Conflit à Al Hayat Al Arabia : Un patron de presse congédie son personnel exploité et payé au rabais

Conflit à Al Hayat Al Arabia : Un patron de presse congédie son personnel exploité et payé au rabais

Triste réalité d’un métier qui s’enfonce de plus en plus dans la précarité. Une dizaine de travailleurs, journalistes et techniciens du journal arabophone Al Hayat Al Arabia, risque de connaître dés mardi 6 décembre les affres du chômage. Péripéties d’un conflit qui chemine droit vers le pire.

Samedi 03 décembre, le personnel du journal arabophone Al Hayat Al Arabia saisit par écrit le directeur de la publication autour de revendications professionnelles.

Ce dernier réagit illico : tout le monde est renvoyé. Le directeur se retient cependant de notifier la décision par écrit.

Les journalistes, cinq au total, rejoints par les techniciens, décident alors de rester sur place et d’occuper la minuscule pièce qui fait office de salle de rédaction. Le bras de fer commence.

Le directeur de la publication, Ahmed Mestari, décide de démanteler la station PAO pour la transfère ailleurs, coupe le téléphone et la connexion internet. Le lundi, le journal est absent des étals. Et, fort probablement mardi.

Les journalistes et les techniciens jurent de camper sur place jusqu’à obtention de leurs droits. Nous les avons rencontrés ce lundi 5 dcembre, jour d’Achoura, dans l’exiguïté d’une salle de rédaction à l’ameublement sommaire.

Ils témoignent de la précarité professionnelle dans laquelle ils ont évolué, pour certains depuis plus d’une année.

« Nous sommes en tout cinq journalistes. Chacun est obligé de confectionner deux, voire trois pages quotidiennement et ce pour des mensualités qui varient entre 10 000 et 18 000 dinars », avoue cette journaliste qui anime toute seule la rubrique société.

Elle garde le sourire, en dépit de sa situation professionnelle des plus précaires. « Je fais tout cela pour le modique salaire de 10 000 dinars », révèle-t-elle. 8000 dinars de moins que le SNMG, fixé à 18 000 dinars.

Ses collègues ne sont pas mieux lotis. Tous cravachent durs et perçoivent des rémunérations en dessous du salaire national minimum garanti.

Mieux encore. La journaliste précise qu’elle ne bénéficie même pas de la sécurité sociale. Ses collègues eux ignorent s’ils sont déclarés par leur employeur. « On nous a remis des numéros de sécurité sociale mais on ne sait pas si on est réellement assurés », reprend son collègue à l’autre extrémité de la salle de rédaction.

Puis c’est autre employé à tout faire, démarcheur et correspondant avec l’imprimeur qui s’invite à la discussion. « Je pars de nuit et à pied jusqu’à l’imprimerie. Je n’ai même pas droit au transport. Et je perçois 15 000 dinars par moi », débite-t-il d’une bribe, puis ajoute, le visage subitement plus triste : « Je n’ai pas pu assister à l’enterrement de ma tante décédée avant-hier. J’ai sollicité une avance pour pouvoir m’y rendre mais ils me l’ont refusée. »

Le personnel d’Al Hayat Al Arabia, verbalement congédié, vit aussi la hantise de ne pas percevoir les salaires du mois de novembre. « Le directeur de la publication a menacé de ne pas nous verser nos salaires. »

Au troisième jour du conflit, ils ne voient rien venir. Ils restent cependant décidés à aller jusqu’au bout.

Mardi, ils entrent dans une grève de faim qu’ils disent illimitée. Sur les lieux de travail. Dans cette petite salle de rédaction. Et mercredi, ils se sont donnés rendez-vous pour un sit-in devant l’APN.

En attendant, le directeur de la publication, Ahmed Mestari ne semble aucunement troublé par la situation. « Il n’y a pas de licenciement. Le personnel observe une grève, laquelle est illégale, puisqu’il n’y a pas eu de préavis », soutient-il.

Mais d’où est-il venu que l’entreprise vive une telle situation ? Ahmed Mestari se donne raison contre le collectif des travailleurs : « J’ai recruté un journaliste qui se trouvait au chômage. La rédaction s’est opposée à ce recrutement. J’ai fait savoir qu’il n’est pas dans les prérogatives de la rédaction de décider des recrutements. C’est à ce moment là qu’ils m’ont remis une plate-forme de revendications professionnelles tout en entament une grève. J’ai dit que je ne discuterai pas sous la pression de la grève. Pour moi, c’est un refus de travail », dit-il.

Que fera-t-il ? « Ils ont jusqu’à demain pour se décider à reprendre le travail, faute de quoi je ferai venir un huissier de justice et entamerai les procédures légales. »

Ahmed Mestari affirme également qu’étant tenu par des engagements avec les annonceurs il fera paraître le journal. Comment ? Les travailleurs soutiennent qu’il fera appel à la rédaction d’un autre journal, Al Djazair Al Djadida, dont le patron, disent-ils, est actionnaire dans Al Hayat Al Arabia.

Misère du journalisme algérien.

Réaction du SNJ : Licenciement collectif et abusif

Le collectif rédactionnel du quotidien national arabophone Al Hayat Al Arabya, a fait l’objet, samedi 03 Décembre 2011, d’un licenciement collectif abusif et complètement illégal, dans le fond et dans la forme.

L’employeur, ignorant sans doute l’existence d’une législation de travail, de lois et de règles en la matière, a cru pouvoir se débarrasser de tout un collectif et de ses revendications socioprofessionnelles par une simple signification verbale. Aucune notification administrative, de quelque nature que ce soit n’a été adressée à aucun moment, à aucun des membres du collectif concernés !

Saisi par écrit par l’ensemble du collectif, l’employeur refusera en revanche d’accuser réception et poussera le mépris jusqu’à déchirer, par l’intermédiaire du Directeur de la publication, la correspondance de ses employés qu’il somme de quitter les locaux du journal pour laisser place à une nouvelle équipe rédactionnelle ! Ce comportement appartenant à une autre époque, n’est malheureusement pas un cas isolé dans la presse nationale de nos jours.

Le Syndicat national des journalistes qui a déjà pris cette affaire en charge, à travers son avocat Me Youcef Dilem, chargé du volet juridique et, notamment la saisine de l’inspection générale du travail, de la Caisse nationale d’assurance chômage et, cela va de soi, de la justice, assure les consoeurs et les confrères de son soutien en toutes circonstances.

Le Syndicat interpelle néanmoins les pouvoirs publics, notamment le ministre de la Communication ainsi que le ministre du Travail, de la protection sociale et de l’emploi pour mettre fin à cet état de non droit qui clochardise de manière inquiétante le secteur de la presse écrite en Algérie, dont l’affaire « Hayat Al Arabya » est le cas typique par excellence.

L’impunité permanente qui couvre ce genre d’abus doit cesser. Sans délais

P/ le syndicat national des journalistes

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