Un nouveau souffle semble avoir été imprimé au marché des bijoux traditionnels à la faveur de leur coût devenu abordable avec l’introduction de nouveaux matériaux pour leur fabrication.
M’khabel, khayt errouh et al-d’jbine, bijoux phares indissociables des habits traditionnels et des tenues de fête à Constantine, à Alger ou à Tlemcen, toujours aussi prisés par la gent féminine, ne sont plus du tout inaccessibles grâce au laiton, un matériau malléable, pas trop difficile à laminer.
Hocine Habi, artisan bijoutier établi à Tlemcen, rencontré par l’APS au Salon de l’artisanat de Constantine où il expose, avoue que la ville des Ponts demeure un marché «des plus intéressants», les Constantinoises désireuses de se faire plus belles apprécient toujours les bijoux traditionnels, surtout lorsqu’ils sont finement travaillés.
Il explique que l’introduction du laiton, un alliage obtenu en mélangeant le zinc et le cuivre, a «vraiment boosté le marché des bijoux traditionnels».
Pour lui, «peu de gens peuvent aujourd’hui se permettre des bijoux traditionnels, c’est pourquoi les nouveaux matériaux ont permis aux femmes de se faire plaisir et de perpétuer une tradition sans se ruiner». Cet artisan bijoutier précise que dans son atelier les demandes de fabrication de bijoux traditionnels en or se comptent «sur les doigts de la main», tandis que ceux confectionnés au moyen du laiton s’écoulent «bien plus facilement». Khayt errouh, appelé zerrouf à Tlemcen, est cédé à partir de 4 500 DA, le prix du m’khabel, plus spécialement prisé à Constantine, oscille entre 5 000 et 12 000 DA, tandis qu’el-d’jbine (une sorte de diadème) est vendu à partir de 9 000 DA. Des prix que M. Habi juge «très compétitifs» comparés à celui de l’or dont le gramme atteint les 6 000 DA.
Il assure que le produit qui sort de son atelier est «aussi fin et aussi raffiné» que le bijou traditionnel en or. «Nous utilisons les mêmes moules et les mêmes procédés pour fabriquer les ornements», a-t-il expliqué. Les pierres sont incrustées à la main car, ajoute-t-il, «le souci du détail dans ce genre de fabrication est primordial». L’artisan bijoutier affirme aussi que dans l’atelier où il fabrique ses petites merveilles, la main-d’œuvre est plutôt féminine. «J’ai reçu dans mon atelier une dizaine d’apprentis dans le cadre d’une convention avec un centre de formation, mais les garçons manifestent peu d’intérêt pour le métier, contrairement aux filles qui s’appliquent mieux et font preuve de passion et de patience dans la fabrication des bijoux», note M. Habi.
L’orfèvre venu de la cité des Zianides, concède volontiers qu’entre les joyaux réalisés à base de laiton et les bijoux en or «il n’y a pas photo».
Mais les temps, aujourd’hui, sont durs et tout le monde ne peut pas se permettre de dépenser 100 000, 200 000, 500 000 DA ou même davantage pour une breloque en métal précieux. Et puis, ajoute Hocine Habi, en saisissant d’un air malicieux un m’khabel de sa fabrication, «imaginez ce bel objet ornant le cou d’une charmante Constantinoise vêtue d’une robe Fergani, ce n’est pas beau ?».
R. L. / APS