaucratiques, un large emprunt national sous forme de bons anonymes avec un taux d’intérêt positif fonction du taux d’inflation et pour tenir compte de notre anthropologie culturelle dynamiser la finance islamique. Je peux dire que 70% des ministres et plus de 80% des experts, qui ont pourtant assisté à la réunion du CNES du 20 septembre 2015, ont commencé à rire, alors que maintenant ils tiennent un discours de sinistrose, prédisant un retour du cours du Brent à plus de 90 dollars, ayant induit en erreur les autorités du pays. Seuls deux experts que je me permets de citer ont eu le courage publiquement de soutenir ma proposition, le professeur Chems Eddine CHITOUR et le docteur Abdelhak LAMIRI. .
2.- La première proposition , toujours de certains experts , prédisent un retour à la hausse du cours des hydrocarbures fin 2016, ceux là même qui disaient fin 2015, cautionnant ainsi l’investissement de 100 milliards de dollars que propose l’actuel ministre de l’Energie entre 2015/2020 , soit un montant d’environ 20 milliards de dollars par an, non compris les investissements de SONELGAZ. Un montant si élevé ne doit pas relever de la décision du Ministre de l’Energie , encore moins de Sonatrach, mais du Conseil National de l’Energie que préside le président de la république , conseil seul habilité à tracer le devenir énergétique du pays car relevant de la sécurité nationale. Or, les recettes de Sonatrach , 98% des exportations avec les dérivés et important 70% des besoins des ménages et des entreprises publiques et privées dont le taux d’intégration ne dépasse pas 15%, 83% de la superficie économique globale étant constituée de petits commerce/services, au cours de 60 dollars ( le prix de cession du gaz étant indexé sur celui du pétrole) selon la LFC2015 seraient de 34 milliards de dollars. L’on devra déduire les charges, soit un profit net de 27 milliards de dollars. A un cours de 50 dollars le profit net de Sonatrach serait de 21 milliards de dollars et à un cours de 40 dollars, 15 milliards de dollars. Or le programme d’investissement repose sur un cours élevé entre 2016/2020 pour assurer la rentabilité des projets , ces prévisions étant en contradiction avec la majorité des rapports internationaux ( banque mondiale, FMI , AIE ) qui prédisent pour différentes raisons ( crise mondiale, nouveau modèle de consommation énergétique) un cours bas du pétrole et encore plus bas du gaz pendant de longues années. L’on devrait éviter à l’avenir de raisonner sur un modèle de consommation énergétique linéaire, ce qui conduit à des erreurs de stratégie pouvant chiffrer les pertes pour l’Algérie en dizaines de milliards de dollars. L’on devrait s’orienter 2020/2030 vers un Mix énergétique dont les énergies renouvelables, l’hydrogène énergie d’avenir ainsi que sur l’efficacité énergétique dans le BTPH-industrie- transport avec des économies de plus de 30%. Si l’on s’en tient au pétrole/gaz traditionnel, les extrapolations du Ministère de l’Energie prévoyant une très forte consommation intérieure qui risque de dépasser les exportations actuelles pour le gaz, du fait des subventions ( 60 milliards de mètres cubes gazeux horizon 2030), l’épuisement en termes de rentabilité du pétrole et du gaz à cette période , au moment où la population sera de 50 millions, dans ce cas, il appartient à Sonatrach de réduire ses coûts, d’externaliser certains segments moins rentables que l’amont , ( canalisation, certains segments de l’aval avec une minorité de blocage de 30% au profit de l’Etat ou du privé national lors d’un partenariat avec l’étranger ) , de mieux cibler les segments à valeur ajoutée afin de rentabiliser les investissements. Concernant le pétrole/gaz traditionnel, en dehors des grands gisements où la règle 49/51% peut s’appliquer il y a lieu de revoir la loi des hydrocarbures élaborée au moment où le cours dépassait 100 dollars, (dont la taxe progressive de 30%) car le prix sera inférieur pendant longtemps à 60/70 dollars. En plus de la concurrence internationale avec le retour de l’Iran, l’entrée du Mozambique et des découvertes abondantes à travers tous les continents, l’on devra ,de moins en moins compter seulement sur l’action de l’OPEP comme régulateur ( plus de 67% hors OPEP) , moins de 33% de la commercialisation mondiale avec un rôle prépondérant de l’Arabie Saoudite qui représente avec les pays du Golfe plus de 60% de la part OPEP avec de surcroît des importants fonds souverains et une faible population.
