Contrebande florissante aux frontières Est du pays

Contrebande florissante aux frontières Est du pays
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Les divers réseaux composés des trabendistes ont de beaux jours devant eux. C’est le moins que l’on puisse dire au regard de la capacité de ces groupes, aux mécanismes très huilés, de s ’adapter à toutes les situations et du jour au lendemain changer de créneau. Des bribes d’informations récoltées ça et là donnent l’impression que c’est une véritable mafia qui prend en otage toute l’économie du pays.

Dimanche dernier prés de Ain Touila située à 30 km de Khenchela vers la Tunisie en passant par Tébessa, un véhicule conduit par un trabendiste qui transportait des pates alimentaires, force un barrage dressé sur cette même route par des douaniers.

Une course poursuite est alors engagée, le fuyard roulant à vive allure pour échapper à ses poursuivants, rate un virage et décède sur le coup. Apprenant sa mort, des proches et des amis de ce dernier pour la plupart des contrebandiers, ont attaqué, au cocktail Molotov et autres armes, le siège de la direction des Douanes à Tebessa. Les dégâts sont considérables : voitures incendiées, bureaux et archives de l’établissement saccagés.

Quatre présumés auteurs de l’attaque ont été arrêtes et placés mercredi dernier sous mandat de dépôt par le juge d’instruction du tribunal de Tébessa. Ils sont poursuivis pour plusieurs chefs d’inculpation, entre autres « atteinte à l’ordre public, constitution d’association de malfaiteurs, acte de vandalisme et destruction de biens publics ».

Cette affaire rappelle celle qui s’est passée il y a plus de deux mois lorsque deux trabendistes, venant de Tunisie, de nuit, forçant un barrage de gendarmerie, sont poursuivis. Les deux fuyards font un accident, blessés, ils seront admis pour l’un à l’hôpital Mohamed Boudiaf d’Oum El Bouaghi et l’autre à l’hôpital Benflis Touhami de Batna. les jours suivants, des groupes de jeunes envahissent l’hôpital Boudiaf pour exfiltrer, en vain, le trabendiste afin de lui éviter d’être présenté à la justice alors que le second admis à l’hôpital de Batna est décédé des suites de ses blessures. Les gendarmes se rendront compte plus tard qu’il utilisait une fausse carte d’identité avec laquelle il a été admis à l’hôpital.

Barrages forcés

Lorsque de nuit, un barrage est forcé aussitôt les fonctionnaires en faction envisagent qu’ils ont affaire à un trafic. Celui-ci peut être celui des armes, des véhicules haut de gamme volés en France et transitant par la Tunisie, de la drogue, de la fausse monnaie dans le sens vers notre pays et lorsque les trabendistes se dirigent dans l’autre sens c’est à dire vers la frontière Tunisienne ou Libyenne c’est généralement du trafic en tous genres, plus lourd, plus important qui fait appel à des éclaireurs munis de téléphones portables qui  » ouvrent  » la route devant des camions chargés d’ovins, des câbles électriques fondus, mazout, céréales…et qui rapportent gros. Quant à la drogue Marocaine, elle fait le chemin dans les deux sens.

La surveillance de cette immense région désertique reste problématique et les barrages sont peu nombreux pour ne pas dire inexistants tant la superficie est difficile à couvrir . On le vérifiera nous mêmes sur la route reliant Zeribet Hamed(Biskra ) à El Meita au sud de Khenchela avant d’aborder la jonction pour aller à El Oued ou Tébessa donc la libye ou la Tunisie.

D’ailleurs, Les journées du vendredi et du samedi sont prisées par les contrebandiers qui ont pratiquement voie libre à cause de l’absence de barrages de la gendarmerie. Nous avons poursuivi notre pérégrination sur tout l’extrême sud de Khenchela, sur cette route qui relie trois wilayas, où nous avons constaté la présence d’un seul barrage fixe de la garde communale à El Olga là où il y a une garnison de ce corps. Les trabendistes font un véritable diagnostic des territoires et agissent ensuite en conséquences.

