Consultations pour la révision de la constitution et débat à l’APN : Dame justice « convoitée » de toutes parts

Consultations pour la révision de la constitution et débat à l’APN : Dame justice « convoitée » de toutes parts

«Il est inconcevable de laisser au magistrat le choix de l’expert si on veut aller vers une justice équitable. Il faut absolument en finir avec ce travers», évoque un citoyen.

«Indépendance de la justice.» Plus qu’un slogan, c’est une sentence qui revient avec insistance lors des consultations pour la révision de la Constitution et des débats à l’APN sur le Plan d’action du gouvernement. C’est parce qu’elle est le véritable levier capable de mettre fin à toutes les formes de corruption, de barrer la route aux mécontentements sociaux et d’édifier un Etat de droit, que Dame justice est convoitée de toutes parts. Il y a quelques jours, le ministre de la Justice a eu un véritable coup de gueule lors de sa visite effectuée à l’Ecole supérieure de la magistrature. La raison?

Dans une école aussi prestigieuse, de futurs magistrats notés 7,85/20 et 8,81/20 ont été admis et sur concours! Le ministre n’en revenait pas: «C’est quoi ça? Du laxisme? Du je-m’en-foutisme? De la trahison? Du sabotage? Une volonté de nuire à l’image du pays et de la magistrature.» De nombreux magistrats s’exprimant sous l’anonymat ont soutenu que c’est le moment ou jamais de démasquer les faussaires et de lever le voile sur des comportements qui n’ont que trop nui à la relation entre l’Etat et le citoyen. C’est le credo développé par le président Bouteflika dès les premiers mois de son investiture à la tête de l’Etat en 1999. C’est à cette époque d’ailleurs, qu’il avait ouvert le dossier de la justice et confié sa réforme au défunt Pr Mohand Isaâd.

Le président Bouteflika a misé sur l’assainissement du secteur de la justice. Ceci fait revêtir un caractère politique dans l’idée de la construction d’un Etat de droit fondé sur l’égalité des citoyens et la lutte contre l’injustice. Or, depuis, la machine judiciaire a dangereusement marqué le pas au point d’être décriée par la majorité de la société: la justice algérienne va mal et la situation décriée par le ministre Louh n’est pas la seule.

Les justiciables soulèvent d’autre dysfonctionnements encore plus graves. A la base, il y a un manque de qualification effrayant, il y a une très mauvaise spécialisation. «Un juge ne peut traiter équitablement une affaire que s’il maîtrise parfaitement le dossier et le thème. Or, on se retrouve avec des juges qui passent sans transition des affaires pénales, criminelles, économiques et parfois même des dossiers internationaux», regrette un investisseur algérien qui a fait les frais de cette non-spécialisation des magistrats.

Mais le gros morceau, pour les justiciables, que le ministre doit impérativement régler, tient à la désignation des experts par le magistrat. «Il est inconcevable de laisser au magistrat le choix de l’expert si on veut aller vers une justice équitable. Il faut absolument en finir avec ce travers», évoque un citoyen qui qualifie ce fait de très grave pour une justice qui se veut indépendante. «On est arrivé à la constitution de véritables lobbys qui font ce qu’ils veulent du justiciable» dénonce-t-il encore «Demandez les noms des experts sollicités et vous serez étonnés de trouver qu’on sollicite à chaque fois les mêmes alors qu’il y a une multitude d’experts.

Pourquoi ce sont toujours les mêmes? Nous sommes en droit de douter de la justesse du choix, voire même de soupçonner des dessous de table», s’emporte le même citoyen. L’expertise judiciaire est une mesure d’investigation technique ou scientifique qu’un juge confie à un professionnel reconnu pour son expérience, sa compétence et son autorité dans le domaine requis par la question de fait qui se pose à la juridiction saisie. La salve du ministre peut-elle à elle seule apaiser les tensions, redonner confiance au justiciable si elle n’est pas suivie de mesures concrètes? On ne peut pas soustraire les propos de M.Louh du contexte politique et social qui prévaut dans le pays. La situation est fragile et seule une justice équitable peut en consolider la stabilité. Quand la justice va, tout va.