Conséquence de la présidentielle d’avril 2014 – Bouteflika : le mandat de trop

Conséquence de la présidentielle d’avril 2014 – Bouteflika : le mandat de trop
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Si au plan économique, le gouvernement s’attelle à trouver la parade pour amortir les contrecoups de la dégringolade des prix de l’or noir, au plan politique, c’est le flou artistique.

L’année 2014 finit comme elle a commencé : dans l’incertitude. À l’incertitude politique, conséquence d’une élection présidentielle contestée, est venue se greffer la perspective sombre sur l’économie nationale et, par ricochet, sur la paix sociale, née de la chute brutale des prix de l’or noir que le gouvernement n’a pas vue venir. Mais si au plan économique, le gouvernement s’attelle à trouver la parade, à travers l’esquisse de quelques mesures, pour amortir les contrecoups de la dégringolade des prix de l’or noir d’où proviennent l’essentiel des recettes du pays, au plan politique, c’est le flou artistique. Rien ne semble indiquer pour l’heure que le régime est disposé à engager des réformes sérieuses et courageuses à la hauteur des mutations et des aspirations du peuple algérien.

Cette situation est incontestablement liée à ce que d’aucuns qualifient de mandat de trop du président Bouteflika dont les soucis de santé handicapent sérieusement sa mission à la tête de l’État que ses laudateurs et ses thuriféraires tentent d’occulter maladroitement. Pourtant, jusqu’à quelques semaines avant l’élection présidentielle, peu pariaient sur un renouvellement du bail au président Bouteflika. Dans le sérail, on s’employait à lui trouver un successeur, un homme susceptible de sauvegarder les équilibres internes du régime, mais surtout protéger le clan dont des proches, éclaboussés par des scandales, sont dans le viseur de la justice. Dans le personnel politique du régime, une figure émergeait, celle d’Abdelmalek Sellal, d’autant que l’homme a entamé une tournée dans les wilayas du pays assimilée par beaucoup à une campagne électorale avant l’heure. Mais contre toute attente, c’est au cours de l’une de ces visites qu’Abdelmalek Sellal annonce que le président Bouteflika allait se porter candidat à sa propre succession. “Je vous annonce aujourd’hui la candidature du président Abdelaziz Bouteflika à l’élection présidentielle du 17 avril prochain”, annonçait en février Sellal depuis Oran, en marge d’une conférence africaine. Pour l’opposition, connaissant les mécanismes de fonctionnement du sérail, le parti pris de l’administration et des médias publics, la cause est dès lors entendue. Malgré son absence de la campagne, les ratés des animateurs de sa campagne dont certains, à l’image d’Amara Benyounès ou encore Sellal, ont été conspués lorsqu’ils n’ont pas carrément annulé des meetings, et face à la concurrence d’Ali Benflis qui a réussi à attirer autour de sa candidature de nombreux sympathisants, Abdelaziz Bouteflika sera élu président de la République. Une intronisation qui, paradoxalement, va secouer la mare politique algérienne empêtrée, jusque-là, dans des divisions. C’est alors le début de naissance d’initiatives qu’on a peine à imaginer jusque-là. Des partis, de divers obédiences, que rien ne rapprochait, réussissent à mettre en place la coordination nationale pour les libertés et la transition démocratique et qui connaîtra son point d’orgue avec l’organisation d’une conférence à Zeralda, où l’essentiel de l’opposition algérienne se retrouve. Tétanisé par ce regroupement unique de l’opposition où les islamistes côtoient les laïcs, les libéraux, les gauchistes, le pouvoir tente de torpiller l’initiative en organisant des concertations sur la révision de la Constitution, mais qui n’aura pas l’effet escompté, puisque le projet est mis sous le boisseau faute de consensus. Au fil des mois, l’opposition, qui réclamait au début l’application de l’article 88, fait augmenter la pression en demandant l’organisation d’une présidentielle anticipée après la mise en place d’une instance indépendante pour l’organisation de l’élection. Parallèlement, les capitales étrangères commencent à s’inquiéter sérieusement sur le devenir politique de l’Algérie, un pays qui a échappé à la vague du “Printemps arabe” grâce à la distribution de la rente et à la corruption sociale. Last but not least, les incertitudes sur l’état de santé de Bouteflika dont les apparitions devenaient de plus en plus rares alimentaient la rumeur. Encore plus avec ses séjours fréquents à l’étranger, entourés du plus grand secret. Au milieu de ce bras de fer entre le pouvoir et la CNLTD, Ali Benflis, qui a lancé le Pôle des forces du changement, renforce les rangs de l’opposition, les anciens ténors à l’image de Mouloud Hamrouche réinvestissent le terrain politique, alors que le FFS s’emploie à organiser une conférence de consensus, une initiative qui s’apparente à une tentative de jouer l’interface. Même s’il dénonce, via ses relais et sa clientèle, la démarche de l’opposition, le pouvoir acculé y entrevoit à travers la démarche du FFS une planche de salut, en témoigne les déclarations du patron du FLN et d’autres partis. Mais peut-on conclure pour autant, maintenant que les perspectives économiques menacent la paix sociale, que le pouvoir est disposé à quelques concessions, à engager des réformes, à s’asseoir autour d’une table avec l’opposition pour trouver une issue à la crise ? On le saura probablement dans  les prochains mois. S’il ne faut sans doute pas se réjouir de l’exacerbation de la crise, il reste que le quatrième mandat pourrait, paradoxalement, s’avérer comme le mandat de salut pour le changement démocratique, tant attendu, en Algérie.

K. K

LG Algérie