Constantine : La ville fête la victoire de l’Algérie

Constantine : La ville fête la victoire de l’Algérie

Les youyous lancés à partir des domiciles où les femmes étaient contenues, traditions obligent, n’arrêtaient pas de fuser à chaque fois que les Verts passaient à côté d’une opportunité de prendre l’avantage dans la rencontre qui les opposait aux Zambiens.

Quant aux hommes, ils invoquaient comme alibi ce match de football pour déplacer le téléviseur, habituellement installé dans la chambre des enfants, et l’installer dans la cour d’immeuble afin de partager une tranche de vie exceptionnelle avec les voisins et souvent des gens de passage durant cette nuit de Ramadhan, un mois jusque-là réduit à une image d’Epinal où ne sont mis en exergues que bagarres, conflits, mercuriale en folie, etc.

Les grandes artères, les rues et les venelles étaient, quant à elles, désertées à partir de 22 heures. Et c’est donc à minuit, heure réputée du crime chez les romanciers, que les Algériens en feront celle de la liesse générale.

Dès le coup de sifflet final, les cafés sont bruyamment vidés, les clients et tout autant supporteurs de la sélection nationale désertant les lieux pour squatter d’autorité la chaussée et prenant la direction des artères les plus fréquentées des communes, voire villes satellites du chef-lieu de wilaya.

Ça sera ensuite un véritable capharnaüm orchestré par des centaines, voire des milliers de personnes qui prenaient littéralement possession de la ville pour en faire, certainement jusqu’au lever du jour, leur patrimoine, leur… territoire.

Avec l’impression de dire «qu’on ne vit qu’une fois des situations pareilles».

Grand barouf donc, pétards, fumigènes et autres artifices pyrotechniques contre lesquels Blatter (et pas la FIFA pour les supporters), heureusement, ne pourra rien pour une fois, baroud d’honneur de patriarches qui n’ont pas hésité à sortir leur Lebel pour la circonstance.

Klaxons à éclater les tympans, tous feux allumés, les véhicules vont s’adonner, souvent, à des embardées tout de même risquées d’autant plus parce qu’ils sont surchargés, cornes de brume ululant dans une nuit shakespearienne.

Le train de nuit (Constantine-Alger) de voyageurs assurait un impressionnant relais sonore en actionnant ses sirènes, d’ailleurs tout comme les nombreux mastodontes (véhicules industriels) qui traversaient les agglomérations.

Shehata est pris pour cible par les ultras, le coach égyptien n’a jamais été en odeur de sainteté avec les nôtres en raison de ses déclarations chauvines à propos de la sélection nationale algérienne.

Les noms de Saadane et Antar Yahia sont scandés, on découvre chez Rafik Saïfi du génie, lui qui n’a jamais été la coqueluche des sportifs de la ville des Ponts.

Pour une fois il est idolâtré et gratifié du titre de «man of the match». Et, comme d’habitude, tout le monde se transforme en entraîneur pour expliquer les choix tactiques de Rabah Saadane après avoir douté quand les joueurs de la sélection nationale ne trouvaient pas, à mesure que le temps s’égrenait, le chemin des filets.

En tout état de cause, dans leur majorité, les gens que nous avons approchés considèrent que «le plus gros est fait… battre le Rwanda, sans pour autant sous-estimer l’adversaire, semble être une formalité. Maintenant, terminer avec 13 points, même si l’adversaire direct, en l’occurrence l’Egypte, arrive à surmonter l’écueil zambien pour espérer obtenir le même capital points n’est pas, outre mesure, mission impossible. Nous croyions sincèrement que notre problème c’était la Zambie, mais la question est maintenant réglée. Rendez-vous en Afrique du Sud».

Le groupe nous quittera en entonnant «hey, ho, mabrouk aalina… hadi l’bidaya ou mazal… mazal». Très beau songe en somme, d’autant que c’est celui d’une nuit d’été.

A. Lemili