Routes coupées, biens publics saccagés, des arrestations et des blessés, tel a été le lourd bilan de ces manifestations qui ont opposé des citoyens aux forces de l’ordre.
Comme il fallait s’y attendre l’opération de relogement de plus de 3 000 familles, débutée hier à Alger, a provoqué des émeutes dans plusieurs quartiers. Routes coupées, biens publics saccagés, des arrestations et des blessés, tel a été le lourd bilan de ces manifestations qui ont opposé des citoyens aux forces de l’ordre. Dans la commune de Oued Koreich, les affrontements entre la police et les habitants du site bidonville de Boufrisi, qui ont commencé la veille de cette importante opération de relogement se sont poursuivis hier pour la deuxième journée consécutive. Au moment où nous mettons sous presse, la route reliant Bab El Oued à Chevalley a été coupée à la circulation à l’aide de pierres et de pneus brûlés.
A 11h30, le groupe de protestataires a été dispersé, et un calme précaire règne dans ce quartier. Les affrontements peuvent reprendre d’un moment à l’autre. Les éléments de la protection civile s’empressent de nettoyer les lieux. Les habitants de ce bidonville, qui compte environ 200 familles, ne sont pas concernés par l’opération de relogement en cours. Ils se disent lésés par les services de la wilaya d’Alger, qui auraient, selon eux,
«détourné ce programme au profit des habitants de la Carrière, relevant de la commune de Bab El Oued». «Nous devrions être les premiers à être relogés. Ils nous ont promis un logement depuis les inondations de 2001. À ce jour, on n’a rien vu, alors que les habitants de la Carrière qui sont les mieux logés ont bénéficié d’un toit. C’est injuste!», estime un habitant, 45 ans, qui affirme avoir passé la moitié de sa vie dans cette favella.
La dernière promesse de relogement remonte, selon les habitants à 2007, lorsque le wali délégué de la circonscription administrative de Bab El Oued, avait assuré aux occupants des bidonvilles un logement décent. «Nous habitons un oued. Nos enfants ne peuvent pas rejoindre l’école lorsqu’il pleut. Dans ce ghetto, il y a des baraques qui ont été occupés par des familles de 10 à 15 personnes. On ne peut plus supporter cette
misère», s’indigne un autre citoyen. Aujourd’hui, les protestataires ne croient plus aux promesses des pouvoirs publics. Ils promettent de continuer à manifester jusqu’à l’obtention d’un logement. A Diar El Kef, la tension est montée d’un cran, à la veille de l’opération de relogement de 383 familles à Birtouta. Les habitants contestent le choix du site devant les accueillir, et ce, malgré les assurances du wali d’Alger.
«Il (le wali) dit que nous serons relogés dans des F4 dotés de tous les équipements, ce n’est pas vrai. Nous étions sur le site, ce sont des F3 qui se situent à Ouled Mendil, distante de 3 km de Birtouta», empeste un habitant. Dimanche, les jeunes résidents du quartier Carrière ont essayé de bloquer la route menant à Chevalley dans la matinée pour protester contre leur relogement à Birkhadem. A Djenane Hassan, un autre site bidonville relevant de la commune de Oued Koreich, une dizaine de familles ont été exclues du recasement effectué hier. «C’est une injustice. Des familles venues en 2006 et 2007 ont été relogées.
On ne comprend pas quelles sont les critères de relogement demandés par la wilaya», lâche une dame, les larmes aux yeux, et qui affirme qu’elle habite dans ce site depuis plus de 30 ans. Les services de la wilaya n’ont pas procédé à la démolition de sa baraque, mais cette femme, et tant d’autres exclus, sont depuis hier sans électricité ni eau. Un responsable de la daïra de Bab El Oued, a promis aux familles «exclues» d’être recasées dans les prochains programmes de relogement.
Diar Echems, le relogement n’a pas eu lieu
Le relogement de 399 familles de Diar Echems (El-Madania) n’a pas eu lieu hier. Et pour cause, les habitants de ce quartier se sont opposés à leur recasement sur un site à Birtouta. Les multiples tentatives des services de la wilaya et forces de l’ordre de pénétrer, tôt le matin ce quartier ont été vouées à l’échec. De violentes émeutes ont éclaté entre les habitants et les forces anti-émeutes.
Les affrontements se sont poursuivis jusqu’à une heure tardive de la journée d’hier. Les manifestants ont bloqué la route reliant Bir Mourad Raïs au Ruisseau pour contester leur relogement à Birtouta. Les forces de l’ordre tentent de disperser les émeutiers en utilisant des bombes lacrymogènes et des balles en caoutchouc. Les protestataires ripostaient par des pierres et des cocktails molotov. Plusieurs blessés ont été enregistrés dans les deux camps. Le siège de l’EEPAD (opérateur d’Internet privé), situé à quelques mètres du siège du ministère de la Communication et de l’agence publique, APS, a été complètement saccagé. Les habitants demandent à être relogés à Draria au lieu de Birtouta. Avant-hier, des délégués des habitants de cette cité ont été reçus par le chef de cabinet du wali d’Alger. Le responsable leur a expliqué que la décision «est irrévocable» et qu’ils seront relogés à Birtouta. Une attitude qui ne fait qu’envenimer les choses, puisque les habitants sont déterminés à continuer à manifester pour exprimer leur désaccord contre cette opération de relogement qui ne répond pas, selon eux, à leurs besoins. Demain, 1 092 familles dont 172 des bidonvilles de Diar El Afia, 129 de la cité de Oued Kniss, 347 de Diar El Baraka, 383 de Diar El Kef, 20 familles du bidonville Abdelkader Abdoun à Bab El Oued et 32 autres habitant devant le Lycée international de Kouba seront relogées dans plusieurs sites de la capitale. La troisième opération de relogement qui aura lieu jeudi concernera 918 familles. Il s’agit de 216 familles de la cité Diar El Bahia, 227 de Diar El Mahçoul, 225 de la cité des Palmiers de Bachdjarah, 200 de Climat de France et 50 autres du bidonville d’El Biar. 17 quartiers au total au niveau de la capitale sont concernés par l’opération de relogement. Un exercice difficile pour les pouvoirs publics qui devront faire face à la colère des citoyens. Les émeutes d’hier présagent de ce que sera le reste de l’opération.
Par Hocine Larabi