« RAS » pour la rentrée scolaire, terres agricoles pour la construction de logements, loi de finances sans Sonatrach, un Etat aumônier. Voilà ce que le conseil des ministres inscrit dans son « plan d’action »…
Que dit le communiqué du premier conseil du « nouveau » gouvernement aux Algériens? Il établit un constat d’échec dans tous les secteurs et le plan d’action émis dans ses grands contours en attendant qu’il soit détaillé par le Premier ministre ne sera sans doute qu’une suite de réparations, de soudages, de colmatages tant les dégâts sont innombrables et irrémédiables, à tout le moins, ils ne peuvent avoir de solutions de la part de ceux qui en sont à l’origine. Les services publics sont inexistants, il faut les « réhabiliter » et les « mobiliser » deux termes qui ne renvoient à aucune mesure concrète, participent plus d’un vocabulaire militaire volontariste que d’une taxonomie précise afin que le fantôme de la « bureaucratie », des « passe-droits » ait de la chair. Il ne s’agit pas de quelques services publics identifiés mais « de tous » et cette tâche s’avère immense pour qui endure au quotidien, depuis des décennies, l’affront et l’arrogance d’une bureaucratie avilissante et mercantile. Et tous les autres termes performatifs comme « consolider« , « parachever« , « renforcer » portent en eux toutes les tares des domaines auxquels ils sont collés depuis des décennies.
Ce plan d’action du gouvernement, est-il indiqué, poursuit « l’exécution des différents programmes sectoriels et réformes prévus dans le programme du Président de la République« . Mais que contiennent précisément les réformes du chef de l’Etat en matière de projets socioéconomiques sectoriels et politiques en direction de l’Algérie? On aurait beau s’échiner à inventorier dans les réformes de 2011 des actions concrètes, observables, mesurables, quantifiables qu’on se retrouverait bredouille devant une feuille blanche. L’état de siège levé? Les marches sont interdites et réprimées. Le délit de presse décriminalisé? L’atteinte au chef de l’Etat relève du pénal. Liberté du culte? On sonne l’hallali aux algériens chrétiens, aux non jeuneurs. L’Etat de droit garanti? On en piétine les fondamentaux. Les seuls éléments quelque peu visibles des réformes de Bouteflika concernent la mise au pas des partis politiques, créés à tour de bras depuis la loi organique, dans un contexte de « saturations » de discours qui n’ont plus prise dans la société. On pourrait ainsi multiplier les exemples à l’infini que ce paradoxe irait grandissant.
Ce plan d’action du gouvernement repose donc sur « les réformes » du chef de l’Etat qui sont, en définitive, une outre magique que l’on pourrait remplir de n’importe quoi, tant le contenant et le contenu se confondent. Selon le communiqué du conseil du gouvernement, dans sa version intégrale, la « poursuite » de ces réformes, s’articulent sur trois axes pour « une nouvelle impulsion et une dynamique soutenue à l’économie nationale pour faire face aux effets de la crise économique mondiale et relever les importants défis auxquels notre pays se trouve confronté. »
1) « la poursuite de l’amélioration de la gouvernance pour renforcer l’Etat de droit, réhabiliter d’une manière radicale le service public et promouvoir la cohésion nationale. » Au moment où cela est affirmé et projeté dans un futur proche ou lointain, toutes les marches citoyennes initiées ou prévues ont été réprimées dans le sang et le dialogue social avec les autorités passent d’abord par la répression, les intimidations, les campagnes de dénigrement.
2) « la consolidation de la sphère économique et financière en vue particulièrement de renforcer la visibilité du processus de développement national, améliorer l’environnement de l’investissement, notamment, à travers le foncier, poursuivre la modernisation du système financier et accroître l’efficacité du rôle économique de l’Etat » Sur ce volet, les orientations émises pour un plan d’action du gouvernement aggravent la situation et accroissent la disqualification de l’Etat dans sa capacité à créer de l’investissement qui reste dans ses expressions prédatrices. Du rôle économique de l’Etat, le conseil entérine le bradage de terres agricoles pour la construction de logements sociaux en plus de celles qui sont mises en jachère sur le littoral algérois destinées aux grandes surfaces de bazars hétéroclites venus tout droit, clés en main de pays émiratis. Ce n’est point une solution de facilité que de décider à l’échauffourée de grignoter sur les surfaces cultivables qui se réduisent comme une peau de chagrin, mais cela obéit à « un plan d’action » diabolique de mettre l’Algérie sous dépendance alimentaire de plus en plus goulot d’étranglement: le marché de l’importation à « tout-va » est la voie royale d’une corruption systémique. Y compris pour l’unique richesse du pays, Sonatrach qui, de tous les chapitres abordés, occupe la plus grande « attention » dans le communiqué du conseil des ministres sans que soit fait le lien entre une loi de finances au rabais, les embellies du baril et le dinar, monnaie de singe par une inflation préméditée…
Par cette décision de livrer encore et encore les terres agricole au béton, s’affiche un Etat-pouvoir qui n’a aucune perspective d’avenir et agit au coup par coup, n’étant à l’écoute d’aucun rapport d’experts internationaux sur la question de la dépendance alimentaire et, à fortiori, dans un pays où la manne pétrolière ne sert pas le développement du pays, mais alimente les fortunes personnelles, sert à redistribuer les cartes tribales au sein du pouvoir et à garnir les comptes helvétiques. Comment un pouvoir qui n’a jamais été à l’écoute des citoyens peut-il prétendre « dynamiser la moralisation de la vie publique » peut-il être l’instigateur de « la promotion du développement humain » et surtout enjoindre les services publics d’être « à l’écoute » des doléances citoyennes?
3) « La poursuite de la mise en oeuvre de la réforme du secteur de l’enseignement et de la formation, la lutte contre le chômage, le développement de l’action sociale de l’Etat en direction des catégories défavorisées » C’est par le qualification de « normale » qu’a été évaluée la rentrée scolaire 2012/2013. Autrement dit un « RAS » et l’on se demande alors les raisons pour lesquelles le ministre de cette « normalité » décennale a été dégommé.
En définitive, une lecture attentive du contenu de ce communiqué du conseil des ministres « instruits » par le chef de l’Etat nous ferait reculer d’une cinquantaine d’années tant il s’adapte dans le fond et la forme à l’Algérie de 1962, sortie, exsangue de 130 ans de colonialisme et dans laquelle il faut, comme il le prétend, prêter l’écoute aux ex-indigènes, bâtir l’Etat de droit, construire des logements sur les anciennes fermes coloniales et faire du Président celui qui « instruit » ses ministres sommés de lui proposer un « plan d’action » sur la base de ses réformes. Comment et par quels pouvoirs, un président absent, qui n’a du temps que pour recevoir ses amis émiratis, surveiller de près l’avancée des travaux de sa mosquée, ériger la concorde nationale en mode de gouvernance dans lequel les bourreaux ont pignon sur rue, peut-il, avoir la compétence souveraine d’ »instruire » ses nouveaux ministres?
R.N