Les hallaba font la loi à l’Est
3000 camionnettes franchissent quotidiennement la frontière algéro-tunisienne dont 60% sont chargées de carburant.
La sécurité des frontières ne signifie pas uniquement la lutte antiterroriste. Elle inclut également le combat contre toute forme de crime organisé dont la lutte des contrebandiers, un phénomène grandissant qui menace l’économie du pays. Des sources bien informées confient à ce sujet que ce sont des quantités énormes de carburant qui sont cédées à des intermédiaires tunisiens et acheminées vers la Tunisie. Ceux-la même reçoivent jusqu’à 150.000 DA algériens par mois en échange de leur service illicite.
L’acheminement se pratique au quotidien selon nos sources et les «hallaba», nom par lequel on distingue les trafiquants du carburant, en tirent le plus grand bénéfice. Ainsi, les hallaba ne sévissent pas uniquement à l’ouest du pays, mais même aux frontières est du pays. On rapporte que «le carburant subventionné, en Algérie, coûte presque quatre fois moins cher qu’en Tunisie», soulignant qu’«un litre d’essence coûte 23 DA, alors que l’automobiliste tunisien paie cette essence algérienne et même libyenne», proposée dans des bidons alignés au bord des routes, 1,2 DA tunisien le litre».
Une économie parallèle, qui inhale l’essentiel de l’économie en Algérie. Nos sources expliquent que le carburant dont l’acheminement est assuré par des personnes des régions de l’est du pays avant d’être cédé aux intermédiaires, est transporté à bord de véhicules tout- terrain ou sur des dos d’ânes durant la nuit.
Le carburant n’est pas le seul produit dont usent les contrebandiers pour s’enrichir, le lait, le sucre, l’huile, la semoule ou encore la farine, des matières premières également subventionnées en Algérie, sont aussi des marchandises qui rapportent aux trafiquants. D’ailleurs certains expliquent qu’à l’origine de la crise du lait en Algérie, ce sont les activités de la contrebande! Cependant, «les enquêtes de la Banque mondiale sur le terrain prouvent que le carburant demeure le produit phare de la contrebande. En effet, 3 000 camionnettes franchissent quotidiennement la frontière algéro-tunisienne, dont 60% sont chargées de carburant».
Les mêmes enquêtes indiquent que «47% des contrebandiers transfrontaliers entre l’Algérie et ses deux voisins opèrent sur le front frontalier avec la Libye et ils ne sont que des ouvriers journaliers».
La mission des forces de sécurité, les GGF notamment, demeure complexe et exige une stratégie à part entière devant permettre d’atténuer le déficit causé à l’économie du pays.
«Le carburant nerf de la guerre», c’est par cette expression que l’ex-ministre de l’Intérieur et des Collectivités locales, Daho Ould Kablia, avait défini ce trafic. L’ex-ministre s’était publiquement alarmé des chiffres, «25% de la production nationale de carburant est gaspillée et exportée illégalement», affirmant que «la contrebande est devenue un problème sécuritaire et économique». Durant l’été 2013, le gouvernement algérien avait pris de nouvelles mesures pour enrayer le trafic. Mais cela n’a pas pour autant freiné les ardeurs des trafiquants. Dans ce même contexte, le Premier ministre, Abdelmalek Sellal qui s’est déplacé d’ailleurs en Tunisie il y a deux jours, déclarait en juillet dernier: «Nous avons fermé les yeux durant de longues années. Nous étions cléments avec nos voisins, mais plus maintenant, car la contrebande est devenue insupportable pour l’économie nationale, d’autant que les pertes financières sont colossales.»
La ville de Tébessa est qualifiée comme étant la capitale de la contrebande du carburant. Située à moins d’une heure des frontières, ses locataires ne vivent que du trafic. C’est aussi dans ses maquis denses que se terrent encore des groupuscules du Gspc, branche d’Al Qaîda au Maghreb, dont certains éléments sont devenus des complices de la contrebande, vu la conjoncture actuelle. Dans cette ville nul n’ignore que la contrebande contrôle le terrain, malgré les efforts de l’Etat, on rapporte que les trafiquants ne sont pas inquiétés et «les pick-up circulent sans plaque d’immatriculation, ni feux arrière». Reste à dire que les mesures entreprises par le gouvernement sont laconiques et tout justes provisoires. Pour des experts, la stratégie doit être aussi bien sécuritaire qu’économique avec un engagement plus sévère du gouvernement.