Conférence «les contributeurs à la culture et au marché du cinéma»: Business, Netflix, morale…

Conférence «les contributeurs à la culture et au marché du cinéma»: Business, Netflix, morale…

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Amina Haddad, Drifa Mezenner, nabil Aït Saïd, Khalil Redouane Madani, Amine Hattou et Idir Benaïbouche respectivement, productrice, réalisatrice et productrice, les cofondateurs du ciné-club Cinuvers, réalisateur et enfin acteur, étaient samedi après-midi les invités de la première édition de la manifestation «Les contributeurs à la culture et au marché du cinéma en Algérie».

Evénement né suite à la bonne initiative de sept étudiants de l’Ecole supérieure algérienne des affaires (Esaa). Quoi dire de cette rencontre? Si beaucoup a été dit sur le récurrent manque de salles et de problèmes de diffusion/distribution des films algériens que ce soit à l’intérieur du pays, voire même à l’extérieur, ce qui ressort comme résultat est ce que finalement l’on sait déjà ou presque depuis ces 10 dernières années, à savoir la difficulté de trouver de l’argent pour faire un film, encore plus aujourd’hui dans le contexte actuel que vit le pays depuis quelques années maintenant, avec sa crise financière et l’absence de système de sponsoring conséquent lorsqu’il s’agit du secteur du cinéma en Algérie, a contrario du football par exemple.

Première à prendre la parole, est la jeune réalisatrice Drifa Mezenner, auteur du très émouvant court métrage J’ai habité l’absence deux fois, qui dira avoir été poussé à lancer une plate-forme de données qui rassemble plein d’informations utiles qui pourront intéresser, et réalisateur, producteur et potentiel acheteur. Cette idée a germé a-t-elle expliqué, après avoir lancé sa propre boîte de production afin de financer son premier long métrage qui attend depuis cinq ans.

Des fonds pour le 7e art

Baptisé Tahia Cinéma en hommage à Tahia ya dido! Cet annuaire servira non seulement à mettre en réseaux les professionnels du cinéma entre eux, mais aussi d’être au fait de l’actualité cinématographique concernant notamment les appels à projets, les deadlines etc. Parlant de son expérience dans le domaine de la production, Amina Haddad dira qu’en plus du Fdatic, la télé était aussi pourvoyeuse de fond pour le 7ème art jusqu’en 2010 où cela a cessé. Elle regrettera qu’on ait supprimé une circulaire qui permettait jusque-là les producteurs d’avoir une certaine exonération sur impôt. Avec l’avènement de la nouvelle loi de finances, ce privilège vient de sauter.

Néanmoins après avoir évoqué sa passionnante expérience en tant que productrice sur le film Zeus (avec Idir Benaibouche dans le rôle d’un des personnages), Amina Haddad confiera être actuellement sur un gros projet de film international qui regroupera pas moins de six pays autour d’un «sujet africain» tout en affirmant son désir de poursuivre son travail dans «la production maghrébine et africaine».

Franc-parler

Idir Benaibouche qui se présentera comme acteur, dira qu’aujourd’hui, le plus important est de pouvoir vivre de ce métier, par conséquent qu’importe le secteur dans lequel il évoluera, théâtre, cinéma ou télévision, «Je suis un comédien qui veut travailler», argue-t-il. «La scène ne fait pas manger son homme», se désolera-t-il. Avec son franc-parler qui le caractérise, Idir relèvera le manque de courage de la profession, voire la quasi-passivité de cette dernière, indiquera que malgré toutes les bonnes volontés et revendications «personne n’a déposé à nos jours un projet à la Présidence ou aux hautes instances pour faire changer les choses».

Evoquant aussi la censure ou l’autocensure au cinéma, il dira que «le comédien est devenu le gardien du temple de la morale» et ce, en faisant allusion à la scène qui a dérangé les officiels qui sont sortis durant l’avant-première du film «Zeus», à Alger.

Défendant leur cinéclub, Cinuvers, les deux animateurs et fondateurs de ce dernier, créé en 2014, ont tenu à rappeler qu’un des obstacles survenu durant tout ce temps a été et reste de trouver une salle de projection stable, tout en étant en butte au problème du visa d’exploitation, néanmoins, soulignera Nabil Aït Saïd «nous avions réussi à dépasser le stade du ciné-club pour devenir un vrai carrefour culturel» et Khalil Madani d’énumérer les différentes activités parallèles organisées depuis, notamment autour du livre qui a acquis un certain nombre d’abonnés fidèles.

Pour Amina Haddad qui restera positive de bout en bout, bien qu’elle souffle le mot «scandales» au pluriel dont le milieu cinématographique en a été ébranlé, ces derniers temps, estimera qu’il est nécessaire de capitaliser les expériences en faisant «remonter les données aux responsables».

Expériences cartographiees

Amine Hattou, réalisateur et responsable du Béjaïa Film Lab aux Rencontres cinématographiques de Béjaïa expliquera la nécessité qu’il y avait de lancer ce processus pour accompagner les jeunes réalisateurs et producteurs à faire ou terminer leurs films, soulignant que trois films sont déjà en cours de finition actuellement ou déjà finis. «Travailler en communion, cartographier les expériences, entrepreneuriat…» sont aussi des mots prononcés ici et là. Même si cela sonne gravement comme du déjà-entendu…

Ne se faisant pas trop d’illusions tout en gardant les pieds bien sur terre, Idir Benaibouche estimera qu’un film algérien pour qu’il soit exportable en France par exemple, il «devra d’abord aborder un sujet qui plaira aux gens de là-bas».

Que dire alors de toutes ces plates-formes de revendications et propositions qui sont soumises chaque année au ministère de la Culture et qui restent lettre morte? Il paraît que l’espoir fait vivre.