A El Olga, connue pour son périmètre de mise en valeur, l’Etat vient de construire un marché de gros pour les cultures maraichères souvent écoulées au marché quotidien de M’ziraâ (Biskra) distant de 28 km. Un centre dépôt avec un pont bascule est opérationnel depuis la moisson battage de cette année en plus d’un autre à El Meita. Dans ces régions désertiques de Khenchela, la zone s’étend sur 150.000 hectares en grande partie irrigués par 3.000 forages. La contrebande fait fureur.

Contrebande de céréales

En effet les semences de blé dur et d’orge importés en devises par l’Etat Algérien sont cédés aux exploitants en dinars et à des prix soutenus. Ces céréales profitent aux Tunisiens et aux Libyens qui les achètent en monnaie locale. Ces deux Etats ferment les yeux puisqu’ ils font l’économie de devises. Les contrebandiers bien implantés, souvent des ‘’super exploitants’’, ceux-là même qui ont tous les crédits bancaires qu’ils veulent, roulent carrosse, manipulent les petits exploitants souvent analphabètes en agissant de la façon suivante :

L’exploitant est contacté, sitôt que l’affaire est conclue, alors que la moisson se déroule, les camions attendent sur les parcelles mêmes, dès que la moissonneuse termine son travail, on récupère le produit et on prend la direction des frontières par les pistes connues par cœur. Parfois c’est à la faveur de l’obscurité que les camions se mettent en branle. Il faut dire aussi que l’appât du gain facile est aussi le leitmotiv de ces exploitants car lorsqu’ils livrent le produit aux contrebandiers ils reçoivent l’argent cash avec à la clé une absence de bureaucratie et l’inexistence de problèmes pour le transport des marchandises.

Cependant, la contrebande sur les céréales va diminuer après la décision du gouvernement Algérien d’augmenter les prix de l’orge et du blé dur.

Cheptel exporté

Qu’à cela ne tienne, les contrebandiers vont vite se reconvertir tout en restant dans le créneau agricole sauf que cette fois-ci ils vont opter pour le cheptel ovin. Le mouton d’Algérie est prisé à l’étranger surtout la race d’Ouled Djellal. Le sol des steppes regorge de plantes palatables (goût agréable) dont l’armoise blanche (Artémisia Herba Alba) qui donnent à la viande ovine une très bonne saveur.

Certains trabendistes vont faire commerce du cheptel en l’achetant chez les exploitants tandis que d’autres vont le voler quitte à agresser ou carrément tuer pour le récupérer. Un eleveur, Maârouf Khemissi, victime de ces contrebandiers a raconté à AlgériePlus sa mésaventure. L’exploitation de ce dernier se trouve au Sud-Ouest de Ogla sur le périmètre de Rouidjel, un peu en retrait de la route principale. Cet éleveur nous dira qu’il y a une vingtaine de jours, un groupe l’a agressé au niveau de son exploitation. Son troupeau de trente têtes à été pris de force sous la menace des armes.  » Ils ont aussi kidnappé mon fils et m’ont coupé une oreille comme avertissement afin de ne rien déclarer aux services de sécurité  » ajoute le malheureux.

Ces malfrats se font passer parfois pour des terroristes et raquettent les exploitants en leur extorquant de l’argent et/ou volent leur cheptel de moutons et ces gens se retrouvent dans des situations embarrassantes parce qu’ils ont peur de les dénoncer. Le fils de Maârouf Khemissi, qui aide son père dans les travaux agricoles en conduisant le tracteur familial n’aura son salut que grâce à la solidarité des gens du voisinage. En effet, nous dira Messai Nacer, (à droite sur la photo avec votre serviteur), le voisin de la victime, lui qui a mis en valeur 150 hectares en creusant quatre forages à l’effet de réaliser une palmeraie,  » On s’est mis à la poursuite des agresseurs, ils ont pris le cheptel de Khemissi mais on a pu libérer son fils « .

