Le président de la république n’a pas entendu les appels qui se sont multipliés contre les dispositions du projet de révision constitutionnelle jugées discriminatoires à l’égard des Algériens établis à l’étranger.
Lundi, le projet de loi portant révision de la Constitution a été approuvé au cours d’un Conseil des ministres, réuni sous la présidence du président de la République, Abdelaziz Bouteflika. Aucune modification n’a été introduite au projet rendu public hormis une « précision » à apporter à l’article 51 qui a suscité une avalanche de critiques.
Le président Bouteflika a « ordonné » d’ajouter à l’article 51 qui suscite une grande controverse la précision que la « loi déterminera la liste des hautes fonctions de l’Etat ».
Dans le projet initial, l’article 51 stipule que « l’égal accès aux fonctions et aux emplois au sein de l’Etat, est garanti à tous les citoyens, sans autres conditions que celles fixées par la loi. La nationalité algérienne exclusive est requise pour l’accès aux hautes responsabilités de l’Etat et aux fonctions politiques ».
La précision ne change donc pas fondamentalement l’esprit de l’article 51. Les algériens qui ont une autre nationalité sont toujours exclus. Ils auront tout au plus la maigre consolation de connaître, à travers la loi à venir, la liste des « hautes fonctions » qui leur seront interdites.
En revanche l’article 73 qui fixe les conditions d’éligibilité au poste de président de la république a été approuvé par le Conseil des ministres sans aucun changement. Or, cet article comporte aussi des exclusions qui ne visent pas non seulement les binationaux.
Pour être candidat, il faut « ne pas avoir acquis une nationalité étrangère », « jouir uniquement de la nationalité algérienne d’origine et attester de la nationalité algérienne d’origine du père et de la mère » et « attester de la nationalité algérienne l’origine unique du conjoint. Ces dispositions excluent tous les binationaux mais également les nationaux qui ont des épouses étrangères.
Le projet de Constitution va même plus loin en créant une exclusion sur la base de la résidence. Ainsi, même quand on est « uniquement » algérien, on ne peut être éligible à la présidence sans « Justifier d’une résidence permanente exclusive en Algérie durant un minimum de dix (10) années précédant le dépôt de la candidature ».
Les analystes ont de la peine à comprendre ces restrictions ciblant directement la communauté algérienne à l’étranger. “Il y a un excès qui ne s’explique pas dans ces exclusions ” avait relevé Abed Charef. Rachid Nekkaz, candidat à la candidature au cours de la dernière présidentielle, est automatiquement exclu. Et il ne se prive pas de dire que ce sont des dispositions que le ciblent directement, une sorte «d’article Nekkaz ».
L’Association des Algériens des deux rives et leurs amis (ADRA) a dénoncé une « rupture du concept d’égalité entre citoyens algériens, principe hérité des valeurs du 1er novembre et du congrès de la Soummam » et souligne que les dispositions de l’article 51 seront lourdes de conséquences. Selon ADRA, « plus de 6 millions d’Algériens seraient privés de pouvoir participer au développement de leur pays ».
ADRA souligne que l’Algérie « se voit donc amputée d’une grande partie de ses enfants à contrecourant de ce qui se passe dans d’autres pays ». Ce sont des dispositions qui violent le principe constitutionnel de la non-discrimination énoncé à l’article 29.
L’article en question dispose que les » citoyens sont égaux devant la loi, sans que puisse prévaloir aucune discrimination pour cause de naissance, de race, de sexe, d’opinion ou de toute autre condition ou circonstance personnelle ou sociale. »
Ce qu’il faut constater est que Bouteflika n’a pas tenu compte y compris des appels de ses plus fervents supporters comme Amar Saadani ou Amara Benyounes qui ont, eux aussi, pointé une discrimination à l’égard des algériens établis à l’étranger.
Amara Benyounes a appelé le « président de la République à intervenir pour réparer cette grave injustice envers une partie de la société algérienne » en citant comme exemple les jeunes binationaux, comme Antar Yahia et Madjid Bouguerra qui ont « sauvé l’honneur de l’Algérie en matière de football » et qui ne peuvent « être députés ou prétendre à des postes au sein de l’Etat algérien » en raison de l’article 51.
Amar Saadani qui avait l’air d’en rendre Ouyahia responsable a souligné que l’article 51 « traduit l’exclusion de notre communauté nationale établie à l’étranger dont le nombre dépasse cinq ou six millions. ». C’est un article qui « doit impérativement être amendé, car enlever le droit de la citoyenneté à un Algérien où qu’il se trouve est anticonstitutionnel » a-t-il déclaré. Message non reçu.
En réalité, après l’approbation par Bouteflika, il ne reste plus qu’une très maigre possibilité de voir le Conseil constitutionnel rejeter cette disposition.