3.- Deuxièmement, il s’agira d’éviter la vision idéologique par la généralisation de la règle de 49/51% où l’Algérie supporte tous les surcoûts en l’insérant dans une LOI. Pourquoi ne pas dresser un bilan de son impact ? Lorsque les USA ont interdit à certains pays du golfe d’investir dans certains ports américains, ils n’ont pas élaboré de lois (mentalité bureaucratique des années 1970) mais ont agi en toute souveraineté. L’Algérie étant un Etat souverain, un simple conseil des ministre suffit afin d’éviter avec les étrangers, des débats stériles. Pour preuve, elle n’a pas permis de diminuer la valeur des importations, bien au contraire depuis 2009, elles ont doublé . L’on doit distinguer avec précision et selon une vision dynamique non statique, ce qui est stratégique aujourd’hui peut ne pas l’être demain, où cette règle pourrait s’appliquer transitoirement. Dans cas, l’on pourrait imaginer la minorité de blocage de 30% de certains segments non stratégiques à forte valeur ajoutée, étant une utopie de la généraliser au commerce, devant miser sur le transfert managérial et technologique. Ce qui m’amène à attirer l’attention du gouvernement sur une direction aussi dangereuse, le mythe du début du XXème siècle croyant que l’ère de la mécanique, segments d’ailleurs hautement capitalistiques, forts consommateurs de devises, d’énergie, création de peu d’emplois résoudrait tous les problèmes. Il ne s’agit pas d’être contre mais de voir s’il n’existe pas d’autres opportunités où l’Algérie aurait des avantages comparatifs, optimisant les ressources financières. Il ne s’agit de changer d’organisations, cette instabilité juridique depuis l’indépendance politique, d’organiser les filières administrativement pour dynamiser le secteur productif mais de favoriser les libertés. C’est le taux de profit directeur, variant de branches à branches du marché international qui influe sur le choix de sous segments au sein de ces filières internationalisées qui doivent elle-même répondre aux impératifs des mutations managériales et technologique en perpétuelle évolution, d’où l’importance des relations dialectiques recherche/entreprises. Et du fait que quelques firmes contrôlent le marché international, un partenariat gagnant/gagnant, l’encouragement aux IDE par la levée des contraintes d’environnement –bureaucratie, les décisions se prenant en temps réel, -système financier, foncier, adaptation du système socio-éducatif en qualité est fondamental. Sans vision stratégique, après l’installation de Renault, où le Ministre de l’industrie parle d’une unité de Peugeot, de Fiat, et récemment chinoise (voiture essence, diesel, hybride, électrique etc.), avec cette règle des 49/51%, sans un cahier de charges précis, où l’Algérie supporte tous les surcoûts, ne favorise t –on pas la baisse des réserves de change? Qu’en sera-t-il pour l’Algérie entre le marché intérieur et les exportations, le partenaire étranger devant être associé au risque financier et dans ce cas, selon nos informations la majorité ne viendront pas avec cette règle. En ce XXIème siècle, a t- on analysé l’ évolution du marché et du pouvoir d’achat des Algériens dépendant de la rente des hydrocarbures à plus de 70% qui risquent de se détériorer en cas de chute persistante de la rente des hydrocarbures, menaçant même le fondement des caisses de retraite ? Qu’en est-il du tissu de la sous-traitance presque inexistant, Renault actuellement souffrant de cette faiblesse, où l’actuel ministre de la formation professionnelle fait un bilan totalement négatif de son secteur alors qu’il était déjà auparavant ministre? Les petits espaces n’attirent pas les grands investisseurs, l’Algérie et plus généralement