10 véhicules par heure chargés de mazout

Autre créneau juteux le mazout. Les camionnettes Hilux pullulent sur la route reliant Zeribet Hamed (Biskra) à la frontière Tunisienne et Libyenne via El Meita (sud de Khenchela ) et Bir El Ater ( sud de Tebessa) et à travers toutes les pistes qui mènent vers ces deux pays. Tous les véhicules qui passent, avec une moyenne de 10 véhicules par heure, transportent des fûts de 200 litres de mazout dans une incessante navette. Les conducteurs, des jeunes pour la plupart agissent en toute impunité pratiquement en terrain conquis.

Rencontré sur place prés de Ogla, le nouveau commandant du secteur militaire de Khenchela accompagné de son chauffeur devait nous dire que la décision a été prise de mettre fin à ce trafic en impliquant plusieurs responsables de l’exécutif et en arrêtant des mesures qu’il dit concrètes. Autrement dit, les autorités militaires ne vont plus laisser faire.

Le manque d’energie électrique a eu pour conséquences une utilisation frénétique du mazout d’où sa présence et son utilité indispensables pour toutes les activités économiques et par conséquent a engendré une convoitise des réseaux de contrebande.

Déjà, le directeur des mines et de l’énergie et le directeur des services agricoles ont mis en place un programme rigoureux. Les exploitants qui n’ont pas d’électricité et utilisent le mazout pour les travaux agricoles doivent avoir une autorisation du subdivisionnaire de l’agriculture territorialement compétent et dans le cas présent, c’est celui de la subdivision agricole de Babar qui délivrera le sésame afin d’être servi par les stations.

Plus que cela, les autorités locales, comme l’annoncera Kicha Rachid, le secrétaire général de la wilaya de Khenchela sur les ondes de la chaîne III, émission à laquelle nous avions été invité pour débattre de l’état du développement local, ont pris des décisions pour suppléer au manque de l’énergie électrique.  » Nous avons réussi à obtenir le financement pour réaliser une centrale électrique de 550 Mwats à Labrag au sud. Une entreprise italienne a obtenu le marché et les travaux vont être lancés en plus d’une autre enveloppe de 53 milliards de centimes pour aménager une zone d’activité et de dépôt à El Meita « dira le SG de la wilaya.

D’ores et déjà trois dossiers déposés par des investisseurs pour constituer des stations de carburants et lubrifiants au sud de la wilaya ont été acceptés par le Calpiref présidé par le secrétaire général de de la wilaya qui a donné une nouvelle dynamique à l’investissement privé des dits projets qui ont été orientés vers cette ZAD.

Trafic d’armes

Autre souci et non des moindres, le trafic d’armes qui se limitait auparavant aux fusils de chasse mais qui a pris une nouvelle tournure depuis la crise Libyenne. Des armes légères, particulièrement des pistolets automatiques (PA) se vendent sous le manteau depuis quelques mois dans cette zone proche des frontières Libyennes.

Une affaire a mis la puce à l’oreille sur l’embryon naissant du marché des armes. L’agression il y deux mois du directeur régional du trésor public, Belgour Hamoudi par un groupe armé, qui sera sauvagement frappé puis kidnappé, argent et bijoux volés. Finalement, les trois auteurs seront arrêtés et écroués par le juge d’instruction du tribunal de khenchela dans l’attente du procès. Lors de la perquisition ordonnée par le parquet, les services concernés ont trouvé un pistolet automatique de 9 mm ramené de Libye. L’enquête s’orientera vers un autre suspect chez qui on découvrira aussi un PA  » libyen  » acquis pour 8 millions de centimes.

Un fait indéniable, des armes ont été introduites en Algérie, les services de sécurité, interrogés par nos soins, en sont bien conscients mais pour des raisons de confidentialité n’ont pas voulu s’épancher.