Après le retard mis dans la révision constitutionnelle, et malgré les vagues assurances du gouvernement, les signaux se multiplient pour indiquer de nouveaux ajournements du projet. Jusqu’à son abandon final ?
Dernier fait en date, Mourad Medelci affirmait à Doha, en marge du sommet de la Ligue arabe, que l’Algérie « n’a pas été affectée par les événements ici et là », ou ce qui a été convenu d’appeler « le printemps arabe » mais œuvre à l’évaluation de ses réformes conformément au développement en cours dans le pays.
D’autant, a-t-il précisé, que le pays a déjà connu son printemps démocratique, un certain Octobre 1988. Si le chef de la diplomatie algérienne n’a pas évoqué les réformes politiques en Algérie et encore moins, la révision de la Constitution, c’est que pour lui, ce n’est pas une urgence, et il faut aussi comprendre par-là que, de toute manière, cela restera une affaire interne qui ne doit pas être traitée sans aucune pression ni obéir à quelque urgence que ce soit. En vérité, M. Medelci ne contredit pas vraiment Abdelmalek Sellal, lorsque ce dernier annonçait au Parlement, que « l’amendement de la Constitution aura lieu prochainement ».
Et M. Medelci, non plus, ne confirme pas. Ce qui n’est pas un exercice difficile, puisque M. Sellal lui-même, n’a rien dit qui puisse édifier l’opinion publique. Le Premier ministre a précisé que pour l’heure, « rien n’a été décidé quant à la présentation du projet lors de cette session ou celle de l’automne ». Il ajoutera que « ce sera annoncé en temps opportun » et que, « ce qui est sûr, le projet est actuellement à l’étude ».

Il faut reconnaître, qu’en réalité, les déclarations officielles ne sauraient suffire. Les observateurs se tournent alors, vers des personnalités supposées être proches du chef de l’Etat, ou alors habituées à en défendre le programme politique.
M. Ksentini, président de la CNPPDH, a dit au début de ce mois qu’il était pour « une Constitution non révisable de longue durée ». Une longue durée qu’il fixera à pas moins de 50 ans ! Et tout en appelant à une révision qui se ferait « de préférence » avant la présidentielle de 2014, «Me Ksentini prône pourtant le statu quo en militant pour le système semi-présidentiel, le plus adéquat pour l’Algérie, car il permet une coexistence dans la cohésion entre le Président et le Parlement ».
Quant à définir les rapports entre le président de la république et l’Armée, Me Ksentini, dans le langage codé des juristes, a plaidé pour « un nouvel article qui prévoit que le président soit le garant de la Constitution » et pour un autre article qui stipule que « l’armée soit le gardien de celle-ci ». Farouk Ksentini exprimait-il une opinion personnelle plus qu’autre chose, ou nous indique-t-on quelque chose de plus que cela ? Ce que l’on peut tenir pour sûr, c’est que tout ce qu’avait dit Me Ksentini lors du débat sur la précédente révision de la Constitution, n’a finalement pas été traduit par les amendements de 2008, et il semble aujourd’hui, qu’il n’y a pas de raison de croire que le président de la CNPPDH parle vraiment au nom du président de la république.
Si l’on devait prendre une autre figure, ce serait alors Louisa Hanoune, qui a toujours pris fait et cause pour les options politiques de Abdelaziz Bouteflika, jouant à fond dans la ligne du soutien critique. Aujourd’hui, Mme Hanoune demande que l’on « sursoit à la révision de la Constitution », parce que, selon elle, il serait « dangereux de la confier à l’APN », « dans la mesure où cette institution est « un foyer de lobbyistes qui risquent de la dévitaliser et de la dépouiller de ses principes fondamentaux ». On ne sait là encore, si la secrétaire générale du Parti des travailleurs parlait au nom de son parti ou justement pour desserrer l’étau et la pression médiatique que l’attente de cette révision constitutionnelle a fini par créer sur celui qui l’avait promise, il y a deux ans déjà.
