Avec l’accroissement prévu des difficultés budgétaires dans un ou deux ans, l’Algérie s’achemine vers une rupture avec la politique des transferts sociaux, dans un scénario de laisser-faire.
La réunion du Conseil des ministres tenue mardi dernier au cours de laquelle a été approuvé le projet de loi de finances 2016 a mis au jour les difficultés du gouvernement Sellal à maîtriser les dépenses publiques : le déficit du Trésor atteindra l’an prochain 2 452 milliards de dinars et le Fonds de régulation des recettes conservera 1 797 milliards de dinars à fin 2016. Ce qui signifie qu’à ce rythme, l’État ne pourra plus puiser dans cette caisse pour réduire le déficit budgétaire en 2018. Les marges du gouvernement en matière budgétaire seront donc plus réduites à partir de 2017.
Cette fonte importante des réserves monétaires en dinars à partir de 2014 résulte de l’incapacité à mettre en œuvre un véritable plan anticrise.
Le projet de loi des finances 2016 constitue la démonstration du fossé entre le constat du chef de l’État reconnaissant que la situation est grave et la non-traduction de cette prise de conscience dans le budget de l’État. Les dépenses budgétaires diminueront de seulement 9%. En d’autres termes, il n’y aura pas de coupes très importantes dans le budget de fonctionnement.
Le gouvernement conservera la même politique sociale, en un mot, le maintien du niveau des transferts sociaux. Il prévoit même leur hausse. “Malgré les tensions financières, les transferts sociaux connaîtront une hausse de 7,5% pour atteindre 23% du budget de l’État.” Précisément, le budget de l’État prévoit une dépense de 222 milliards de dinars pour les subventions des produits de base (céréales, lait, sucre et huile) et plus de 1 500 milliards de subventions indirectes, notamment 630 milliards de dinars de différentiel entre les prix réels des carburants, y compris les quantités importées et le prix de leur cession. Plus de 750 milliards de différentiel entre le prix réel du gaz naturel et son prix aux consommateurs et 154 milliards de dinars de subvention d’équilibre à la société Sonelgaz.
En clair, avec ce montant des transferts sociaux, le gouvernement veut maintenir les prix de ces produits de base en vue de protéger le pouvoir d’achat de la majorité des ménages. Si la chute des prix du pétrole se poursuit, l’accélération de la fonte du Fonds de régulation va conduire de facto à une rupture avec cette politique sociale, dès 2017, voire 2018. Cet effort en direction de la population s’accompagne du maintien d’un niveau élevé de dépenses d’investissement : 40% des dépenses consacrées à l’investissement. Ces seuils soutenus de dépenses exerceront de fortes pressions sur le budget de l’État. Résultat : avec l’accroissement des difficultés budgétaires en 2017, l’Algérie s’achemine inéluctablement vers la réduction des subventions dans un ou deux ans, d’où la nécessité pour les pouvoirs publics de se préparer, dès aujourd’hui, à savoir négocier la paix sociale en période de baisse drastique des ressources financières. À moins de se procurer d’autres ressources budgétaires en exploitant les niches aujourd’hui inexploitées : une véritable fiscalité foncière, les taxes non recouvrées dans l’import-import et les transactions de l’informel.
La question est de savoir — dans un scénario de laisser-faire — si la rupture avec cette politique s’opérera en douceur ou brutalement. Tout dépendra de la capacité de nos gouvernants à convaincre la population