Contentieux sur l’autoroute Est-Ouest,Après le japonais Cojaal, l’italien BCS Anas

Contentieux sur l’autoroute Est-Ouest,Après le japonais Cojaal, l’italien BCS Anas

Le projet de l’autoroute Est-Ouest, qui accuse déjà un retard de six mois, risque de traîner encore dans les délais d’achèvement. Il coûtera sûrement plus cher que prévu, en raison de la somme de litiges qui opposent l’Agence nationale des autoroutes (ANA) au groupement sino-japonais (COJAAL) sur le tronçon Est, où les travaux sont presque à l’arrêt.

L’Etat subit encore la guerre des «tunnels», qui devra l’obliger à payer davantage pour mener à terme le projet du siècle.

Le département de Ammar Ghoul devra donc sortir le grand jeu pour faire redémarrer la machine censée réaliser ce qui reste de l’autoroute Est-Ouest. Car, les contentieux ne concernent plus le maître d’ouvrage (COJAAL) mais aussi le bureau d’études italien BCS ANAS, qui réclame la régularisation de sa situation. Devant les lenteurs du vis-à-vis algérien, COJAAL a décidé de ralentir la cadence des travaux alors que le bureau d’études a renvoyé les experts étrangers chargés du suivi des opérations.

La goutte chinoise

Il faut rappeler tout d’abord que l’Agence nationale des autoroutes (ANA) a signé l’ordre de service de commencement des travaux, le 18 septembre 2006, et COJAAL devait livrer la totalité de l’autoroute fin janvier 2011. Mais des retards enregistrés ici et là ont empêché la livraison de l’ouvrage dans les délais prévus dans le contrat. L’avenant signé le 10 septembre 2011 entre l’ANA et COJAAL devait en principe couvrir l’ensemble des travaux supplémentaires prévus notamment à l’est du pays. Pour un montant de 29,475 milliards de dinars (dont la moitié en devise), les travaux supplémentaires concernaient 19 échangeurs (pour 21,779 milliards) et 24 ouvrages de rétablissement dédoublements et extensions (avec une enveloppe de 3,412 milliards). Outre ces budgets, l’ANA avait accordé un délai supplémentaire de 18 mois pour porter la durée totale de l’exécution des travaux de réalisation à 58 mois.

Autrement dit, le projet de l’autoroute devait être achevé en mai dernier. Mais, selon les experts, même si les litiges sont réglés dans l’immédiat, le projet ne sera pas remis avant un an encore. Alors pour exercer sa pression sur l’agence gouvernementale algérienne, le groupement COJAAL a décidé de réduire le rythme des travaux. Ces retards concernent surtout les tunnels prévus entre Constantine et Skikda. Comme pour le cas du tunnel de Lakhdaria, COJAAL exerce un chantage sur l’ANA sur les tunnels de l’est du pays. Pas d’achèvement des travaux avant le règlement des litiges qui vont sûrement se multiplier avec les retards cumulés ces derniers temps. On évoque à ce sujet de nombreux litiges dont celui du tunnel baptisé T4, sur l’axe Constantine-Skika. Le contentieux concerne surtout le système FIT, qui nécessite l’injection de fibres de verre pour la consolidation et le renforcement des sols pour contrer les glissements. Selon certaines sources, l’ANA aurait accepté verbalement, au départ, l’offre de COJAAL sur une base forfaitaire de 7 000 DA le mètre carré. Une grande partie des travaux a été réalisée alors qu’elle ne figurait pas sur le contrat. Mais au moment de la régularisation de cette situation, le BCS italien a proposé un prix inférieur à l’offre du maître d’ouvrage. Et on imagine la suite des palabres…

Le BCS victime ou complice ?

Lors du lancement des travaux, les missions de contrôle et de suivi du lot Est de l’autoroute ont été confiées au bureau d’études italien ANAS. Il devait superviser les travaux de réalisation sur 399 km, de Bordj-Bou-Arréridj jusqu’à Kebbouda (wilaya de Taref), aux frontières tunisiennes. Mais, comme la planification des travaux a été à maintes fois mise à mal, nous nous retrouvons avec l’avenant numéro 4 entre le maître d’œuvre et le BCS ANAS. Le dernier contrat, qui devait prolonger les délais contractuels de 18 mois, se trouve en instance au niveau de la CNM depuis novembre 2011. Devant les lenteurs administratives, le BCS a procédé à la compression du personnel à hauteur de 60%. Sur le tronçon de la wilaya de Taref, tous les travailleurs ont été mis au chômage. Ceux qui ont été épargnés sur le reste des chantiers, ont du mal à percevoir leur salaire. Certains cadres ont dû recourir à la justice pour obtenir leurs droits. Pire encore, les experts italiens qui constituaient le noyau dur du BCS ont tous été remerciés. Il s’agit des experts en topographie, en ouvrages d’art, en audit de laboratoire et en qualité. Du coup, les travaux ultérieurs sont voués à la paralysie. Quel coût pour l’autoroute ? Dans la situation actuelle, il est très difficile d’évaluer le coût définitif de l’autoroute Est-Ouest. Outre la facture de COJAAL qui a déjà dépassé les seuils contractuels, il y a lieu d’évoquer les équipements avec une enveloppe dépassant 100 millions de dollars. Il s’agit, notamment, des stations de péage qui seront supportées par l’AGA, l’Agence de gestion des autoroutes. Naftal, pour sa part, devra se débrouiller pour la réalisation de 42 stations-service. Les directions des travaux publics des wilayas traversées par l’autoroute devront également supporter les frais de réalisation de 76 aires de repos. Il ne faut pas non plus oublier les budgets qu’il s’agit de consacrer aux 22 postes de garde de la Gendarmerie nationale et aux locaux qui seront affectés à la Protection civile. Pour l’heure, on n’évoque même pas l’électrification-éclairage, un projet budgétivore hors normes.

Mokhtar Benzaki