Si aujourd’hui, Mme Hanoune estime que « le projet de révision de la Constitution ne constitue pas une priorité », elle semble en parfait accord avec le chef de l’Etat, qui ne donne absolument pas l’impression d’être pressé d’y aller. En même temps, elle n’est plus en phase avec son discours électoral de la campagne des législatives. En avril 2012, elle disait que sa campagne sera axée sur la future Constitution qui sera votée par le prochain Parlement.
Sauf à dire que Mme Hanoune verse dans une surenchère visant à rattraper le terrain électoral perdu, il faut se dire que quelque chose a changé dans sa vision, par rapport à la révision de la Constitution. D’autant que le Premier ministre a dit que le projet allait passer par un référendum populaire. Sous cet angle, l’argument de Hanoune sur la non représentativité de l’actuelle APN, n’a pas vraiment l’air de tenir la route.
Reste enfin, Abdelaziz Belkhadem, l’ancien représentant personnel du président de la république et aussi ancien SG du FLN. Mais dans une récente interview au journal électronique TSA, celui qui a toujours soutenu les projets du président, semble aujourd’hui, réduit à envoyer, à ce dernier, quelques messages. Avec des mots à peine voilés, Belkhadem semble dire que la révision de la Constitution ne peut pas avoir lieu, car le FLN n’est pas en mesure d’en porter le message parmi la population.
Somme toute, on se retrouve aujourd’hui, avec des officiels qui tentent de réduire le mystère par de vagues confirmations, mais sans vraiment y réussir et, en face, avec des personnalités qui voulant jouer les repères, ne font que brouiller davantage les pistes.
Tant et si bien que l’on se demande si vraiment cette révision de la Constitution aura lieu, surtout que plus rien, mais alors plus rien ne semble obliger le chef de l’Etat à le faire, si ce n’est son engagement pris lors du discours fait en 2011. En tous cas, il n’y a aucun élément nouveau dans le dossier, ni une date fixée, ni un groupe de réflexion mis en place, et encore moins, ces consultations politiques auxquelles nous sommes d’ordinaire habitués. A tout cela, il faut ajouter le fait que plus l’on avance dans le temps, moins les conditions seront réunies pour ce faire, surtout s’il n’y a pas de certitude quant à la décision de A. Bouteflika de se représenter pour un quatrième mandat ou non.
En attendant, la classe politique fait mine d’intéresser la société à un débat où subsistent plusieurs inconnues. Les islamistes de l’alliance verte viennent remettre l’ouvrage sur le métier. Le SG d’En-Nahda, Fateh Rebiai, parle de « la nécessité d’élaborer une constitution qui servira toutes les franges de la société », tout en mettant en garde contre « tout recours aux amendements partiels qui ne serviraient que les intérêts étroits à l’ère du printemps arabe ».
D’autres partis animent ce même débat, qui a du mal à gagner les masses. Le président du Front de l’Algérie Nouvelle, Djamel Benabdeslam, s’est prononcé, lui, en faveur de la consécration du régime présidentiel. Il a appelé, dans ce contexte, à la mise en place d’une commission composée de représentants de partis politiques, de personnalités nationales et d’experts en droit constitutionnel pour la rédaction de la future Constitution. Un autre pari, AHD 54, s’est dit pour un référendum populaire, alors que son président Fawzi Rebaïne dit attendre « des informations sur les modalités de la révision de la Constitution ». De son côté, l’ANR se dit favorable à un régime semi-présidentiel.
Et de se pro-noncer aussi pour « le renforcement du rôle du Conseil de la Nation par l’attribution de prérogatives lui permettant de légiférer notamment en ce qui a trait aux questions locales et à la gestion des collectivités locales ». El Karama invite, pour sa part, l’ensemble des partenaires politiques à participer à une conférence nationale sur le sujet. « Le parti veut réaliser un minimum de consensus aux fins de sauvegarder les acquis de notre jeune expérience démocratique « , souligne son président par intérim Aymane Harkati.
Par Nabil Benali