Rebondissement inattendu dans les événements qui secouent la scène politique sous la pression du mouvement populaire pour le changement du système. L’un des «trois B» que les Algériens rejettent a fini par démissionner. Il s’agit de Tayeb Belaiz, qui a remis, hier, sa démission au chef de l’Etat, Abdelkader Bensalah.
«Le président du Conseil constitutionnel, Tayeb Belaiz a informé les membres du Conseil, lors d’une réunion tenue mardi 16 avril 2019, qu’il a présenté au chef de l’Etat sa démission du poste de président du Conseil constitutionnel qu’il occupe depuis la prestation de serment le 21 février dernier», a indiqué, hier, un communiqué de la même institution, repris par l’agence officielle APS. La même source a ajouté que dans sa lettre de démission au chef de l’Etat, «M. Belaiz a exprimé son souhait que Dieu préserve l’Algérie et le peuple algérien vaillant de tout danger».
Immédiatement, la Toile a explosé et les Algériens se sont félicités d’une autre victoire qu’ils viennent de réaliser dans leur marche pour le changement du système.
La rue a également réagi à cette annonce, à commencer par les étudiants qui occupaient déjà les rues des villes comme chaque mardi. A Alger, la nouvelle est célébrée dans la joie. Les manifestants ont scandé «Dégage ! Dégage» pour fêter l’évènement et appelé au départ des autres B, à savoir le chef de l’Etat, Abdelkader Bensalah, le Premier ministre, Noureddine Bedoui et le président de l’APN, Moad Bouchareb. Fidèle de l’ex-président de la République démissionnaire, Abdelaziz Bouteflika, Belaiz a été nommé le 10 février à son poste en remplacement de Mourad Medelci, décédé quelques jours avant. Il avait cautionné le cinquième mandat et le prolongement du quatrième mandat, plans concoctés avant qu’ils ne soient tombés à l’eau par l’ampleur de la mobilisation populaire. Son départ est une autre victoire donc, qui s’inscrit au registre du mouvement du 22 février qui ne veut pas des symboles du régime pour la gestion de la période de transition.
Les partis politiques de l’opposition ont vu dans cette démission une étape de plus pour la solution. Le député d’El Adala Lakhdar Benkhallef a soutenu qu’«il s’agit d’un prélude pour la démission des 3B encore en poste». Benkhallef a appelé à «une période de transition qui sera gérée par une instance collégiale ou une personnalité consensuelle, et un gouvernement de compétences nationales pour une durée de six mois». De son côté, le FFS reste prudent. Saluant «une bataille remportée» par la mobilisation citoyenne, le premier secrétaire national du parti, Hakim Belahcel, «souhaite que cette démission ne soit pas un autre stratagème de cette caste politique, afin d’opérer des réaménagements internes au sérail dans l’espoir de gagner du temps et de se maintenir au pouvoir», a-t-on écrit dans un communiqué du parti. Pour le MSP de Abderrezak Makri, cette démission constitue «une étape qui concorde avec les revendications du peuple».
Effectivement, il faut dire que ce retrait peut ouvrir la voie au départ des figures que les manifestations populaires dénoncent (Bensalah, Bedoui et Bouchareb), car l’on se dirige droit vers une impasse. La démission de Belaiz met Bensalah dans une posture très difficile. Selon l’article 81 de son règlement intérieur, «en cas de décès ou de démission du Président du Conseil constitutionnel, le Conseil se réunit sous la présidence du vice-président et en prend acte. Le président de la République en est immédiatement informé». Suite à cela, le chef de l’Etat en exercice sera appelé à nommer un autre président. Mais comme il est contesté au sein du peuple, Bensalah verra son choix rejeté par la population, à moins qu’il démissionne lui aussi et procède à la nomination d’une personnalité indépendante et jouissant d’une crédibilité au sein du Hirak.
Ce qui peut ouvrir la voie à l’accession de cette dernière au poste de chef de l’Etat pour gérer la transition, voire pousser Bedoui à jeter l’éponge aussi. Un scénario à ne pas écarter surtout que le chef d’état-major de l’ANP a, depuis Ouargla, hier, soutenu que «toutes les perspectives possibles restent ouvertes afin de surpasser les difficultés et trouver une solution à la crise dans les meilleurs délais, car la situation ne peut perdurer davantage, vu que le temps nous est compté».