Le prix du pétrole a perdu un tiers de sa valeur en trois mois. Une situation inquiétante pour l’Algérie pour qui le prix d’équilibre se situe à 105 dollars contre 71 pour l’Arabie Saoudite et 42 pour le Qatar. A l’Opep, l’Arabie saoudite n’a pas réussi à obtenir un relèvement des quotas mais il n’est pas sur qu’elle respectera le statuquo. L’incertitude sur le marché pétrolier s’alimente de la surproduction et de la crise de la zone euro.
Le pétrole a clôturé vendredi la séance à New York sous une note mitigée. La veille les prix avaient reculé très nettement, de plus de trois dollars, sous la barre des 80 dollars, pour le WTI et ceci pour la première fois depuis octobre 2011. De même, à Londres, le baril de Brent de la mer du Nord, échangé sur l’Intercontinental Exchange (ICE), a fortement chuté de 3,46 dollars à 89,23 dollars, passant sous la barre des 90 dollars, un niveau inédit depuis décembre 2010. Le rebond technique enregistré vendredi a tout juste permis de franchir ces seuils symboliques pour atteindre 80, 15 dollars pour le WTI et 91,51 dollars. Ainsi le baril aura perdu en trois mois près du tiers de sa valeur, en mars dernier le WTI avait dépassé les 110 dollars, les occidentaux envisageaient alors de puiser dans leurs réserves stratégiques pour contrer la flambée des cours.
Plombé par la crise de la zone euro
La situation économique globale et la surproduction expliquent le repli brutal des cours du brut. Le contexte est en effet plombé par la crise de la zone Euro et par les interrogations sur la viabilité du programme de sauvetage des banques espagnoles. Les analystes ne sont pas convaincus de la stratégie prônée par les européens et pointent le phénomène de contagion spéculative, qui commence à préoccuper sérieusement l’Italie, troisième économie de la zone.
La dégradation, jeudi dernier, de la notation de plusieurs banques internationales, françaises notamment mais aussi britanniques et américaines, par Moody’s alimente l’inquiétude des investisseurs. Les indicateurs économiques Européens mais également aux Etats-Unis contribuent à déprimer les cours du brut. Mercredi, la Federal Reserve des Etats-Unis (Fed) a revu à la baisse ses prévisions de croissances pour l’économie américaine et en réévaluant à la hausse ses prévisions de chômage. Dans le même temps l’économie de la zone euro enregistrait pour le deuxième trimestre sa plus forte contraction depuis trois ans.
Par ailleurs, le département de l’Energie américain a fait part jeudi d’une augmentation imprévue des stocks de brut de 2,9 millions de barils lors de la semaine achevée le 15 juin, à un niveau proche d’un record en 22 ans atteint en mai. Ce gonflement des réserves est du à la forte croissance de la production d’hydrocarbures aux Etats-Unis mais également à la surproduction des pétromonarchies et à leur tête l’Arabie Saoudite.
Levée de bouclier contre l’Arabie Saoudite au sein de l’Opep
Plusieurs ministres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), dont le libyen Abderrahmane Benyazza, avaient évoqué la semaine dernière, avant même une réunion à Vienne, la possibilité de convoquer une réunion extraordinaire du cartel si les prix du Brent plongeaient en deçà de 90 dollars le baril. « Il est habituel que le président de l’Opep convoque une réunion des ministres si quelque chose d’extraordinaire arrive sur le marché » a souligné pour sa part le secrétaire général de l’OPEP Abdallah el-Badri après la réunion. En réalité de fortes dissensions se sont révélées entre partisans d’une réduction de la production, Venezuela, Algérie, Iran, Libye, Equateur…et ceux qui autour du ministre saoudien Ali Al Nouemi souhaite maintenir un prix bas pour, c’est l’argument publiquement avancé, aider les économies du nord à surmonter la crise. De fait, l’Arabie Saoudite n’a pas réussi à imposer un relèvement des quotas et a fait face à une levée de boucliers au sein de l’organisation. Beaucoup prêtent à Ryad des arrière-pensées stratégiques éloignées de la défense des intérêts des producteurs. A la veille de l’application de l’embargo occidental sur les exportations de brut iranien, le Royaume voudrait rassurer les marchés sur une disponibilité abondante de pétrole à un prix très acceptable.
Incertitude
Cette position est d’autant plus facile à assumer pour l’Arabie Saoudite que contrairement à d’autres producteurs de l’OPEP, le prix d’équilibre budgétaire pour le pétrole exporté se situe bien au dessous des cent dollars le baril. Selon un récent rapport du FMI (Middle East and Central Asia Regional Economic Outlook Update- Avril 2012), le prix d’équilibre se situe à 71 dollars pour l’Arabie Saoudite, 105 dollars pour l’Algérie, 84 dollars pour les Emirats Arabes Unis, 117 dollars pour l’Iran et la Libye, 112 pour l’Irak et 42 dollars pour le Qatar….Il reste à voir si les Saoudiens respecteront le statuquo arrêté à la fin de la semaine dernière. Leurs marges de manœuvre sont nettement plus larges que celles de leurs partenaires au sein de l’OPEP et la finalité de leur gestion des prix répond à une rationalité politique bien plus qu’économique ou financière. Il reste que l’incertitude est telle que rares sont les experts qui se risquent à fixer une limite à la baisse des prix pétroliers. Même si la barrière des 71 dollars semble être le niveau d’étiage de la baisse du cours du baril.