Il semble bien que Bouteflika est allé à contrecœur vers une révision partielle de la Constitution, lui qui voulait impliquer une bonne partie de l’opposition et surtout aboutir à un texte fondamental plus « rassembleur et conforme à un esprit d’entente ».
Alors que toutes les informations font état du dépôt de la copie de l’avant-projet auprès des trois institutions ( APN, Conseil de la nation et Cour constitutionnelle), les milieux politiques s’attendent donc à une convocation des deux Chambres parlementaires en une seule séance pour l’approbation du projet, qui devra être entériné d’abord par le Conseil des ministres. Des dates sont avancées pour la circonstance. Certains y évoquent la date symbolique du 16 avril, alors que d’autres penchent pour la fin.
Devant la « non communication » de la part du pouvoir sur l’avancée de cette révision, bien qu’elle concerne pratiquement toute la nation, voilà que d’autres anticipent déjà sur la volonté de Bouteflika de vouloir faire une copie « éloignée des préoccupations réelles du peuple », comme Abdellah Djaballah, l’inamovible chef islamiste qui n’hésite point à critiquer durement la démarche du chef de l’Etat, estimant que la révision telle qu’elle est présentée n’est rien d’autre qu’un lifting, qu’une simple opération « anodine ».
En réalité, beaucoup d’autres parmi l’opposition, notamment ceux de la coordination nationale des libertés et pour la transition démocratique (CNLTD) et le pôle du changement d’Ali Benflis, sont convaincus que le projet de révision de Bouteflika n’est qu’un leurre, une « malice politique », une ruse afin de « contourner le vrai enjeu de la crise nationale ».

D’ailleurs, ils pensent que cette révision aura connu des débats et des apports qu’aucune autre révision constitutionnelle par le passé n’a subis. Le débat sur la révision a bien commencé en 2011, avec la commission Abdelkader Bensalah puis avec les consultations de Abdelmalek Sellal en 2012, ensuite avec le comité restreint de Kerdoun avant de finir avec les tractations d’Ahmed Ouyahia. Soit quatre années pleines de suggestions, d’apports, de modifications et d’analyses intellectuelles et constitutionnelles, ainsi que des propositions aussi vagues que précises de la part des partis politiques.
Une densité et une richesse dans les idées assez nettes qui devraient en principe, donner une bonne synthèse sur ce que veut le pouvoir, les politiques ou le peuple algérien d’une manière générale.
Or, le retard dans l’adoption de la nouvelle Constitution semble buter sur autres choses plus ardues que l’agenda ou le calendrier serré du président de la République, car, le fait que cette révision passe par voie parlementaire et non par voie référendaire, indique que les modifications de Bouteflika apportées dans son projet ne toucheront guère aux grands équilibres de l’Etat.
En somme, cette révision que tout le monde attend ne devrait en aucun cas aller dans le sens de la refondation de l’Etat algérien, dans son renouveau institutionnel et sa modernité républicaine. En quatre ans de débats et de propositions, en quatre ans d’analyses et de quête d’une union sacrée autour de ce projet collectif, ou qui devrait l’être, la révision telle qu’on l’a proposée ne devrait comporter que de petits réaménagements bénins sans incidence aucune, car, Bouteflika voudrait revenir aux « deux mandats initiaux », après la fameuse révision encore « partielle » de 2008.
C’est d’ailleurs cette dernière révision, qui lui a ouvert le chemin pour briguer un troisième mandat, que certains politiques qualifiaient de « règne de trop ».
C’est sans doute cette histoire brève de la révision constitutionnelle qui ne plaide guère en sa faveur. L’opposition s’est davantage radicalisée, moins encline à accepter les appels du pouvoir. Mieux, cette opposition hétéroclite, divisée, dont leurs idéologies sont davantage exacerbées par le pouvoir et ses portevoix, aura réussi la prouesse de s’unir en un seul front et surtout à constituer un bloc politique qui ne cesse de prendre de la valeur et du crédit.
Il est évident qu’il en reste beaucoup et qu’il faudrait bien plus d’arguments et de patience pour que cette opposition parvienne à faire adhérer l’opinion publique à ses thèses. Il est également sûr que ni la CNLTD, ni le Front du changement ne vont acclamer cette énième révision.
En fait, pour de nombreux observateurs, comme pour des partis politiques, les petits réaménagements dans certains dispositifs de la Constitution ne sont plus une priorité nationale ou politique. Des révisions qui n’apporteront ni la sérénité dans le débat politique actuel, ni la bonne atmosphère qui dissipera la morosité ambiante.
Pour ainsi dire, Bouteflika devra se contenter de son lifting pour « corriger » les erreurs de 2008, avec l’aide intéressée de ses partisans jusqu’aux boutistes, qu’ils soient du FLN, lui-même divisé et écartelé par tant de mirages et d’ambitions, ou du RND, voire même du MPA et du TAJ.
Autrement dit, on risque bien de qualifier la révision, qui semble entrer dans une marche forcée, de non-événement !. Voilà une opération politique majeure réduite maladroitement à un anodin « texte dans un Journal Officiel », ou sacrifiée politiquement sur l’autel des dérives en tous genres.