Constitution : autoritarisme et formalisme

Constitution : autoritarisme et formalisme

C’était bien la révision d’une Constitution que les élus ont approuvée avant-hier. Mais malgré le message présidentiel venu instantanément soutenir le consentement unanime des élus du régime, la formalité parlementaire a du mal à passer pour un moment politique.

L’inconvénient avec un Parlement accommodé de manière à assurer l’approbation massive et répétée de l’action du pouvoir, c’est que son vote n’a pas d’effet légitimant. Mais la tentation de contourner un référendum qui l’aurait encombré d’une campagne électorale et des contraintes d’un débat semble l’avoir emporté.

Dès le vote accompli, le Président a tenté de minimiser l’effet délégitimant de l’échappatoire parlementaire, arguant qu’il a soumis sa révision constitutionnelle à “un Parlement librement choisi par le peuple pour exprimer sa volonté et reflétant la diversité des courants d’idées et d’opinions qui animent notre société”. Or, le problème réside justement dans un système électoral entièrement conçu pour assurer, pour le compte du pouvoir effectif, la maîtrise de la structure politique des assemblées et instances élues. Le recours systématique à la fraude permet d’installer, dans chaque assemblée, une majorité qui rendrait toute opposition vaine ; les appareils des partis conçus pour trier les candidats de sorte à prévenir toute imprévisibilité dans leur comportement électoral. Ils doivent, en particulier, s’en remettre à la gestion autoritaire de leurs carrières et être totalement dénués de convictions politiques.

C’est à ce prix que l’on peut faire voter, avec pratiquement le même personnel parlementaire, et dans le même enthousiasme, aussi bien l’abrogation de la limitation des mandats présidentiels que son rétablissement quelques années plus tard. Comme en 2008, dans la révision constitutionnelle de 2016, l’efficacité pratique a prévalu sur la question de la forme. L’option référendaire aurait imposé un débat trop contraignant, alors autant perdre en légitimité ce que l’on gagne en simplicité procédurale.

LG Algérie

En 2005, ne pouvant asseoir la légitimité de sa démarche de “réconciliation nationale” sur la seule approbation parlementaire de la “Charte”, Bouteflika avait bien perçu l’utilité, voire la nécessité de la formule référendaire. A-t-il estimé que la révision constitutionnelle ne soit pas de nature à modifier profondément la perspective politique du pays ? Ne se sent-il pas en position de contrôler la gestion politique d’une consultation nationale pour battre ainsi en retraite en essayant de faire passer le vote du Parlement pour le raccourci d’un référendum populaire ?

Cela dit, sous un régime autoritaire, la Constitution est nécessairement de nature provisoire. Et, dans sa mise en œuvre, la volonté de l’autocrate prime sur la règle qu’elle énonce. Tout cela relativise la forme qui aura présidé à sa confection et son adoption.