le Maghreb ne peuvent-ils pas être le pont entre l’Europe et l’Afrique (voir ouvrage collectif sous la direction du Pr Mebtoul et du Dr Camille Sari assisté de 36 experts internationaux, – le Maghreb face aux enjeux géostratégiques- deux volumes -1050 pages- édition harmattan Paris). Cela ne concerne pas seulement cette filière avec ce mythe lorsque « le bâtiment va tout va » : voyez la crise en Espagne et ailleurs. En cas de détérioration du pouvoir d’achat ne risque t-on pas une bulle immobilière où ceux qui ont eu un prêt soit au taux normal ou bonifié ne pourront pas rembourser tant le principal que les intérêts composés, assistant déjà au niveau des petites PME/PMI de BTPH , faute de commandes via la dépense publique à des licenciements et beaucoup de bâtiments non occupés réalisés par certains promoteurs immobiliers faute de paiement? Pour en revenir à la filière automobile, l’analyse au niveau mondial fait ressortir, depuis la crise de 2008, une très profonde restructuration, une structure oligopolistique ( peu d’offreurs et une multitude d’acheteurs) et que la rentabilité , pour les gammes moyennes, se fait qu’entre 150.000/200.000 unités par an.
4.-En résumé, si cette réunion experts gouvernement avait pour objectif d’avaliser certaines décisions d’austérité par les experts, je puis affirmer, que cette méthode relève d’une autre époque et que cela n’était pas nécessaire, surtout de la part d’une structure gelée depuis cinq années. La population algérienne a besoin avant tout de voir clair en son avenir, (quel projet de société face à la mondialisation), afin qu’elle puisse y adhérer pleinement, supposant un retour en la confiance sans laquelle aucun développement ne peut se réaliser, devant éviter les discours contradictoires de certains responsables qui se contredisent quotidiennement. La population algérienne consciente, veut un langage de la vérité et de la seule vérité, loin des discours démagogiques source de démobilisation : ni sinistrose, ( car tout ce qui a été réalisé depuis l’indépendance n’est pas totalement négatif avec des erreurs) mais ni autosatisfaction source de névrose collective. Cela passe par une visibilité et cohérence dans la politique socio-économique , la refonte tant de la composante la même depuis plus de 20 ans) que des prérogatives du conseil économiques, institution importante , lieu , sans exclusive, de dialogue et de propositions stratégiques sur l’avenir du pays ainsi qu’ une profonde réforme institutionnelle autour de grands ministères et d’éco-pôles régionaux . La mondialisation n’est pas un mythe mais une réalité où toute Nation qui n’avance pas recule forcément et que sans assise économiques solide, l’Algérie sera isolée de plus en plus au niveau des relations internationales. Nous sommes à l’ère de profondes mutations géostratégiques tant dans le domaine économique que militaire, nécessitant un large front social interne, une moralité sans faille de ceux qui dirigent la Cité, si l’on veut réhabiliter la vertu de l’intelligence et du travail. C’est la condition de la mobilisation de tous les Algériennes et Algériens, sans exclusive tenant compte de leurs différentes sensibilités. C’est que les ajustements seront douloureux à la fois économiques, sociaux et culturels entre 2015/2020/2025. Pour cela des stratégies d’adaptation sont nécessaires. En fait ce dont souffre fondamentalement l’Algérie et son principal handicap est le manque de vision stratégique devant s’adapter impérativement aux nouvelles mutations par de nouvelles institutions et organisations qui devraient façonner de nouveaux comportements loin de la mentalité rentière actuelle à tous niveaux : gouvernants et gouvernés.