La fréquence des abus contre les journalistes monte crescendo et la liberté de la presse est menacée comme elle ne l’a jamais été.
Après les manifestations du 16 septembre, grève générale hier. Les médias tunisiens, presse écrite et audiovisuel, établissements publics et privés, se sont unis pour protester contre la multiplication des atteintes à la liberté d’expression perpétrées par le pouvoir conduit par les islamistes d’Ennahda, la franchise maghrébine des Frères musulmans d’égypte. Les journalistes et éditeurs tunisiens ont protesté massivement contre la détention de leur confrère Zied El-Heni, à Tunis, le 13 septembre 2013, relâché par la suite grâce à la mobilisation de ses confrères, tout de même contraints de payer une lourde caution.
La liste des journalistes et médias victimes de harcèlements judiciaires dans le pays qui a sonné le glas des dictatures dans une partie du monde arabe n’a pas cessé de s’allonger, et pour la seule journée du 13 septembre ils étaient trois à comparaître dans le box des accusés.
La presse, qui se pensait libérée après la chute de Ben Ali, découvre que pour ce qui la concerne, pas de changements avec la troïka, la coalition au pouvoir conduite par le parti islamiste Ennahda. La liberté d’expression est l’ennemi du parti de Ghanouchi qui, menant le radeau, s’est acharné contre les médias pour imposer sa ligne éditoriale.
Et pas que lui, puisque Zouhair El-Jiss, journaliste à la radio Express FM, a été poursuivi par le président de la République pour “fausses informations pouvant troubler l’ordre public et outrage au président”. Finalement, Moncef Marzouki s’est rappelé qu’il avait été un laïc indécrottable et un républicain de première heure, et a retiré sa plainte et le journaliste fut relaxé. El-Jiss avait interviewé en mars Salem Zahran, un journaliste libanais, qui avait déclaré que le président Moncef Marzouki percevait un salaire de 50 000 dollars versé par la chaîne Al Jazeera ! Tahar Ben Hassine, directeur de la chaîne Al-Hiwar Ettounsi, accusé de “complot contre la sûreté intérieure de l’état”, doit passer devant le tribunal les 19 et 20 septembre, pour “incitation à la désobéissance”. Ben Hassine, ancien opposant de gauche, a fait de sa chaîne, qu’il a fondée en 2003, une tribune contre le gouvernement dirigé par le parti islamiste Ennahda et a rejoint le parti d’opposition Nidaa Tounès, dirigé par l’ancien Premier ministre Béji Caïd Essebsi qui se présente comme une alternative crédible à l’attelage qui dirige la Tunisie post-dictature. Pour citer un autre cas de cabale judiciaire : Zied El-Heni, rédacteur en chef du journal Essahafa et dirigeant syndicaliste, accusé de “diffamation”, emprisonné puis relâché contre une caution. Son affaire sera jugée à Sousse le 24 septembre, loin des médias de la capitale.
Il a traité sur Nessma TV un procureur de la République de “menteur”. Il risque deux ans de prison. Ledit procureur instruit le procès de Mourad Mehrezi, un cadreur de la chaîne en ligne Astrolabe TV, arrêté en août dernier pour avoir filmé un producteur en train de jeter un œuf sur le ministre de la Culture, Mehdi Mabrouk, un proche de Ghanouchi.
La liste des journalistes convoqués par les tribunaux est longue en Tunisie où leur arrestation, interrogatoires, procès et incarcérations par les autorités politiques sont accompagnés par des agressions quotidiennes, des menaces de mort et de l’intimidation des groupes islamistes radicaux et… des licenciements abusifs par leurs employeurs.
D B