Des observateurs politiques pensent que pour plus d’efficacité, il aurait été souhaitable de créer des ateliers pour chaque projet.
Les consultations sur les réformes politiques suscitent des controverses. Pendant quatre jours, des invités ont défilé devant l‘instance chapeautée par M.Bensalah. Un flou total est maintenu autour de la liste des personnalités conviées à cet événement. Une source proche du dossier confirme à L’Expression que «l’instance préfère patienter et gérer la question au jour le jour pour éviter les surprises». «Des personnalités et des partis peuvent changer d’avis à la dernière minute, ce qui discréditera le processus», soutient notre interlocuteur.
Tout compte fait, un pré-bilan peut se faire déjà sur ces quatre premiers jours de consultations. Les invités se montrent très peu prolixes en refusant de répondre aux questions des journalistes. Les organisateurs ont opté pour les points de presse, préférant ainsi rétrécir l’espace des débats. Ou peut-être, le décaler au fur et à mesure que les discussions avancent. L’ambiguïté s’est imposée comme maîtresse des lieux où se déroulent les débats. Premier constat à faire: le recours aux associations pour remplir un vide laissé par l’opposition qui reste dans l’expectative, calculs politiques obligent…
Dimanche, au deuxième jour des consultations, ont été reçus le responsable des Scouts musulmans algériens, Noureddine Benbraham, et le secrétaire général de l’Organisation des enfants de Chouhada, M.M’barek Khalfa. Ce n’est pas tout. D’autres associations seront certainement invitées à y prendre part. Certes, le chef de l’Etat, Abdelaziz Bouteflika, avait donné instruction à ce que la société civile soit impliquée dans ces consultations.
Ce qui est en soi un bon signe d’ouverture et de dialogue. Les réserves émises par les observateurs, à ce sujet, concernent le fait d’impliquer des associations, apolitiques, dans la prise de décisions politiques importantes qui détermineront l’avenir politique de toute une nation.
Des observateurs politiques pensent que pour plus d’efficacité, il aurait été souhaitable de créer des ateliers pour chaque projet. Lancer un vaste chantier ouvert à toutes les propositions risque de noyer les priorités et notamment les propositions des uns et des autres. Les scouts, l’organisation des moudjahidine, de chouhada ou tout autre organisation satellite, ne sont pas habilités à se prononcer sur les lois qui vont régir les partis politiques, la loi sur l’information et surtout pas la Constitution. Si on avait recours à des ateliers, les espaces de consultation seraient mieux déterminés. Ces associations auront, ainsi, la possibilité d’oeuvrer dans leur domaine, faire des propositions et donner leur point de vue sur la nouvelle loi sur les associations.
La Constitution est l’affaire des constitutionnalistes et des juristes, elle ne peut être prisonnière des associations satellites. Idem pour la loi sur les partis, la loi sur l’information ainsi que le Code électoral. A présent, la polémique est bien lancée même à l’intérieur des partis déjà consultés. Les islamistes, le MSP et El Islah, notamment, se sont lancés dans la bataille des priorités.
Pour ces deux partis, les réformes doivent commencer par la révision de la Constitution avant d’entamer d’autres projets. Or, la loi fondamentale ne sera révisée qu’après la prochaine législature. Sid Ahmed Ghozali, ancien chef de gouvernement, a ajouté une couche à cette polémique. Pour lui, le problème réside en le respect des lois…Les avis divergent. L’autre point qui a suscité des critiques est lié à l’agenda ainsi qu’au temps accordé aux invités. Comme souligné plus haut, des lois déterminantes pour l’avenir de la Nation sont discutées en quelques minutes.
Les consultations avec «ces acteurs» n’ont pas dépassé pour certains entre 30 minutes et une heure pour chaque «acteur». Concernant l’agenda, aucun calendrier définitif n’a été rendu public. Les noms des partis et associations ne sont communiqués que la veille de la rencontre.
A présent, certains partis ignorent s’ils seront consultés ou pas. Cela, à cause du flou qui accompagne l’agenda des consultations. Même si Abdelkader Bensalah, chargé par le président Bouteflika, avait «rassuré» qu’aucun acteur ne sera exclu.
Cette garantie porte, en elle-même, une bombe qu’il faut très vite désamorcer. Les portes du dialogue seront ouvertes à tous les hommes politiques, excepté les tenants de la violence. Madani Mezrag, ex-émir de l’AIS, a manifesté son souhait, dans une déclaration à la presse, de faire partie «des hommes politiques» à consulter.
Ce dernier qui avait bénéficié de la grâce, sera-t-il inclus ou pas dans la liste des tenants de la violence? Pour bon nombre d’observateurs, il est indispensable, pour donner plus de crédibilité à ces réformes, de tirer au clair cette question. Certes, il est trop tôt pour établir un jugement sur le travail de l’instance de Bensalah, toutefois, les premiers jours du dialogue soulèvent des interrogations légitimes qui méritent d’être clarifiées.
Tahar FATTANI